Le patrimoine maritime célébré aux Journées européennes du Patrimoine 2024

Publié le 16/09/2024

Auteur : La Rédaction

Organisée du 20 au 22 septembre 2024, cette 41ème édition s’articulera autour des thèmes « patrimoine des itinéraires, des réseaux et des connexions » et « patrimoine maritime ». La Marine nationale mettra notamment en lumière les commémorations du 80ème anniversaire des débarquements, de la Libération et de la Victoire ainsi que les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.

Retrouvez le programme des nombreuses animations et visites gratuites des sites de la Marine dans l’hexagone et outre-mer.

Aux Antilles

·       De 9h à 16h, visite du fort Saint-Louis. Sur le parcours, des guides en itinérance, des conférences et des QR codes seront à disposition des visiteurs pour livrer tous les secrets du fort, monument historique classé depuis 1973.

·       De 8h30 à 17h, visite du fort Desaix.

·       Exposition de l’association « Archéologie petites Antilles »

·       Conférences

o    « L’histoire et les techniques du Fort Saint-Louis » : samedi et dimanche à 10h

o   « Les moyens et les missions de la Marine nationale » : samedi et dimanche à 14h

o   « Archéologie sous-marine par M. Guibert : dimanche à 15h

·       Balades en mer avec la SNSM : participation de 5€

·       Stand de recrutement Marine nationale, Gendarmerie et armée de Terre

·       Stand du Carbet des sciences

Inscriptions en ligne sur www.my.weezevent.com/jep2024

 

 

A Lorient

·       La citadelle de Port-Louis, située à l’entrée de la rade du port de Lorient (Morbihan), présentera aux visiteurs les collections des musées de la Marine et de la Compagnie des Indes. Ouvert samedi et dimanche de 10h à 18h.

·       Le musée des fusiliers marins ouvrira ses portes en continu. Les visiteurs pourront y découvrir ou redécouvrir l’histoire de la Force maritime des fusiliers marins et commandos à travers un parcours chronologique, une collection d'objets uniques et le témoignage de bénévoles, anciens de la Force. Ouvert samedi et dimanche de 10h à 18h.

·       La villa Kerlilon à Larmor plage samedi et dimanche de 10h à 12h et de 14h à 18h

·       Le Service historique de la Défense ouvert samedi de 10h à 17h

 

 

A Marseille

·Un village sera monté au parc Borély (VIIIème arrondissement), ouvert de 11h à 18h. Le public y trouvera une mini-caserne avec des véhicules des marins-pompiers, des véhicules anciens présentés par l'Amicale des marins-pompiers, des drones et robots de l'équipe opérationnelle spécialisée Appui robotisé, un stand du recrutement du bataillon de marins-pompiers de Marseille et un stand permettant d'acheter quelques goodies. Côté animations, des démonstrations des équipes cynophiles du BMPM seront réalisées et un parcours sportif, ouvert à tous (et surtout aux enfants), sera proposé.

Sous-chefferie plans-programmes de l'Etat-major de la Marine: organiser l’avenir de nos capacités

Publié le 03/10/2024

Auteur : ASP Clémence de Carné

Sous-chef d’état-major « plans et programmes », le contre-amiral David Desfougères est chargé d’élaborer la politique générale de la Marine, de proposer son organisation générale et son format en vue du combat. Il veille plus particulièrement à la robustesse, au pragmatisme et à la soutenabilité des programmes futurs. Il explique à Cols bleus, comment maintenir une marine de combat et préparer celle de demain.

Quelles sont les missions de « plans et programmes » ?

La mission première est d’aider le major général (MGM) et le chef d’état-major de la Marine (CEMM) à organiser l’avenir de nos capacités. Il s’agit de travailler sur les capacités du futur, les bateaux, les avions, les sous-marins mais aussi les unités de forces spéciales, en ayant toujours en tête la préparation des forces au service d’une Marine de combat. Il n’y a pas de mission secondaire, pas d’autre objectif. En 2030, en 2040, les marins des forces et unités combattantes devront être équipés pour être au rendez-vous du combat de demain.

D’après quels facteurs sont déterminées les capacités à venir de la Marine ?

Le capacitaire doit en permanence prendre en considération de nombreux paramètres dans une grande équation. Les finances, les ressources humaines, la technologie, pour n’en citer que quelques-uns. L’ensemble forme une somme de critères qui permettent à nos officiers de préparer les capacités de demain. Il s’agit d’un travail de coordination entre de nombreux acteurs. Si les industriels nous indiquent que dans vingt ans les bateaux seront très numérisés, il faut dès maintenant travailler avec la direction du personnel de la Marine pour lancer des formations.

Comment préparer la Marine dans un monde politiquement instable ?

Le CEMM a rappelé l’équilibre à trouver entre détermination du temps long et agilité du temps court. Pour le capacitaire, c’est pareil. Actuellement nous travaillons sur le porte-avions nouvelle génération (PA-NG) : admis au service actif à partir de 2038, sa durée de vie sera de 40 ans, ce qui l’amène en 2078. à côté, nous pouvons aussi réagir très vite (lire page ci-contre l’article sur le Retex en mer Rouge NDLR). Nous faisons de la prospective générale et la DGA mène une veille ouverte sur le monde. Tout se réfléchit en amont, afin d’avoir des plateformes viables et modifiables à la marge pour répondre aux besoins opérationnels et à la situation du combat de demain.

Où en est le programme Barracuda ?

Il s’agit des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la classe Suffren qui vont remplacer ceux de la classe Rubis. Les deux premiers sont déjà livrés, un troisième effectue ses premières heures de plongée en eaux libres : il est actuellement en train de faire sa première plongée à immersion à P (profondeur de référence). Le quatrième fera ses premiers essais à la mer en 2026 ; enfin, les deux derniers seront livrés entre 2027 et 2029. Le SNA de nouvelle génération a pris certaines capacités développées sur les sous-marins nucléaires lanceur d’engin (SNLE) de 2e génération, en matière de discrétion acoustique par exemple, tout en gardant son ADN de SNA. Sa capacité militaire a été renforcée : il sera possible de faire rentrer un petit sous-marin dédié aux forces spéciales dans un hangar de pont. Très peu de marines en sont capables ! L’autre grande nouveauté est le missile de croisière navale embarqué à bord.

Que pouvez-vous nous dire sur le sous- marin lanceur d’engin de 3e génération ?

La découpe de la première tôle du SNLE 3G a eu lieu en mars 2024 à Cherbourg. C’est un programme dont les travaux se poursuivent afin de pouvoir lancer la réalisation de certains équipements et d’être au rendez-vous de la première patrouille opérationnelle dans la prochaine décennie.

Plans et programmes 

— Une entité placée sous les ordres du MGM.

— 80 officiers en tout, principalement à Paris mais aussi à Brest, Toulon et Cherbourg

— 4 bureaux organisés par milieux (surface, sous-marins et disuasion, fusiliers marins commandos et affaires transverses et aéronavale) complétés de trois cellules (études et prospective générale, cohérence organique et innovation, études, labs)

— En lien avec les autres sous- chefferies et les autorités de coordinations de l’état- major de la Marine.

— En lien avec les autorités organiques, territoriales, et avec les autorités extérieures à la Marine tels que l’état- major des armées (EMA) et la Direction générale de l’armement (DGA).

— Le centre d’expertise des programmes navals (CEPN) est rattaché à « plans et programmes »

Deux centres experts au service de l’innovation

Le Centre d’expertise des programmes navals

Pilier fondamental de la Marine pour l’innovation et la transformation numérique, le CEPN pilote de nombreux projets, comme les expérimentations matérielles et le développement de logiciels. Basé à Toulon, avec des antennes à Brest et Lorient, il rassemble l’expertise technico-opérationnelle pour les bâtiments de surface et les sous- marins. Ses actions couvrent diverses spécialités marines : systèmes de combat, mécanique, sécurité, manœuvre, guerre des mines, systèmes d’information et de commandement. Au sein du CEPN, le centre de services de la donnée et de l’intelligence artificielle (CSDIA-M) est le référent data pour la Marine en terme d’architectures techniques, intelligence artificielle, traitement et production de données. Il recueille, analyse et synthétise l’information d’où qu’elle vienne, pour aider à une prise de décision rapide et efficiente. Par son action, le CEPN contribue à façonner la Marine nationale de demain, une Marine en pointe.

Le Centre d’expérimentation pratique et de réception de l’aéronautique navale

Le CEPA/10S a effectué en 1920 le premier appontage avec crosse et brin d’arrêt en France et enchaîne encore aujourd’hui les « première fois » afin de porter l’innovation aéromaritime. Sa mission principale est d’expérimenter de nouvelles capacités, voire de concevoir intégralement des solutions aéronautiques afin de répondre aux besoins opérationnels des flottilles. Concrètement, le centre étudie et met à l’épreuve le nouveau matériel afin de préparer sa mise en service opérationnel, conçoit et produit des équipements de mission au profit de tous les aéronefs de la Marine. La compétence du CEPA/10S s’étend également aux expérimentations techniques d’aéronefs modifiés, aux vols de réception et d’intégration des systèmes d’armes. L’unité assure aussi les vols de convoyage des aéronefs entre leurs sites d’exploitation par les flottilles et les sites industriels de maintenance.

 

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Flottille 32F : au service des opérations

Publié le 07/10/2024

Auteur : ASP Agathe

Créée en 1958 dans le Var, la flottille 32F était initialement vouée aux missions de lutte anti-sous-marine. Dans les années 70, elle trouve sa voie dans le sauvetage en mer en Atlantique. Elle opère sur Sikorski, Super Frelon, Dauphin et EC225/725 jusqu’en 2016. La flottille est officiellement « réveillée » avec la flotte intérimaire H160, le 29 juin 2023. Elle assure depuis des missions de sauvegarde de la vie humaine.

Dans la continuité des expérimentations menées sur H160 FI par le CEPA/10S, la 32F renaît sur la base d’aéronautique navale (BAN) de Lanvéoc-Poulmic. En quelques mois, les missions de secours, protection, intervention (SPI), sont successivement confiées aux détachements de Cherbourg, Lanvéoc et Hyères, en relève des flottilles 33F et 35F. À Lanvéoc, la flottille forme également les nouveaux équipages, participe à la protection des approches maritimes et au soutien des forces. 75 marins œuvrent quotidiennement à la 32F sur les trois façades maritimes de l’hexagone.

Reposant sur un contrat de location d’aéronefs civils pour dix ans, la flottille est structurée de façon à totalement intégrer les industriels assurant le soutien. Ainsi Airbus Helicopters, Safran et Babcock sont hébergés dans les locaux militaires et vivent au rythme de la flottille.

En un an, la 32F a réussi à former six équipages opérationnels au sauvetage en mer et une trentaine de techniciens spécialisés. Un mois après le réveil de la flottille, le détachement de Cherbourg a pris l’alerte effective le 23 juillet 2023. Début septembre 2024, les équipages normands ont déjà été engagés sur 84 interventions de secours et assistance et secourus 36 personnes. En plus des missions SPI et de leurs entraînements réguliers, ces équipages mènent des missions opérationnelles de surveillance des approches et de collecte de renseignements.

En décembre 2023, le détachement 32F Lanvéoc prend l’alerte SPI jusqu’alors tenue par la 33F. Dès le lendemain, les marins sont engagés. Ils totalisent aujourd’hui 61 interventions et ont porté assistance à 64 personnes.

Enfin, un an après le réveil de la flottille, le détachement de Hyères est déclaré opérationnel. Il totalise déjà 38 interventions de secours et 17 personnes sauvées. La flottille 32F veille désormais sur toutes les façades maritimes métropolitaines.

Personnel naviguant tactique en reconnaissance de zone pour un exercice d'intervention et de libération d'otages

Une vie au rythme des alertes

21h00. Cherbourg. Mer 4. L’équipage répond à un appel du centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Jobourg. Un navire est en difficulté. À 21h40, trois marins pompiers et du matériel de lutte incendie sont à bord du H160 et l’appareil décolle en direction du navire de pêche L’imagine. Moins de dix minutes plus tard, l’aéronef, dont l’indicatif est Rescue Belligou, est sur place. Le navire est en feu. Après des investigations menées à l’aide du système électro-optique de l’hélicoptère, le chef d’équipe des marins pompiers propose d’attaquer le feu à partir d’un autre navire de pêche navigant à proximité. Le CROSS valide l’option et l’équipe est alors treuillée sur ce second navire. L’incendie est maîtrisé et aucune victime n’est à déplorer.

21h30. Lanvéoc. Façade atlantique. Le CROSS étel prend contact avec l’équipage d’alerte afin de planifier une évacuation médicale très longue distance sur un navire. La situation est complexe car la météo est mauvaise et le bâtiment est à 196 nautiques, hors de portée de l’hélicoptère. L’équipage reste sur le qui-vive attendant que le navire s’approche à sa portée. Une fois le navire à 160 nautiques, le H160 décolle avec à bord l’équipe de structure mobile d’urgence et de réanimation maritime (SMUR). Arrivé sur zone, à 140 nautiques de Lanvéoc et par une nuit sans lune, l’hélicoptère dépose en cinq minutes, le plongeur, le médecin et la civière. Le niveau de carburant descend vite. Les décisions et actions s’enchaînent. Le retour sans encombre vers l’hôpital de Brest, démontre une fois de plus l’efficacité du H160 et de ses équipages.

21h48. Hyères. Nouvelle alerte pour les équipiers de la flottille. Ils sont appelés pour réaliser une évacuation sanitaire par mer 4. En Méditerranée, un voilier a besoin d’assistance. L’équipage se presse. Le voilier se met au moteur et affale ses voiles. Les mouvements du bateau et la hauteur du treuillage forcent le H160 à descendre son plongeur vers un bout, délové depuis l’arrière du voilier. Le plongeur éprouve des difficultés à récupérer son matériel à cause de la houle, il est contraint de se remettre à l’eau pour disposer le harnais et conditionner correctement le blessé. Alors que le treuillage est en cours, le CROSS demande une autre évacuation sanitaire sur un catamaran situé à 70 nautiques de là. Les opérations s’enchaînent ! Rescue Belligou rejoint l’hôpital, y dépose son premier patient et décolle vers sa nouvelle mission. Le briefing avec le CROSS s’effectue pendant le vol. Il est 01 h 45 et l’équipage du catamaran se prépare au treuillage, le H160 est sur zone. à cause de la hauteur du mât et du manque de place sur le tableau arrière du bateau, la première tentative de treuillage du plongeur est vaine. S’inspirant de sa mission précédente, l’équipage du H160 demande à celui du navire de disposer une bouée à la traine du catamaran pour ydescendre son plongeur et qu’il puisse rallier le bord grâce au bout. Avec le souffle du rotor, le catamaran part en giration. Toutefois, le patient, inconscient depuis plusieurs minutes, peut être hélitreuillé et déposé à l’hôpital de Nice. Après 4 h 10 de vol, deux opérations de sauvetage et deux personnes hélitreuillées, l’équipage du H160 rentre sur la BAN de Hyères.

H160 FI : Horizon Guépard

Modernes, les H160 flotte intérimaire (FI) sont modulaires et possèdent cinq configurations majeures permettant des missions de sauvetage comme de transport de commandos et de matériel. En version SPI, ils ont une capacité d’emport d’un binôme médical (médecin et infirmier) et d’une civière avec patient pour une allonge opérationnelle d’environ 150 nautiques. Équipés de téléphonie satellitaire pour faciliter la transmission de bilans médicaux, ils sont également dotés d’équipements médicaux de soins intensifs. L’appareil est muni d’un système électro-optique avec une caméra haute performance qui offre une vision de longue portée, de jour comme de nuit. Agile et rapidement reconfigurable, il sait s’adapter et apporte satisfaction auprès des contrôleurs opérationnels.

Préfigurant le futur visage de la composante hélicoptère inter-armées au travers du Guépard, dont les livraisons pour la Marine sont attendus à l’horizon 2030, la flotte des six H160 FI de la flottille 32F apporte une flexibilité et une opportunité inédite pour préparer l’arrivée de son grand frère militarisé. Seule utilisatrice à ce jour de H160 FI parmi les trois armées, la Marine accumule un vaste retour d’expérience mis à profit par les équipes étatiques en charge du développement du Guépard. Forte d’une année d’emploi opérationnel, la 32F agit en pionnier de l’évolution de cet appareil à la pointe de la technologie.

Les équipages du H160 FI se familiarisent à l’utilisation de leur machine de façon à être rapidement opérationnels sur sa version militaire et à entamer un programme de transformation et de qualification. Avec ses 49 Guépard Marine, la Marine disposera d’hélicoptères navalisés adaptés pour le combat aéromaritime, la protection et le soutien de la force navale, les actions spéciales navales et l’action de l’État en mer.


 

Quartier-maître Félix, guetteur sémaphorique

Publié le 07/10/2024

Auteur : La Rédaction

«Mayday, Mayday, un voilier brûle dans mes jumelles !  » Aussitôt, les guetteurs du sémaphore de l’île de Batz s’activent pour venir en aide aux malheureux. Le quartier-maître (QM) Félix les observe, impressionné. C’est son premier jour en passerelle et déjà, sous ses yeux, sa future mission prend tout son sens.

Il est loin le temps où il s’ennuyait en cours de licence administration économique et sociale. C’était en 2022 : il terminait alors sa L2 et regrettait presque de l’avoir validée. La perspective d’une nouvelle année, générale et très théorique ne l’enchantait guère : « Je me voyais mal dans la vie active, j’avais peur de m’ennuyer et de faire le même métier toute ma vie ». Un soir, un ami lui annonce son désir de suivre les traces de son père et de s’engager pour devenir guetteur de la flotte. Intrigué, Félix l’interroge : « J’ai parlé avec lui pendant trois heures au téléphone et le projet m’a convaincu. Dès le lendemain, j’étais chez lui, pour discuter avec son père qui m’a expliqué sa spécialité et le parcours qu’on aurait à suivre. J’en ai parlé à ma copine, mes parents et puis tout est arrivé vite, je suis allé au CIRFA et j’ai constitué le dossier. »

En septembre 2022, le jeune homme fait sa rentrée à l’École des matelots à Cherbourg. Peu familier de l’Institution, les débuts sont difficiles, Félix découvre la rigueur et la discipline. Il apprécie aujourd’hui les fruits de cette expérience : « L’École des matelots m’a beaucoup apporté, : principalement, de la rigueur et l’esprit d’équipage ; on se fait de vrais amis là-bas. »

À l’issue de sa formation à l’École de manœuvre et de navigation, troisième de sa promotion, le QM Félix choisit le sémaphore de l’île de Batz. Une première passerelle où il apprend le métier de guetteur de la flotte. Armé de ses jumelles et de sa VHF, il est l’interlocuteur des navires militaires mais aussi de nombreux plaisanciers et pêcheurs. D’un quart à l’autre, les activités en passerelle changent, le spectre des missions est vaste : surveillance du trafic maritime, police des pêches, secours en mer, relevés météorologiques… C’est justement la diversité des tâches, l’autonomie du quart et l’ouverture sur le monde qui plaisent au QM Félix : « Je ne garde que de bons souvenirs de cette première affectation, j’ai pu apprendre un métier qui m’intéressait énormément. L’équipe joue beaucoup et je suis tombé sur des personnes bienveillantes, très à l’écoute, je me suis bien intégré et ils m’ont beaucoup appris. »

L’année prochaine, le jeune marin retournera sur les bancs de l’école pour passer son brevet d’aptitude technique. Une fois son diplôme validé, il recevra les chevrons de second maître et pourra devenir chef de quart. Pour l’heure, le QM Félix vient de rejoindre sa nouvelle affectation. Depuis la passerelle de la vigie du Portzic à Brest, il continue de veiller sur les mers en portant son regard vert sur l’horizon bleu.

Focus : guetteur de la flotte

Le guetteur de la flotte est un aiguilleur des mers, il surveille et contrôle le trafic maritime aux abords des côtes françaises. Posté à terre, il est employé au sein de vigies, sémaphores ou centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS). Il œuvre à la défense maritime du territoire en surveillant les approches maritimes et les câbles sous-marins. Le guetteur de la flotte participe à l’action de l’État en mer en veillant au respect du droit maritime : contrôle des pêches, lutte contre la pollution maritime, contrôle des infractions à la navigation et opérations de secours en mer. Il est en charge de la coordination des moyens d’assistances en cas d’incidents en mer dans les eaux territoriales françaises.

Parcours 

2020 : obtention du baccalauréat scientifique

2020-2022 : obtention de sa première et deuxième année de licence administration économique et sociale à l’Université de Rennes

Septembre 2022 : formation initiale à l’École des matelots

Octobre 2022 : formation élémentaire métier « guetteur de la flotte » à l’École de manœuvre et de navigation à Lanvéoc

Novembre 2022 : affectation au sémaphore de l’île de Batz

Août 2024 : affectation à la vigie du Portzic à Brest

Meilleur souvenir

« Ma dernière semaine à l’île de Batz. Les missions étaient variées et j’étais aux côtés de personnes que j’estime énormément. Je maîtrisais bien mon poste, je connaissais le secteur, les gens du coin, les bateaux. Je me souviens du jour où je suis arrivé, je ne connaissais rien, il y avait de l’appréhension. Là, je voyais le chemin parcouru en deux ans, ce passage du statut de novice à une réelle maîtrise de mon métier et une pleine polyvalence. Il y a un côté très satisfaisant. »

 

Formation : l’École des mousses fête les 15 ans de sa réouverture

Publié le 04/10/2024

Auteur : La direction du personnel militaire de la Marine

Plus de 150 ans après sa naissance, l’École des mousses forme chaque année quelques 250 jeunes âgés de 16 ans à 18 ans. Guetteur sémaphorique, marin-pompier, fusilier marin, autant de métiers proposés à ces jeunes marins à l’issue de leur formation. Les besoins de la Marine répondant à de nouveaux impératifs, l’École des mousses a enrichi sa formation en ce sens.

Créée en 1856, l’École des mousses (EDMo) délivre une formation de dix mois, durant laquelle les élèves suivent une formation intense et exigeante, les préparant au métier de marin militaire. À l’issue de celle-ci, les mousses diplômés peuvent signer un contrat de quartier-maître de la flotte (QMF) de quatre ans. Ils rejoignent alors une formation élémentaire pour apprendre un métier (FEM), parmi 13 options possible, en fonction de leurs résultats et aptitudes.

Mise en sommeil et réouverture

Fermée en 1988 car elle ne répondait plus aux besoins de la Marine qui cherchait à recruter et à former des techniciens et non plus des opérateurs, l’École des mousses a repris du service en 2009 dans le cadre du plan « Égalité des chances ». Davantage en phase avec la modernisation de la Marine, sa réouverture répond à la volonté du chef d’état-major de la Marine de l’époque, l’amiral Pierre-François Forissier (CEMM de 2008 à 2011), de « consolider l’ossature de nos équipages avec des marins attachés dès leur plus jeune âge aux valeurs de la Marine ». L’EDMo est une école de la vie : « Cette formation vous donne les connaissances de base nécessaires sur les bâtiments de la Marine et apprend l’esprit d’équipage [qu’il faut] à tout prix conserver. », raconte le premier maître Alexandre, qui a intégré l’EDMo en 2009. La cohésion, le sens des valeurs, le savoir-être et le savoir-faire sont également inculqués aux élèves tout au long des dix mois de formation. Un apprentissage qui permet aussi à ces très jeunes gens de se surprendre en se dépassant. « Il y a eu des hauts, notamment après la sortie terrain en bivouac où je me suis découverte plus forte que je ne l’imaginais », se souvient le second maître Inès, arrivée à l’EDMo en 2015.

Un fort taux d’engagement à la sortie de l’école

Quinze ans après sa réouverture, ce sont un peu plus de 3 000 mousses qui ont été incorporés dont 75 % ont signé un contrat de QMF par la suite. Après avoir suivi la formation de l’EDMo, les jeunes mousses commencent leur carrière et gravissent les échelons. En 2019, le premier brevet supérieur (BS) a été obtenu par un mousse de la session 2009-2010. Depuis, 36 mousses ont obtenu leur BS et 43 sont admis à la session 2023-2024. L’un d’eux a également été sélectionné pour l’oral officier spécialisé de la Marine (OSM) 2024. L’un d’entre eux, le PM Alexandre, explique qu’à l’issue de l’EDMo et d’une formation élémentaire métier OPSNAV, il a été affecté sur la frégate Courbet à Toulon jusqu’en 2014, année où il a intégré un BAT détecteur. « J’ai ensuite passé deux ans et demi sur le Surcouf avant de partir pour une campagne en Martinique au centre opérations pour une durée de deux ans. À mon retour en métropole, j’ai accédé au cours de BS OPS DEM ».

Quelles évolutions ?

Les contrats de formation évoluent continuellement, apportant des changements significatifs et permettant à l’EDMo de proposer une formation adaptée. Ces évolutions concernent également la centralisation de la formation des mousses au Centre d’instruction naval de Brest à la suite de la fermeture de l’antenne de Cherbourg en juin 2023. De nouveaux moyens sont mis à disposition de l’école tel que l’acquisition d’un voilier afin d’intensifier l’acculturation marine en effectuant des embarquements plus fréquemment. Enfin, cela se concrétise par la variété de métiers proposés aux mousses : de sept en 2009, ils sont passés à treize aujourd’hui (matelot bureautique, cuisinier, restauration, fusilier marin, machine, de maintenance aéronautique, pompier, sécurité navire, guetteur de la flotte, de pont, de piste et de pont d’envol, opérations branche système de direction de combat ou systèmes d’information et de communication).

Cérémonie des 15 ans de réouverture

Le 21 juin 2024, l’EDMo a célébré le quinzième anniversaire de sa réouverture lors de la cérémonie de fin de cours de la promotion 2023- 2024. Diplômée en 2015, le SM Inès se souvient avec émotion de ce moment si particulier : « À la fin de la formation, l’adolescente que j’étais en est ressortie grandie, mature, responsable et fière. Mon expérience en ces murs m’a nourrie énormément, j’ai acquis de nouvelles valeurs ainsi que les outils nécessaires pour faire de moi un militaire, mais surtout un marin de qualité. ».

Deux temps forts ont scandé cette journée. Le premier a été le baptême du voilier Vaillant offert en fin d’année par la mécène de l’école qui rejoint l’Atout Chance, favorisant ainsi la multiplication des embarquements des mousses durant leur formation. Le second temps fort, la cérémonie de fin de cours, présidée par le directeur du personnel de la Marine (DPM), le vice-amiral d’escadre Éric Janicot, a clos cette journée permettant un bref retour en arrière sur l’histoire de l’EDMo. Devant d’anciens diplômés, et plusieurs associations ainsi que l’amiral (2S) Forissier, grand porteur du projet de la réouverture. « Ces quinze dernières années, l’École des mousses a évolué pour améliorer les capacités de formation et les parcours proposés », a souligné le DPM. Grâce à cette évolution, nécessaire et bien menée, cette institution a retrouvé « toute la place qui lui revient dans le recrutement et la formation des marins de demain ».

Au terme de la cérémonie, les mousses fraîchement diplômés ont pu s’entretenir avec les anciens, s’inspirant ainsi de la diversité de leurs parcours de marins et de leurs témoignages passionnés, à l’image du SM Inès : « L’évolution qu’offre un passage dans cette école est très gratifiante, soyez-en fiers, soyez fiers de vous et de votre parcours. Et n’oubliez pas notre devise : Mousse un jour, mousse toujours ».

Des ingénieurs au service de la flotte de demain : la DGA concepteur de l'architecture du système de défense

Publié le 03/10/2024

Auteur : Nathalie Six

Aucune idée de ce qu’est une architecture système ? Pas de panique, Cols bleus vous explique tout sur ce service incontournable de la Direction générale de l’armement (DGA).

Un sous-marin à quai

Au sein de la DGA, et fort de 65 agents dont une quinzaine à l’étranger au sein de l’OTAN et de la commission européenne, le « service d’architecture du système de défense » (SASD) dépend de la direction de la préparation de l’avenir et de la programmation. Direction qui contribue en particulier à l’élaboration de la loi de programmation militaire (LPM) et à son exécution. Le métier de ces architectes un peu particuliers, qu’ils soient ingénieurs militaires (Polytechnique, Ensta Paris, Ensta Bretagne et Supaéro) ou civils, est de construire avec les états-majors les futures capacités et programmes. « Ce sont des chefs d’orchestre ! », simplifie Gwladys, ingénieur en chef de l’armement en charge du domaine « Combat connecté naval ». Des chefs d’orchestre qui œuvrent de concert avec l’état-major des armées (EMA). « Pour chaque dossier, l’architecte travaille en binôme avec un officier de cohérence opérationnelle de l’EMA, auquel s’ajoute du côté Marine, un officier de cohérence d’état-major(issu du pôle Plans – Programmes dirigé par l’amiral Desfougères, NDLR), détaille l’IGA Olivier Beaurenaut. Pour compléter ce trinôme, nous sommes aussi en lien avec les équipes de l’unité de management Combat naval dirigée par l’IGA Thivillier (lire l’interview ci-après) de la direction des opérations, du MCO et du numérique (DOMN), qui conduisent les programmes d’armement du domaine naval, une fois qu’ils sont lancés. »

A la tête du SASD, ce polytechnicien trois étoiles voit naître ou passer sous ses yeux tous les grands programmes d’armement à court, moyen et long terme. « Nous travaillons à faire émerger des solutions (ce que nous nommons « les architectures ») amenées à interagir entre elles. Prenez un missile : il faut aussi penser au porteur, à la chaîne de commandement, aux réseaux par lesquels transitent les ordres et les données de désignations d’objectifs, etc. Penser “architecture ”  c’est identifier quels sont les agencements les plus pertinents pour obtenir l’effet militaire. » Ensuite, l’évaluation des options se fait selon des critères tels que la performance, le délai, le coût ou la prise de risque. L’équilibre entre ces paramètres change en fonction des sujets, avec une priorité croissante sur le délai, dans le contexte géopolitique actuel.

 

Essai de la carène du porte-avions de nouvelle génération

 

 

Les travaux capacitaires reposent sur un besoin opérationnel exprimé par les forces. « Nous sommes aussi là pour identifier les travaux et études préparatoires en amont des programmes afin d’apporter la réponse au besoin opérationnel », note l’IGA Olivier Beaurenaut. Sur le dossier CHOF (capacité hydrographique et océanographique future), un des enjeux de la LPM présentant une forte dimension de dronisation pour le domaine naval, le SASD a instruit avec l’EMA les choix structurants à prendre sur ce programme jusqu’à l’automne dernier. Le binôme architecte DGA/officier de cohérence opérationnelle EMA, avec le soutien des experts du domaine, a d’abord réfléchi à un panel large de solutions, avant d’affiner son choix. Le lancement de la réalisation du programme pour l’acquisition de deux bâtiments hydrographiques de nouvelle génération est prévu en 2025. De nombreuses expérimentations avec des AUV et USV se sont d’ores et déjà déroulées depuis 2020 pour aider à identifier les futures solutions.
 

 

 

Deuxième mission du SASD : s’assurer de la bonne intégration de la solution qui aura été mise en œuvre dans le système de défense. « Savoir intégrer l’innovation caractérisée par des cycles courts dans un programme de cycle long est une nécessité absolue », rappelle l’ICA Theuillon. « Eviter à tout prix que les équipements soient obsolètes dès le neuvage, anticiper les mesures conservatoires permettant de prendre en compte l’évolutivité qui sera nécessaire sur toute la durée de vie d’un bâtiment comme un porte-avions ».

De manière générale dans leurs travaux, l’export est un paramètre indispensable à prendre en compte car nécessaire pour maintenir l’activité d’un chantier naval, en complément d’un marché national qui serait souvent insuffisant. La capacité à développer et à produire la base industrielle contribue « pour la France à être souveraine quand c’est nécessaire ». à ce titre, la DGA joue un rôle majeur pour construire les coopérations internationales dans le domaine de l’armement, partager les coûts de développement voire bénéficier de solutions techniques et industrielles que la France ne possèderait pas. Des enjeux que le SASD a la mission et les moyens de porter dans les débats capacitaires.

Dans le sillage de l’ingénieur général de l’armement Emmanuelle Thivillier

Directrice de l’unité de management combat naval (DUM CNAV) au sein de la direction des opérations du maintien en condition opérationnelle et du numérique (DOMN)

 

 

Cols bleus : Quelles sont les missions et l’expertise apportée par l’UM Combat naval ?

IGA Emmanuelle Thivillier : Au sein de la direction des opérations, du maintien en condition opérationnelle et du numérique de la DGA, l’unité de management Combat naval (UM Combat naval) est en charge de piloter l’ensemble des opérations d’armement relatives au renouvellement ou à la modernisation des capacités de la Marine nationale, hors dissuasion. L’UM intervient dans les opérations d’armement dès leur phase de préparation durant laquelle elle travaille en synergie avec le SASD, mais aussi la Marine, apportant sa vision en termes techniques, contractuels et industriels. Mais notre cœur de métier reste la conduite des opérations une fois lancées.

L’enjeu de l’UM est alors de coordonner l’expertise technique pour traduire les effets opérationnels recherchés par la Marine en exigences techniques, de définir la stratégie d’acquisition et d’architecturer les réponses en projets industriels puis de négocier et superviser la réalisation des contrats jusqu’à la qualification puis la réception des navires ou équipements navals. L’UM travaille en partenariat étroit avec la Marine au sein de ce que nous appelons des équipes intégrées pilotées par un binôme : le directeur de programme, un manager de l’UM, et l’officier de programme, un marin de la sous-chefferie Plans – Programmes de l’EMM. Un dialogue nourri et constant existe entre l’UM et la Marine pendant toute la durée de vie de l’opération. L’UM Combat naval, c’est ainsi près de 65 personnes en organique dont plus d’une quarantaine de managers, ingénieurs civils ou militaires, et plus de 200 personnes en opérationnel, experts et spécialistes techniques, acheteurs, spécialistes management et qualité, spécialistes finances. Ensemble, ils constituent des compétences clés, orchestrées par les managers de l’UM mais aussi de l’AID pour piloter les opérations d’armement et les grands projets de R&D du domaine naval.

C. B. : Quels sont les programmes du futur sur lesquels la DGA travaille ?

IGA E. T. : En accord avec les orientations et les priorités définies par la loi de programmation militaire (LPM), l’UM Combat naval est actuellement chargée de piloter une cinquantaine d’opérations d’armement dont certaines menées en coopération avec notamment, l’Italie et le Royaume-Uni. En 2024, c’est de la classe trois milliards d’euros qui seront ainsi investis au profit de la Marine nationale. Ces opérations portent sur un spectre très large de navires : des plus imposants avec les deux porte-avions (l’actuel porte-avions Charles de Gaulle et le futur porte-avion de nouvelle génération, le PA- NG) et les sous-marins nucléaire d’attaque Barracuda, jusqu’aux plus petits avec des vedettes diverses ou encore des propulseurs sous-marins, en passant par l’ensemble de la composante frégates (FDI, rénovation des FDA, évolution des FREMM), ou encore les bâtiments de second rang comme les bâtiments ravitailleurs de forces dont la cérémonie de mise à flot du deuxième, le Jacques Stosskopf, a eu lieu le 19 août.

Les opérations menées par l’UM portent également sur divers équipements navals tels que la guerre électronique, l’artillerie navale, les torpilles, etc., sans oublier, les drones navals, de surface et sous-marins, avec des technologies innovantes et de rupture notamment dans les domaines de la guerre des mines, des capacités hydrographiques et océanographiques ou encore de la maîtrise des fonds marins. Cette dronisation navale en dessous et au-dessus du dioptre fait partie avec le numérique et le quantique des grands enjeux de la LPM. Elle nous impose d’avoir une approche suffisamment parallélisée pour faire mûrir les technologies, consolider notre tissu industriel, définir et affiner des concepts d’emploi nouveaux, tout en visant des quick win – via des démonstrateurs ou prototypes pouvant être rapidement évalués à la mer – pour tester, évaluer et faire progresser les solutions dronisées et embarquer au plus tôt les innovations. Une feuille de route a ainsi été initiée avec l’EMA, la Marine, le SASD et l’AID afin de nous permettre de garder l’avance acquise et d’être en mesure de capter tous les apports de la dronisation.

 

 

Commission permanente des programmes et des essais : contre-amiral Benoît Rouvière

Publié le 04/10/2024

Auteur : Nathalie Six

Président de la commission permanente des programmes et des essais (CPPE) depuis août 2021, le contre-amiral Benoît Rouvière a la lourde tâche d’arbitrer l’admission au service actif (ASA) des différents bâtiments de la flotte. Un avis déterminant et un rôle de conseil auprès du chef d’état-major de la Marine, seul habilité à délivrer le fameux sésame. Très opérationnel, aussi à l’aise en passerelle et sous l’eau que dans les coursives de Balard, ce lecteur précoce de Cols bleus (qui a découvert la Marine grâce au magazine à dix ans) est très présent à bord des bâtiments en essais pour les contrôler.

Cols bleus :Quel est le rôle de la CPPE ? Quels sont les paramètres qui permettent de définir si un bâtiment est admissible au service actif ?

Contre-amiral Benoît Rouvière : La CPPE est chargée de deux domaines fondamentaux : le respect des exigences de sécurité maritime des navires de surface et sous-marins en construction et la vérification de leurs caractéristiques militaires (VCM) avant leur admission au service actif (ASA).

Pour le premier domaine, j’agis avec mes équipes pour garantir au CEMM que les risques en matière de sécurité sont maîtrisés et que les dispositions de prévention de la pollution et de santé et sécurité au travail des personnels militaires et civils présents à bord sont bien en place. Lorsque les conditions sont réunies, je délivre les autorisations de naviguer pour chaque unité en essais puis son permis définitif au moment de l’ASA.

Concernant les caractéristiques militaires, mon rôle est de vérifier que les nouveaux bâtiments sont parfaitement aptes à remplir leurs missions. Après leur réception par la DGA et leur transfert à la Marine, j’essaie de les mettre le plus possible en situation complexe pour m’assurer de leurs qualités et repérer rapidement les points à améliorer. C’est le but notamment des déploiements de longue durée (DLD) où l’on va chercher des environnements aux limites des spécifications : eaux très froides ou très chaudes, intégration à des dispositifs interalliés ou interarmées, recherche des limites des systèmes, tirs d’armes complexes, etc.

Si le bâtiment s’est bien comporté en situation d’exploitation représentative de sa future activité, l’ASA est alors possible, assortie éventuellement de réserves à traiter par les équipes de programme en liaison avec les industriels concernés. La décision finale est concertée avec l’ensemble des acteurs du programme, les équipages et les autorités organiques lors d’une commission dédiée que je préside : la commission supérieure d’armement (CSA).

C. B : La CPPE est une commission mixte entre la Marine et la direction générale pour l’armement (DGA). Comment se déroule un contrôle pour la partie sécurité maritime ?

CA B. R. : Régie par arrêté ministériel (juin 2020), la sécurité maritime s’impose à tous, en permanence, sans distinction. Le contrôle est continu. à la genèse des programmes, on s’accorde avec l’ensemble des acteurs sur toutes les normes et réglementations à respecter pour la construction, qui peuvent être issues de différents corpus documentaires, dans des proportions variables selon les projets : conventions internationales, directives ou règlements européens, code des transport, référentiel technique de la DGA, règlements issus des sociétés de classification. Mes équipes, présentes en permanence sur les chantiers, vérifient alors la conformité de la construction à ce référentiel via un système de visite rigoureux. En cas d’écart, les non conformités sont étudiées en commission de sécurité maritime (CSM) animée par mon adjoint ingénieur général de l’armement et regroupant l’ensemble des acteurs étatiques, pour exiger si nécessaire des corrections de la part des industriels. Le dialogue avec la DGA et l’état-major de la Marine est permanent, en particulier avec les équipes intégrées en charge des différents programmes.

C. B : Et pour la vérification des caractéristiques militaires ?

CA B. R. : La vérification des caractéristiques militaires comprend deux phases distinctes. La première, sous la responsabilité des équipes intégrées de programme, consiste à vérifier que le produit est conforme à ses spécifications et que la DGA peut le réceptionner puis le transférer à la Marine, avec éventuellement quelques retenues financières si des réserves subsistent. Jusqu’à cette étape contractuelle, le bâtiment reste propriété de l’industriel.

La phase 2 se déroule de la réception à l’ASA. Elle est animée par la CPPE et permet la réalisation d’essais complexes avec un bâtiment appartenant à la Marine, que l’on peut donc pousser dans ses retranchements sans restriction. à ce stade, je m’appuie beaucoup sur les équipages d’armement à qui je fixe des objectifs d’expérimentations – notamment pendant les DLD – et qui me font part de leurs observations. Je conserve également du personnel à bord en permanence et m’y rends aussi souvent que nécessaire pour consolider mon appréciation.

C. B : Combien de personnes travaillent à la CPPE ?

CA B. R. : La commission est composée de 28 marins, dont trois anciens militaires devenus civils et cinq réservistes répartis entre Paris (15) et quatre antennes en Province. Les deux principales se trouvent à Lorient et Cherbourg, près des chantiers de construction navale. Nous avons également une personne à Brest et une à Toulon pour le suivi de programmes particuliers. Tous sont amenés à rayonner sur l’ensemble des sites où sont construits les bâtiments militaires (majoritairement sur la côte Atlantique et en Manche-Mer du Nord) et à embarquer lors des essais.

Les marins affectés sont le plus souvent très expérimentés dans les domaines techniques (expérience embarquée étoffée et qualifications - BS, BM). Les civils possèdent également une expertise de haut niveau dans le domaine de la sécurité maritime (SECMAR). Ce cursus et ces qualités sont indispensables. Au sein de notre équipe, une même passion nous anime : faire en sorte que nos futurs bâtiments soient aptes à remplir l’ensemble des missions qui leur seront confiées. Nous recherchons donc des talents pour embarquer chez nous !

C. B : Quelles sont les principales causes d’un refus d’ASA ?

CA B. R. : Reporter une ASA est une décision collégiale. La raison du report est largement partagée entre tous les acteurs du programme. Elle est le plus souvent multifactorielle, donc difficiles à anticiper. C’est tout l’intérêt de dérouler des essais les plus complets possibles, pour ne pas faire d’impasse. Récemment, j’ai proposé de différer de 6 mois l’ASA du premier SNA type Barracuda (juin 2022 au lieu de décembre 2021), en raison d’un fait technique apparu pendant son déploiement de longue durée. Ce délai a permis à l’industriel d’apporter les corrections nécessaires et le Suffren fonctionne aujourd’hui parfaitement. De même, j’ai préféré attendre la fin de l’arrêt technique du BRF Jacques Chevallier pour corriger les dernières imperfections et proposer son ASA. Elle devrait ainsi avoir lieu courant octobre 2024.

C. B : Comment préserver cette indépendance qui doit caractériser la CPPE en tout temps ? Comment éviter, surtout en période de regain de tension, de subir des pressions pour livrer des bâtiments plus vite ?

CA B. R. : Le positionnement de la CPPE, en lien direct avec le CEMM, est une excellente garantie d’indépendance. J’ai ainsi un donneur d’ordres unique, que je peux conseiller mais qui reste évidemment seul décisionnaire. Par ailleurs, nos processus sont destinés à nous assurer que les exigences opérationnelles et de sécurité sont strictement respectées. Il n’est pas question d’y déroger car ils engagent directement la responsabilité du CEMM et de son délégataire. D’autant plus dans la perspective de la haute intensité : les bâtiments qui seront envoyés au combat doivent être aptes à le mener. Raison pour laquelle je milite pour durcir les exigences opérationnelles des unités potentiellement exposées et conduire les essais dans une logique de fonctionnement de bout-en-bout des différentes chaînes (par exemple mise en œuvre des armes). J’ai ainsi notamment réintroduit des essais de choc sur les frégates de premier rang pour vérifier leur résistance à une agression sous-marine. Ils seront conduits en 2025.

C. B : Avant d’être président de la CPPE, vous avez commandé plusieurs bateaux, en  quoi ces commandements vous éclairent-ils dans votre mission ?

CA B. R. : L’ensemble de ma carrière embarquée m’est particulièrement utile dans mes fonctions actuelles. Mes commandements, comme mes affectations à bord de différentes unités, m’aident à bien mesurer les qualités des nouveaux équipements et à appréhender rapidement les difficultés à surmonter. Je continue également à me déplacer régulièrement. Par exemple, j’étais à bord du BRF Jacques Chevallier lors de son passage du détroit de Bab-El-Mandeb, sous menace houthie. J’ai aussi accompagné le POM Teriieroo a Teriierooiterai dans le grand Sud pour bien évaluer son comportement en mer froide et agitée et j’ai navigué longuement à bord du Suffren avant son ASA.

C. B. : Quelles sont les forces et les points d’amélioration de la Marine ?

CA B. R. : La cohérence du format de la Marine, qui dispose de tout le spectre capacitaire, du porte-avions au patrouilleur, du sous-marin nucléaire aux forces spéciales, constitue une force indéniable. Le savoir-faire et la motivation des équipages font de nous des partenaires fiables et efficaces, très recherchés en opérations. Et nos équipements embarqués sont généralement d’excellente qualité.

Si je devais pointer des points d’amélioration, je citerais volontiers l’autodéfense courte portée des unités, qui a besoin de moyens simples, à bas coût, pour lutter contre les menaces rustiques. Je pense également que la « dronisation » de certaines fonctions, à l’image du conflit ukrainien, constitue une rupture capacitaire qu’il ne faut pas ignorer. Des réflexions sont en cours pour réussir ces mutations nécessaires.

Bio express

1986 : entré à l’Ecole navale

1993 : breveté missiles-artillerie

2003-2005 : officier de programme du porte-avions Charles de Gaulle

2007-2008 : commandant de la frégate de surveillance Prairial

2011-2013 : commandant de la frégate multi-missions Aquitaine

2014-2018 : chef de bureau « Programmes » à l’état-major de la Marine

2018-2021 : chef d’état-major à l’Inspection générale des armées – Marine

2021 : président de la CPPE

Libération de l'hôtel de la Marine : un capitaine de frégate à l’assaut de la rue Royale

Publié le 05/10/2024

Auteur : ASP Foucault Barret

Le 25 août 1944, alors que la 2e division blindée du général Leclerc œuvre activement à la libération de Paris, un officier de Marine engagé dans la résistance est chargé de reprendre l’hôtel de la Marine alors aux mains des Allemands. Le capitaine de frégate Paul Hébrard va réussir cette mission avec un groupe constitué d’une poignée de marins.

A la fin du mois d’août 1944, l’étau se resserre autour de l’Allemagne. Les troupes alliées qui ont débarqué deux mois plus tôt en Normandie marchent sur Paris. Et, à l’intérieur même de la capitale, des hommes s’activent pour libérer leur pays du joug allemand. Parmi eux, Paul Hébrard, un officier de Marine. Depuis janvier, il a pris la tête d’un mouvement clandestin des forces françaises de l’intérieur (FFI). Entré dans la Marine en 1918, il est capitaine de frégate et pilote d’aéronautique navale. Son atout principal ? Il est rodé à l’exigence opérationnelle. En 1935, il a battu le record du monde de distance en hydravion : 32 heures passées en vol, de quoi rallier depuis Cherbourg les 4 280 kilomètres qui le séparaient de Zinguichor, au Sénégal.

Le 25 août, la bataille de Paris atteint son paroxysme. On entend des coups de canon tonner à l’ouest de la capitale. Le capitaine de frégate Hébrard a une cible : la libération de l’hôtel de la Marine, aux mains de la Kriegsmarine depuis 1940, et empêcher à tout prix un dynamitage ou un incendie criminel de ce bâtiment classé aux monuments historiques. Malgré les combats qui font rage un peu partout dans la ville, l’ancien ministère de la Marine situé place de la Concorde est encore bien gardé. Impossible de le prendre de front. À 15 heures, le groupe du commandant Hébrard tente une nouvelle manœuvre : entrer par l’hôtel de Talleyrand, également connu sous le nom d’hôtel Saint-Florentin ou de Rothschild, voisin de la cible. Ce dernier, abandonné a été laissé sans surveillance. La voie est libre. La section s’engage dans le bâtiment inoccupé. Elle gravit un escalier et investit le premier étage. Encore une passerelle à prendre, et ils seront dans l’hôtel de la Marine.

 

Sans un bruit, le groupe se faufile dans l’ancien ministère situé au 2 de la rue Royale, jusqu’aux fenêtres qui donnent sur la cour intérieure. La position est stratégique, car elle domine le bataillon des hommes de la Kriegsmarine qui attendent en contre-bas. Trop concentrés sur l’entrée principale, ceux-ci n’ont pas remarqué le commandant Hébrard. Il n’a donc pas un instant à perdre : il doit faire preuve de sang-froid et prendre rapidement une décision. D’un geste de la main, il fait signe à ses hommes de tirer quelques salves sur les Allemands massés en garnison. L’effet est immédiat. Les 150 soldats ennemis se rendent sans grande résistance.

Solennellement, l’officier allemand remet son poignard et le pavillon rouge floqué d’une croix gammée au capitaine de frégate Hébrard. La victoire est totale, mais il n’a pas le temps de la savourer. Il faut encore préserver le bâtiment et la vie des prisonniers.

Confiant leur garde à un détachement de marins tout en protégeant le ministère du pillage, il se charge également de faire envoyer les couleurs sur la terrasse de l’hôtel. Accueilli par une foule qui se masse pour fêter la Libération, le pavillon national flotte de nouveau sur la place de la Concorde.

Au-dessus des nuées

La guerre ne marque pas la fin de la carrière de Paul Hébrard. Marin du ciel, il a fait partie, en 1923, de la toute première promotion de la spécialité aéronautique de Rochefort. Pilote sur ballons libres, dirigeables puis hydravions, il est naturellement détaché chez Air France en 1945. En qualité de directeur de l’exploitation, il contribue activement à la rénovation de la compagnie et participe à reconstruire le réseau aérien français, alors ravagé par la guerre. En 1951, à sa promotion comme capitaine de vaisseau, il œuvre pour le compte du secrétariat général de l’aviation civile, avant d’être rappelé dans la Marine, et envoyé en Indochine en 1953.

Nommé chef d’état-major du Commandant des Forces maritimes en Extrême-Orient, le commandant Hébrard s’engage activement dans le rapatriement des prisonniers et du corps expéditionnaire français (CEFEO). Il y reçoit la croix de guerre épinglée d’une étoile de vermeil avec une citation éloquente : « Notamment par l’impulsion énergique qu’il a donnée à son personnel lors de la constitution du pont aérien en janvier 1951 entre Saigon et Hanoi, a été l’un des artisans du rétablissement de notre position dans le Tonkin. »

Les excellents services rendus aboutissent à sa nomination comme contre-amiral en 1956.

Affichant au compteur près de 5 000 heures de vol, il quitte le service actif trois ans plus tard après plus de quarante années dans la Marine. Une telle durée n’a rien d’étonnant : il était le plus jeune de sa promotion à l’École navale en 1918, à tout juste dix-sept ans. Quant à son record du monde, il n’aura tenu que quelques mois : les 4 449 km à bord du Latécoère 300 Croix du Sud sont dépassés de 481 kilomètres par un hydravion italien, son ancien détenteur.

À partir de 1960, et pendant dix ans, l’amiral prend la direction d’Air Inter, compagnie aérienne française, et contribue grandement à son envergure. Cette « prodigieuse réussite » comme le titre le Journal du Dimanche en 1965 se traduit en chiffres plus que probants : sous sa présidence, l’effectif de la compagnie est passé de 7 à 2 350 personnes, son parc aérien de 0 à 35 appareils, et dessert 35 villes intérieures.

Des ailes en héritage

Les distinctions du contre-amiral Paul Hébrard sont nombreuses. Commandeur de la Légion d’honneur, grand-officier de l’Ordre national du Mérite et titulaire de la médaille de l’aéronautique, il reçoit également de l’association des journalistes professionnels de l’aéronautique et de l’espace (AJPAE) le prix ICARE en 1968.

S’inscrivant dans ses pas, le vice-amiral d’escadre (2S) Patrick Hébrard embrasse la même carrière que celle de son grand-père et choisit la voie de pilote dans l’aéronavale. C’est lui qui récolte le témoignage de son glorieux parent.

Fort de ce legs mémoriel, il publie au sein des cahiers de l’association pour la recherche de documentation sur l’histoire de l’aéronautique navale (ARDHAN) une biographie toujours disponible à la vente, Paul Hébrard, du ballon libre à la présidence d’Air Inter.

Mais il ne recueille pas qu’une histoire en héritage : il hérite également du pavillon allemand qui flottait au-dessus de l’hôtel de la Marine. Il l’a confié depuis à la garde du musée de l’ordre de la Libération. Le drapeau est désormais exposé, à l’hôtel des Invalides.

 

La Marine de demaine : évolution et innovation

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Parce que la mer est un milieu à la fois immense, fluide et hostile, où la présence de l’homme relève de l’anomalie, les équipements ont toujours occupé une place centrale dans les préoccupations et les efforts des marines – singulièrement des marines de guerre. Aussi la conception des navires futurs, et de leurs déclinaisons sous-marines ou aériennes, et le maintien aux plus hauts standards de ceux déjà en service, sont-ils des enjeux existentiels pour notre Marine.

 

Passion Marine : La Marine de demain : évolution et innovation

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