Léa G., photographe
Publié le 04/04/2025





Dans le sillage d'Eve-Lise Blanc-Deleuze
Publié le 22/04/2025
Son surnom « Madame Nintendo » lui colle à la peau depuis qu’elle a lancé en France la marque Nintendo en faisant grimper son chiffre d’affaires de 0 à 2 milliards d’euros. Sa carrière se poursuit ensuite dans de grands groupes médias : Canal+ multimédia (directeur général), le groupe Lagardère (directeur général adjoint des activités de Télévision interactive), la Chaîne parlementaire (secrétaire générale) puis à France Télé numérique où elle a piloté le passage à la télévision tout numérique.

Depuis, elle navigue dans le milieu du cinéma comme un poisson dans l’eau. Dans son bureau décoré avec les affiches Cœurs noirs, dont la saison 2 va sortir, Sentinelles, Le Bureau des légendes ou Le Chant du loup, elle tient la barre de la Mission cinéma du ministère des Armées depuis 2019, à laquelle elle a ajouté les industries créatives.
Dans quel but a été créée la Mission cinéma et industries créatives (MCIC) ?
Eve-Lise Blanc-Deleuze : La Mission a été créée en 2016 au sein de la Délégation à l’information et à la communication de la Défense, afin de favoriser la création et le développement de projets de films, séries, jeux vidéo et bandes dessinées en lien avec la Défense. Le but est de contribuer au rayonnement des armées.
à votre arrivée, quelle était votre feuille de route ?
E-L B. D. : élargir les compétences de la Mission cinéma aux autres créateurs de contenus de divertissement. Quand je suis arrivée, je me suis appuyée sur mon carnet d’adresses personnel pour étoffer le réseau des producteurs et des diffuseurs susceptibles de travailler avec les armées et de les sensibiliser à nos sujets et nos enjeux. Le scénariste c’est le créa, celui qui a les idées, mais il ne peut rien faire sans un producteur, qui est en charge de réunir les fonds pour permettre le développement du programme, ni sans diffuseur. Cinq ans plus tard, le résultat est là puisque nous sommes de mieux en mieux considérés. Nous collaborons aujourd’hui avec la plupart des gros producteurs français : le groupe Mediawan, qui couvre 100 % du marché, Tétra, Mandarin, Quad Production, et des personnalités comme Dimitri Rassam (le Comte de Monte-Cristo, les Trois Mousquetaires). Il vient de créer un fonds avec Pathé et va sortir en juin un nouveau film, Treize jours, treize nuits, sur l’opération Apagan à Kaboul, lorsque l’Afghanistan est tombée aux mains des Talibans le 15 août 2021. Aujourd’hui encore, le secteur du cinéma occupe à peu près 70 % de notre temps.
Quel est l’intérêt de la Mission cinéma pour le ministère des Armées ?
E-L B. D. : Les Français adorent leurs armées : 80 % d’entre eux déclarent avoir une très bonne ou une bonne image de leurs armées (source : sondage mensuel pour le MINARM). En revanche, quand on creuse, ils n’ont aucune idée de comment cela fonctionne. La fiction est un outil de soft power extrêmement puissant. Elle permet de faire passer de multiples messages, faire découvrir un univers méconnu. Au cinéma, ce n’est pas l’Institution qui parle mais le réalisateur.
Quelle est l’image des armées dans le milieu artistique ?
E-L B. D. : Dans le domaine de la culture, il existe une défiance vis-à-vis des militaires encore très forte, alors que c’est un terreau fascinant et exceptionnel. Ce sentiment antimilitariste chez les scénaristes est en train d’évoluer. Les producteurs et les diffuseurs sont plus ouverts.
Comment faire pour provoquer des rencontres entre scénaristes, producteurs et diffuseurs d’un côté et militaires de l’autre ?
E-L B. D. : Nous travaillons beaucoup en amont, en organisant des opérations découvertes. Accompagner des artistes sur le terrain pour rencontrer des spécialistes pouvant inspirer ou illustrer un sujet en cours d’écriture. Cela a été le cas sur le porte-hélicoptères amphibie Mistral pendant 48 heures, où ils avaient assisté à un entraînement de débarquement. Idem sur le Comcyber à Rennes. à court terme, j’aimerais réitérer l’expérience sur l’enjeu des fonds marins. En interne, la Mission cinéma a un rôle de conseil : expliquer qu’une fiction ou un documentaire ne peut pas être une œuvre de propagande. Exit la censure, il faut laisser aux artistes une totale liberté de création. Si j’utilise une métaphore, je dirais qu’un train qui arrive à l’heure ne fait pas une bonne histoire, en revanche un train qui déraille, c’est beaucoup plus intéressant.
Êtes-vous êtes suffisamment présents dans la bande dessinée ?
E-L B. D. : Dans la bande dessinée de genre militaire classique, oui mais c’est une niche déjà acquise. Nous cherchons plutôt à toucher le grand public. C’est le cas avec Les Galons de la BD (123 ouvrages reçus cette année). En parallèle, nous sommes en train de monter des accords de partenariats avec des écoles de manga (à Angoulême et Toulouse) pour toucher de jeunes auteurs et les biberonner à nos sujets militaires. L’idée de créer des pépinières de jeunes auteurs se retrouve dans l’audiovisuel : la MCIC travaille avec «La Grande Fabrique de l’image» (appel à projets ouvert aux écoles de cinéma européennes).
Quels sont les nouveaux secteurs qui vous permettent de rayonner ?
E-L B. D. : Tout d’abord, le e-sport qui touche 12 millions de Français. Notre équipe interarmées joue sur LOL (League of Legends), un jeu de stratégie assez proche de ce que l’on retrouve dans le monde militaire. Cela montre au public que les militaires partagent les mêmes centres d’intérêt avec eux, renforçant le lien armées-nation. Le Webtoon, de la bande dessinée style manga, adaptée aux écrans de téléphones portables : un secteur en pleine ébullition, similaire à celui du marché du manga il y a 25 ans. Le ministère s’y investit avec l’ECPAD.
Bio express
1988-1995 Responsable Marketing puis directrice de la communication chez Nintendo
1995-2000 Directeur général de Canal + Multimédia
2001-2002 Directeur général adjoint des activités de Télévision Interactive chez Lagardère Active
2003-2008 Secrétaire générale de La Chaîne parlementaire, LCP- Assemblée nationale
2008-2013 Directeur délégué (Expert transition numérique) chez France Télé Numérique
2013-2019 Directeur chez ZALIS et Senior advisor chez Grant Thorntorn Executive (activités de conseil en stratégie)
2017-2021 Présidente de la commission recherches et innovations en audiovisuel et multimédia du Conseil national du cinéma
Juin 2019 Chef de la Mission cinéma et industries créatives au ministère des Armées (DICoD)
Aspirant Clément, contrôleur aérien
Publié le 22/04/2025
Dès son plus jeune âge, l’aspirant (ASP) Clément a baigné dans le milieu de l’aéronautique navale. Une passion devenue un métier qu’il exerce sur le porte-avions Charles de Gaulle pour la mission Clemenceau 25.

«Mon père était dans la Marine comme mécanicien aéronautique. » Une enfance heureuse au soleil : « à Hyères, on était dans des immeubles remplis de familles de militaires, on voyait l’ambiance marine, l’esprit d’équipage. J’ai des souvenirs dingues de Noël passés sur la base, des journées portes ouvertes dans les hangars. » Ces mêmes hangars, puis la tour de contrôle d’un petit aéroport des Vosges, seront les toiles de fond de ses premiers souvenirs aéronautiques.
L’avenir semble tout tracé, pourtant ses études l’écartent un temps de la Marine. Au collège et au lycée, deux stages dans un office notarial le poussent à poursuivre une carrière juridique. Mais, les cours dispensés sur le divorce en droit de la famille auront raison de sa vocation de notaire. L’appel du large est irrésistible, l’aspirant Clément se souvient : « Il fallait que je bouge, je ne tenais plus là-dedans. J’avais une seule envie : être contrôleur aérien dans la Marine, je n’ai pas postulé pour autre chose. » Il ajoute : « dans mon enfance, j’ai côtoyé plus de mécanos que de contrôleurs aériens mais ce qui me bottait le plus c’était les interactions avec les pilotes, le fait de devoir gérer un espace aérien, une piste d’atterrissage et de décollage. » DEUG validé, il fait ses adieux aux amphithéâtres de droit pour rejoindre les bancs de l’École de maistrance.
Le jeune second maître fait ses premières armes à Lann-Bihoué. La spécialité de contrôleur aérien entraîne une certaine sédentarité : « la qualification prend un peu de temps sur une base d’aéronautique navale. Une fois que vous êtes formé et lâché, on vous garde un peu pour faire du tuilage, du compagnonnage et former les nouveaux arrivants », explique l’ASP Clément.
Le Breton d’adoption n’hésite pas à se confronter de plus près aux embruns : « Depuis dix ans, je suis renfort groupe aéronaval embarqué (GAé). Je suis déployé dès que le porte-avions part en mer, peu importe mon affectation. » En mer, les conditions sont différentes. La piste d’appontage se déplace en permanence avec les mouvements du porte-avions. Les années passent et le marin confirme que rigueur, méthode, efficacité et polyvalence sont des qualités essentielles à ce métier. Il valide tous ses brevets, alterne affectations à terre et embarquements. En janvier 2025, il troque ses manchons de « cipal » contre le galon sabordé d'aspirant. Si l’ASP Clément s’épanouit sur la façade Atlantique, il reconnaît que la vie embarquée ne manque pas d’atouts : « Sur le porte-avions ou sur un porte- hélicoptères amphibie, on se mélange, on s’ouvre à d’autres spécialités, on découvre le milieu opérationnel et les interactions avec les pays partenaires. On saisit mieux la géopolitique, c’est très enrichissant, cela donne du sens à la mission. » Dès son retour de la mission Clemenceau 25, l’ASP Clément dirigera la cellule formation en continue du personnel contrôleur de la BAN Lann Bihoué.
Pour l’heure, à l’autre bout du monde, Clément scrute l’horizon depuis le porte- avions et veille sur les marins du ciel.
Contrôleur aérien
À bord du porte-avions, d’un porte-hélicoptères amphibie ou sur une base d’aéronautique navale, le contrôleur aérien est responsable de la circulation aérienne et de la sécurité du trafic. Il contrôle les phases de décollage/catapultage et d’atterrissage/appontage. Sa mission principale est d’identifier, suivre et guider les aéronefs (hélicoptères, avions, drones civils ou militaires) qui évoluent dans son espace aérien. Depuis la tour de contrôle ou du centre de contrôle et d’approche, il fournit aux pilotes les informations de vol (conditions météorologiques, trafic environnant, plans de vol…) pour éviter que les aéronefs ne soient pris dans un orage ou n'entrent en collision. En mer, les conditions évoluent : les espaces aériens changent tous les jours. Le contrôleur aérien établit donc un contact avec les terrains de dégagement à terre pour connaître la réglementation des vols, la longueur de la piste...
Mon meilleur souvenir ?
« Lors de la mission Clemenceau 19, j’ai été dépêché pendant une semaine comme officier de liaison sur une base de la marine indienne à Goa Dabolim. L’exercice Varuna se déroulait en mer au large de l'Inde, j’étais à terre pour coordonner l’activité de la base d’aéronautique navale avec les départs d’avions indiens vers le porte-avions et, en cas de nécessité, le dégagement de nos aéronefs vers Goa. L’expérience, extrêmement enrichissante, m’a permis de voir que le contrôle aérien est le même à travers le monde. On travaille tous de la même manière, c’est assez bluffant. J’étais en tour de contrôle sur une base indienne mais j’y voyais une ressemblance avec celle de Lorient qui accueille, elle aussi, du trafic militaire et du trafic civil. »
Parcours
2005 Entrée à l’École de maistrance
2006 Brevet d’aptitude technique à l’École nationale de l’aviation civile
2006-2016 Affectation sur la base d’aéronautique navale (BAN) de Lann-Bihoué
2014 Brevet supérieur
2015 Mission Arromanches
2017-2021 BAN de Landivisiau
2019 Mission Clemenceau 19
2020 Mission Foch
2021-2023 Affectation sur le porte-avions Charles de Gaulle
2024 Brevet de maîtrise et réussite du concours officier spécialisé de la Marine
2025 École navale et mise pour emploi sur le porte-avions
Le point de vue des marines alliées (2/2)
Publié le 22/04/2025
Le groupe aéronaval est un formidable agrégateur de forces, nationales et multinationales. Lors de son déploiement, il a intégré des unités issues de 19 marines partenaires et alliées. Cols bleus a rencontré plusieurs marins étrangers.

Marine danoise : capitaine de corvette Peter, le "Viking" de la Provence

Affecté aujourd’hui sur la frégate de lutte anti-aérienne danoise Iver Huitfeldt, stationnée à la base navale de Korsør, le capitaine de corvette Peter a été intégré au groupe aéronaval (GAN) pendant cinq semaines en 2022 à bord de la frégate multi-missions Provence. Il revient sur cette expérience.
« J’ai été rattaché à la Force de réaction rapide (FRSTRIKEFOR) pendant quatre mois avant et pendant le déploiement au bureau N3, opérations de l’état-major. Mon rôle était de confronter nos méthodes de lutte anti-sous-marine à celles de la Marine française et de participer à la planification de la mission. À bord de la Provence, j’ai pu observer les méthodes de luttes anti-sous-marines françaises avec la mise en œuvre du binôme frégate-hélicoptère. Ma mission s’inscrivait dans le cadre du souhait de la Marine danoise de voir ses unités se joindre à l’avenir au GAN français et d’y tenir un rôle. L’importance de la capacité de projection de puissance d’un groupe aéronaval est tout à fait claire pour nous et en faire partie est dans notre intérêt, en particulier depuis la guerre en Ukraine et face à la menace russe. Mon propre déploiement m’a permis de mieux comprendre la planification tactique puis transmettre la culture militaire française. C’est un plus pour nous car les navires français sont aujourd’hui plus souvent présents en mer Baltique. Renforcer notre interopérabilité est donc primordial. J’ai enfin beaucoup appris pendant mon détachement au sein de la FRSTRIKEFOR en ce qui concerne le travail d’état-major. Votre façon d’analyser les problèmes et de présenter des solutions au décideur était particulièrement intéressante comme la capacité à travailler et réfléchir de façon indépendante. Nous, marins danois, sommes plus habitués à ne le faire que dans le cadre de l’OTAN. À bord de la Provence j’ai parfois été surpris des similitudes entre nos procédures. Par exemple, outre la langue, vos briefings hélicoptères auraient pu être effectués à bord d’un bâtiment danois. À l’inverse d’autres procédures, comme la gestion des sinistres, sont complétement différentes des nôtres. Lors de mon premier exercice de poste de combat sur la Provence, j’étais au central opération. Un incendie a été simulé et de la fumée a envahi le local. Je m’attendais à ce que nous l’évacuions. J’ai été surpris de voir tout le personnel mettre son masque à gaz et poursuivre sa tâche. Je fais souvent référence à ces expériences auprès de mes camarades danois afin de gagner en efficacité. »
Marine espagnole : lieutenant de vaisseau Pedro Dodero Vázquez
Contrôleur de défense aérienne affecté au groupe aérien embarqué de la Flotte des aéronefs. Il a participé au groupe aéronaval (GAN) comme contrôleur aérien sur le Charles de Gaulle de fin janvier à mi-avril 2022.
En quoi a consisté cette coopération franco-espagnole ?
LV Pedro DODERO VÁZQUEZ : Ma participation a commencé avec la frégate espagnole Almirante Juan de Borbon avant d’être hélitreuillé sur le Charles de Gaulle. Nous avons été intégrés avec le personnel français, en particulier avec les contrôleurs aériens dans leurs missions de formation pendant le déploiement du GAN. Nous avons également été impliqués sur le navire en tant que membre de l’équipage, en apprenant de leurs méthodes de travail et d’opération. Cela a été une expérience personnelle exceptionnelle pour rencontrer de nombreux marins et découvrir le mode de fonctionnement de la Marine française. Nous sommes tous membres de l’OTAN, et disposons de procédures et de méthodes standardisées mais chaque pays a ses particularités dans sa façon de travailler, d’opérer et s’organiser. J’ai pu voir des exercices et des entraînements sur le porte-avions Charles de Gaulle avec sa catapulte, avec le Rafale Marine et le Hawkeye, que nous n’avons pas dans la marine espagnole. Nous avons le Juan Carlos I avec le Harrier AV8B qui effectue les tirs verticaux à bord du navire, étant l’une des rares marines dotées de cette capacité.
Comment décririez-vous la coopération entre les marines espagnole et française ?
LV P. D. V. : La coopération entre la Armada et la Marine nationale est très bonne, car nous sommes habitués aux exercices conjoints. Dès que cela est possible, nous les invitons à participer à nos exercices et nous sommes fréquemment invités aux leurs. En fin de compte, plus on coopère, plus la coopération s’améliore. De plus, nous avons avons gardé de bonnes relations avec les contrôleurs français qui nous ont invités dans leur unité de Brest et à Landivisiau.
Marine allemande : capitaine de frégate Michael Adam
Familier de la Marine française, le CF Michael Adam a effectué sa formation d’officier à l’École navale (promotion EN 2007). Il est aujourd’hui chargé des relations avec les États- Unis, la France, Israël, la Norvège et les pays de la baltique au bureau relations internationales de l’état- major de la Marine allemande.

Entre novembre 2022 et mars 2023, vous avez été affecté à la cellule N5 de l’état-major embarqué du groupe aéronaval lors de la mission Antares. Quel moment vous a particulièrement marqué ?
CF. Michael ADAM: Le moment le plus fort, d’un point de vue opérationnel, fut le retour en Méditerranée dans un contexte de tensions croissantes à la frontière de l’Ukraine, juste après le terrible tremblement de terre en Turquie. Toutes les forces présentes sur zone, le groupe de surface de l’OTAN SNMG1 plusieurs groupes amphibie et aéronavals européens et américains, sont parvenus à se coordonner malgré un préavis très faible, pour préparer la sortie de Suez du Charles de Gaulle et montrer une posture résolue face à l’agression russe qui se poursuivait en Ukraine.
Comment décririez-vous la coopération entre les marines allemande et française ?
CF. M. A. : La coopération est marquée par une grande confiance mutuelle. Nos processus sont très proches, ce qui facilite le travail. J’aimerais bien que nous travaillions plus fréquemment ensemble. Nos deux marines font face aux mêmes défis, alors nous gagnerions à saisir chaque occasion, aussi inopinée soit-elle.
Marine portugaise : l’intégration du Bartolomeu Dias au GAN en 2024
En 2024, le navire de la République du Portugal Bartolomeau Dias a été intégré au groupe aéronaval (GAN) français pour la mission AKILA. L’enseigne de vaisseau Carlota, officier de communication de la marine portugaise, revient sur ces 45 jours d’intense activité.
« Pour le Bartolomeu Dias, la mission était d’escorter et de soutenir chaque opération menée par le porte-avions Charles de Gaulle. Cela a permis à notre équipage de se former, de s’entraîner et de se préparer à l’ensemble du spectre des missions dévolues à une frégate polyvalente au sein d’un GAN. Nous avons aussi pu, à cette occasion améliorer notre interopérabilité avec les navires français et alliés. Plusieurs exercices sont venus ponctuer la mission : Neptune Strike 24 en Méditerranée orientale, Mare Aperto et Polaris en Méditerranée centrale. Par le nombre et la nature des séries d’entraînements menés tout au long de ces 45 jours de mission, ce déploiement a apporté des opportunités de formation et d’apprentissage uniques qui ont contribué de manière significative à améliorer la capacité du navire à opérer en mer. Cela a contribué à renforcer les liens de coopération, tant en termes de relations diplomatiques que militaires, entre le Portugal et la France, et à renforcer la cohésion de l’OTAN dans son ensemble. »
Le point de vue des marines alliées (1/2)
Publié le 03/04/2025
Le groupe aéronaval est un formidable agrégateur de forces, nationales et multinationales. Lors de son déploiement, il a intégré des unités issues de 19 marines partenaires et alliées. Cols bleus a rencontré plusieurs marins étrangers.

Marina militare : Capitaine de frégate Viviana Montone

La frégate italienne Virginio Fasan a intégré le groupe aéronaval français lors de son passage en Méditerranée, en direction de l’Indopacifique, afin de garantir la sécurité de sa navigation et la lutte anti-sous-marine.
Comment la frégate Fasan s’est-elle préparée à Clemenceau 25 ?
Capitaine de frégate Viviana Montone : L’interaction avec la Marine nationale a commencé quelques jours plus tôt dans le port militaire de Toulon, où l’état-major du Fasan a participé à la conférence de presse et à une série de réunions bilatérales, visant à l’intégration complète de la frégate italienne dans le dispositif français. Un autre facteur déterminant était la contribution apportée par les officiers italiens employés au sein de l’état-major de la Force de réaction rapide de Toulon et la capitalisation des expériences antérieures par les membres d’équipage déjà employés dans des contextes similaires.
Quelles sont les nouveautés de Clemenceau 25 ?
CF V. M. : L’organisation est en constante évolution afin d’atteindre les normes de formation de plus en plus élevées. Cette année, une attention particulière considérable a été accordée aux communications et une plus grande interconnexion tactique a été mise en œuvre à tous les niveaux grâce aux systèmes de liaison de données tactiques L16 et L22. La mise en œuvre d’un scénario réaliste qui reproduit le contexte actuel des menaces de drones (UAV et USV) est également une nouveauté.
La situation internationale se raidit dans plusieurs régions du monde, dans quelle mesure Clemenceau 25 est-elle comme une répétition d’un scénario réel ?
CF V. M. : La formation à laquelle la marine italienne a participé a été entièrement adaptée pour préparer les équipages à réagir dans des zones à risque. Les scénarios se caractérisent par un grand réalisme, nous permettant de nous entraîner dans un contexte multinational, pour être prêt à faire face à toutes formes de menaces, sur les principaux théâtres opérationnels. Notre déploiement illustre l’engagement de l’Italie visant une coopération et une interopérabilité accrues avec ses partenaires et alliés.
US NAVY : le capitaine de frégate Mathieu

Il est l’officier de liaison français au sein de la 6e flotte américaine
Quel type d’interactions existent entre le groupe aéronaval (GAN) et la 6e flotte US ?
CF Mathieu : la 6e flotte ne coopère pas qu’avec le GAN mais avec l’ensemble de la Marine. En effet, la zone de responsabilité du commandant de la 6e flotte, le vice-amiral d’escadre (VAE) Anderson, se superpose en partie à celles de CECLANT, CECMED, COMNORD mais aussi du COMSUP FAZSOI. Les interactions entre les unités françaises et américaines sont donc très fréquentes et chaque possibilité de rencontre à la mer est mise à profit pour améliorer notre interopérabilité et travailler nos procédures. C’est évidemment le cas lorsque le GAN rencontre un Carrier strike group (CSG) américain car ce sont des « outils » complexes à mettre en œuvre.
Quels ont été les exercices menés de concert avec la 6e flotte en Méditerranée ?
CF M. : Le GAN a profité de son transit en Méditerranée en décembre 2024 pour organiser un Key leader engagement avec des autorités militaires alliées dont le VAE Anderson. Celui-ci a été invité sur le porte-avions et dans la même journée s’est rendu avec le commandant de la zone maritime Méditerranée sur le porte-avions Harry S. Truman qui naviguait à proximité. Ces échanges, en mer, entre « Fleet commanders » sont particulièrement importants pour mieux appréhender les capacités de chaque GAN/ CSG.
Quelle réputation a le groupe aéronaval français auprès des marins américains ?
CF M. : Le GAN est bien connu et apprécié des marins américains. Il est perçu comme un outil moderne, puissant et complet en mesure de se connecter très rapidement avec les forces américaines. Les marins américains recherchent toutes les occasions pour interagir avec le Charles de Gaulle, ses escorteurs, les Rafale Marine et l’état- major du GAN.
Ελληνικό Πολεμικό Ναυτικό / Polemikó Naftikó : capitaine de frégate Konstantinos Kokkalis

Commandant de la frégate Kountouriotis, depuis juillet 2023. Lors de la première phase de déploiement de la mission Clemenceau 25, la frégate Kountouriotis a rejoint le groupe aéronaval (GAN) en Méditerranée (mission Akila).
Comment décririez-vous la coopération entre les marines grecque et française ?
C. K.K. : La coopération entre les deux marines est renforcée par une longue histoire de soutien mutuel, enracinée dans des intérêts communs et des valeurs partagées qui favorisent l’engagement en faveur de la sécurité régionale et internationale.
Pourquoi les exercices du GAN sont-ils importants pour la marine grecque ?
C. K.K. : Les exercices du GAN offrent à notre marine des opportunités vitales de formation et de collaboration, en particulier au niveau des opérations aéronavales. Elles permettent de renforcer son rôle régional, d’améliorer l’interopérabilité et de s’adapter aux perspectives de guerre moderne, rassurant sur le fait que la Grèce joue un rôle important en Méditerranée en tant que pilier de la stabilité et reste un allié compétent et fiable de l’OTAN.
Quelles sont les qualités des frégates grecques et françaises?
C. K.K. : Les frégates grecques et françaises se complètent mutuellement, créant une force hautement performante et équilibrée au sein du GAN. Les frégates françaises offrent à la fois une technologie de pointe, une portée mondiale et une profondeur stratégique. Les frégates grecques fournissent une expertise régionale, en particulier en Méditerranée orientale, où la Grèce a une vaste expérience, des capacités opérationnelles flexibles et un soutien précieux dans les environnements côtiers. Elle renforce les capacités défensives et offensives du GAN en étant pleinement intégrée, contribuant ainsi à l’efficacité globale de la mission du groupe.
Quels sont les principaux défis actuels auxquels la marine grecque se prépare ?
C. K.K. : Si les défis de sécurité régionale en mer Égée et en Méditerranée orientale constituent une priorité, la marine grecque fait déjà face dans plusieurs régions périphériques à des menaces à la fois traditionnelles et émergentes, telles que la sécurité énergétiques les menaces hybrides et asymétriques, les défis liés au changement climatique, pour n’en citer que quelques-uns. En améliorant ses capacités et en renforçant la coopération avec ses alliés, la Grèce entend conserver son rôle de partenaire fiable de l’UE et de l’OTAN.
Le GAN renforce sa capacité de maintenance
Publié le 22/04/2025
Intégré au groupe aéronaval, le bâtiment ravitailleur de forces Jacques Chevallier a quitté Toulon le 28 novembre avec, pour la première fois à son bord, deux conteneurs aménagés en ateliers de maintenance navale et deux conteneurs de stockage pour les pièces détachées.

Un déploiement aussi long et loin du port base comme la mission Clemenceau 25 du GAN nécessite de pouvoir effectuer des réparations directement en mer en cas d’avarie afin de conserver la capacité opérationnelle des installations. Les ateliers nouvellement installés sur le bâtiment ravitailleur de forces (BRF) permettent de faire diverses réparations grâce au personnel du service logistique de la Marine (SLM) embarquée pour la mission.
Actuellement dix marins du SLM sont affectés à bord du BRF et du porte-avions. Ils apportent de nouvelles compétences et une expertise supplémentaire dans les systèmes mécaniques, électrotechniques, dans la productique (par exemple une impression 3D), la chaudronnerie, le froid, le composite et le charpentage. Ils sont parfois amenés à se déplacer sur les autres bâtiments du groupe aéronaval afin de dépanner et raccommoder des installations en tout genre ; ils contribuent ainsi directement au maintien en condition opérationnel de la force dans son ensemble depuis le début de la mission.
Les conteneurs de stockage complètent les capacités d’emport de chaque bâtiment, y compris celle du BRF, qui dispose pourtant de grandes soutes. Ils offrent donc une souplesse supplémentaire au GAN en termes de logistique et de réparation. Les ravitaillements à la mer (RAM), cœur de mission du BRF, permettent alors de distribuer les pièces dont chaque bâtiment a besoin. Les RAM peuvent être complétés par drone logistique ou hélicoptère, grâce au détachement embarqué sur le BRF.

Avec l’Inde, un lien privilégié
Publié le 22/04/2025
Depuis 1998, la France entretient avec l’Inde un partenariat stratégique pour développer la coopération militaire. Les escales et exercices conjoints entre les deux marines lors de Clemenceau 25 l’illustrent parfaitement.

Ce n’est pas la première fois qu’un bateau de la Marine française fait escale en Inde mais l’arrivée du Charles de Gaulle et de ses escorteurs dans les ports de Goa et de Cochin, fait toujours son effet. Quelques jours après avoir accosté le 4 janvier, les marins ont repris la mer en direction de l’arc indonésien. L’Indian Navy et la Marine nationale ont interagi à plusieurs reprises en débutant par la navigation conjointe d’une frégate multi-missions et de la frégate indienne Mormugao : manœuvres, évolutions tactiques et déploiements respectifs de leurs hélicoptères étaient au rendez-vous. Le bâtiment ravitailleur de forces Jacques Chevallier a ensuite approvisionné en carburant cette même frégate indienne. Cette coopération se joue également dans les airs : des Rafale Marine et des avions de chasse Soukhoï et Jaguar indiens ont effectué des entraînements au combat aérien. Pour clore les interactions, un Atlantique 2 s’est posé en Inde pour une escale logistique permettant au groupe aéronaval de pouvoir évoluer plus loin, avant de rejoindre l’arc indonésien pour l’exercice La Pérouse 25.
Ces relations privilégiées avec l’Inde sont appuyées par la participation de la France à des missions comme Atalanta qui vise à lutter contre la piraterie et le trafic de drogue à l’est de la Corne de l’Afrique. Notre pays est également membre de l’Indian Ocean Naval Symposium qui réunit les nations riveraines de l’océan Indien. La France a d’ailleurs présidé ce forum entre 2021 et 2023. Par ailleurs, la politique indienne d’autonomie stratégique dans le domaine de la défense est soutenue par la France au travers des différentes coopérations industrielles (Rafale et sous-marins). En 2023, un document cadre a été signé par le Premier ministre Narendra Modi fixant le cap de cette coopération jusqu’en 2047, année qui marquera le centenaire de l’indépendance de l’Inde.
Ce partenariat se traduit enfin par des exercices terrestres (Shakti), aériens (Tarang Shakti et Garuda) et maritimes (Varuna). Après la participation à l’exercice La Pérouse 25, la coopération avec l’Inde dans le cadre de Clemenceau 25 s’est achevée sur le trajet retour de la mission avec la 42e édition de l’exercice Varuna du 19 au 22 mars. Une dizaine de bâtiments y participeront pour se préparer ensemble à faire face à une menace multi-milieux, multi-champs.
Rastaban, un peu plus près des étoiles
Fin janvier, trois Rafale Marine ont été projetés à plus de 1 000 nautiques du porte-avions Charles de Gaulle qui croisait au large des côtes indonésiennes. Après un ravitaillement en vol par des « super nounous » (chasseurs), ils sont arrivés à Darwin en Australie. Les pilotes ont effectué des vols tactiques avec des avions de chasse F-35 de la Royal Australian Air Force permettant de développer l’interopérabilité entre les deux pays riverains de l’Indopacifique. Cette opération démontre la capacité des chasseurs français à être projetés loin et sous un faible préavis tout en poursuivant les opérations maritimes.

La France en première place aux 5e Jeux mondiaux militaires d’hiver
Publié le 07/04/2025
26 médailles, une première place et une fin de saison en beauté : les 67 athlètes de l’équipe de France militaire ont brillé lors des Jeux mondiaux militaires d’hiver.

Créés en 2010 par le Conseil international du sport militaire (CISM), les jeux militaires mondiaux d’hiver réunissent tous les quatre ans des dizaines de nations autour des sports d’hiver. Un an avant les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver, cette compétition de niveau internationale constitue une excellente préparation pour les athlètes militaires de haut niveau de l’armée de champions.
Du 23 au 30 mars 2025, plus de 1 500 athlètes militaires de 43 nations différentes ont participé aux épreuves. La délégation française était présente en ski alpin, para ski alpin, ski alpinisme, snowboard, para snowboard, biathlon, ski de fond, para ski de fond, patrouille militaire, ski orientation, escalade, cross-country et para cross-country. Malheureusement, les conditions météorologiques n’ont pas permis aux épreuves de snowboard et de para-snowboard d’avoir lieu.

Pour la première fois dans l’histoire des Jeux mondiaux militaires d’hiver, des épreuves adaptées aux para-athlètes militaires ont été intégrées : cette année, au sein de la délégation française, ils étaient 12.
Les militaires français ont largement dominé la compétition. Ils terminent à la première place, avec presque deux fois plus de médailles d’or que leurs homologues italiens, qui terminent à la seconde place.
Parmi les participants et aux côtés des équipes de France de sport d‘hiver, trois marins ont bravé les sommets suisses pour défendre les couleurs de la France : le MT Camille Jaouen (CECMED) en para slalom géant, le MT Pierre Manfredi (Pôle Ecoles Méditerranée) en para snowboard et le PM Nicolas Baudry (BAN HYERES / entraîneur). Le MT Camille Jaouen a été sacrée championne du monde para en slalom géant, démontrant que la sclérose en plaques, dont elle est atteinte depuis 3 ans, ne peut freiner sa détermination.
Prochain rendez-vous pour les athlètes du bataillon de Joinville – armée de Champions : les Jeux olympiques et paralympiques de Milan-Cortina en février 2026.
Première édition des « Contes du quai des merveilles »
Publié le 22/04/2025
Le capitaine de corvette (CC) Jacquelin a réuni petits et grands pour une échappée magique au pays des « Contes du quai des merveilles » à Toulon. Il s’y produira pour une dernière date, le 26 avril.

Marin d'active bien conscient du défi que représentent les absences, et désireux de soutenir les familles de militaires en opération, le CC Jacquelin réserve à tous un accueil chaleureux pour un moment de partage entre les familles, qu’elles soient en attente du retour ou au grand complet. Il mêle le rêve, l’aventure, l’art, l’artisanat et l’amitié joyeuse, pour aborder des sujets tels que l’absence, la colère, la peur ou la tristesse. Une machine à laver émotionnelle qui fait du bien.

Commandant, pouvez-vous vous présenter ?
Je m'appelle Jacquelin, j’ai 37 ans, je suis marié, père de quatre enfants et officier de marine.
Et conteur aussi ! Parlez-nous de votre projet « Les Contes du quai des merveilles »
CC Jacquelin : Marin depuis bientôt 19 ans, j’ai cumulé beaucoup d’absences. Je connais le long tunnel de l’attente du retour, vécu plus ou moins bien par nos familles. Profitant de ma première affectation en état-major cette année et de la visibilité qu’elle m’offre sur mon calendrier avant de reprendre la mer, j’ai voulu réaliser ce projet qui vise à rassembler les familles, offrir un peu d’émerveillement aux enfants et une pause aux parents. L’idée est simple : raconter des histoires aux enfants.
Pas si simple lorsqu’il s’agit de le faire sur scène devant un public. Avez-vous une expérience du théâtre ?
CC J. : Pas vraiment. Adolescent, j’ai fait un peu de théâtre, de manière anecdotique. En revanche, j’aimais déjà lire des pièces de théâtre, où on se prend facilement au jeu des émotions souvent exagérées. Je suis également sensible à la poésie, touché par les images, la musicalité et la rythmique des vers. À la même époque, j’ai développé mon expression orale grâce au scoutisme qui m’a notamment appris des techniques pour préparer et réaliser des scénettes lors de jeux ou veillées. C’est sans doute ce qui me permet d’être à l’aise. Par-dessus tout, j’invente mes histoires et j’improvise sur place : je n’ai donc aucune pression de texte à connaître par cœur !
D’où vous vient cette capacité à improviser ?
CC J. : Cela a commencé lorsque je lisais des histoires à mes neveux puis à mes propres enfants. J’ai parfois été déçu par la pauvreté du texte, que j’agrémentais donc au fur et à mesure, pour finalement m’en détacher complétement. Associant ensuite gestes et décors à l’intonation, j’ai fini par inventer mes propres histoires en familles ou avec nos amis. Je me suis également enregistré pendant mes missions pour garder ce lien et offrir à mon épouse quelques moments plus calmes pendant mon absence.
N’est-ce pas trop difficile de s’adapter à une tranche d’âge aussi large que les 3-11 ans ? Comment trouver l’équilibre pour rester compréhensible avec les petits tout en intéressant leurs aînés ?
CC J. : Au-delà des tendres intonations qui nous viennent devant un bébé, je suis étonné de la tendance naturelle à parler aux enfants en les imitant un peu bêtement, en pensant qu’ils comprendront mieux, oubliant ainsi que c’est eux qui cherchent à nous imiter. Des concepts très simples exprimés avec des phrases courtes facilitent certaines acquisitions. Il faut aussi stimuler l’imaginaire en imprégnant des structures de phrases complexes et du vocabulaire le plus tôt possible, même si les sujets sont simples. Ce que j’ajuste aux enfants c’est le fond, pas la forme, que j’essaye de garder soutenue. Finalement, cet éventail large ne pose pas de problème. D’ailleurs je m’amuse beaucoup quand j’observe des parents qui se laissent emporter par l’histoire.
Vous utilisez donc des mots compliqués au risque de ne pas être compris ?
CC J. : Je ne dirais pas compliqué mais plutôt de jolis mots. Les enfants ne comprennent pas toujours tout immédiatement, et tant mieux car cela nourrit mystérieusement un monde intérieur attirant. Ils compensent d’abord ce qu’ils ne comprennent pas par ce qu’ils ressentent, puis ils finissent un jour par comprendre et l’associent naturellement à leurs émotions ou au moins posent des questions. Développer cette intériorité est la meilleure manière de construire un pont entre la raison et les émotions afin qu’ils n’en soient pas esclave en grandissant. C’est encore plus important quand la stabilité familiale est fragile, ce qui est souvent le cas pendant les absences du militaire.
Quels thèmes abordez-vous pour les intéresser ?
CC J. : Dans ces histoires je mêle le rêve, l’aventure, l’art, l’artisanat et l’amitié joyeuse, tout en abordant des sujets de manière simple, telle que l’absence, la colère, la peur ou la tristesse. Je travaille en amont quelques sujets et je construis l’histoire autour. En comité plus restreint ou en d’autres lieux comme un musée par exemple, j’aime bien me servir d’un tableau, d’un objet ou d’une maquette comme point de départ ou d’arrivé d’une aventure. Afin de faciliter l’identification mes personnages ont environ leurs âges. Parfois, je laisse volontairement planer un doute. En tout cas mes enfants qui ont entre 2 et 8 ans sont une source d’inspiration inépuisable et un bon public test !
Le mot de la fin ?
CC J. : Merci à l’amiral commandant la base de défense de Toulon et à l’escale Amiral Ronarc’h d’avoir soutenu ce projet par le prêt gracieux de la magnifique salle Surcouf, c’est une belle marque d’attention pour adoucir un peu le quotidien de toutes ses familles qui servent la France autant que nous les militaires ! Pour ma dernière date, le 26 avril, de nombreux bateaux seront rentrés donc si les marins veulent venir écouter ce que je raconte à leurs enfants, ils sont les bienvenus !
Clemenceau 25 : le soleil se lève à l’Est
Publié le 03/04/2025
Le groupe aéronaval a appareillé de Toulon le 28 novembre 2024 pour un périple de 40 000 nautiques jusque dans le Pacifique. Un déploiement qui réaffirme la capacité du GAN à durer à la mer

Lorsque les mouchoirs colorés des familles de marins s’agitent pour saluer le départ du porte-avions Charles de Gaulle et de ses escorteurs depuis le port de Toulon le 28 novembre 2024, la situation géopolitique internationale est tout sauf anodine. En Ukraine, les Russes enregistrent, après 1 000 jours de combat, leur plus forte progression depuis deux ans et demi, et l’investiture imminente du nouveau président des états-Unis Donald Trump fait peser une nouvelle incertitude sur l’avenir du conflit et les forces en présence. En Syrie, où des Rafale Marine, des Hawkeye et des navires de surfaces, ont été envoyés pour des missions d’appréciation autonome de situation dans le cadre de l’opération Chammal, le régime de Bachar El Assad est officiellement renversé le 8 décembre. Le Proche-Orient danse toujours sur des charbons ardents, avec une menace directe de tirs des Houthistes sur le groupe aéronaval tandis que l’Indopacifique bruisse de rivalités de plus en plus sonores.
Dans ce contexte épineux, la démonstration de projection, de puissance et de supériorité navale du GAN s’annonce impérative. Avec la mission Clemenceau 25, le groupe aéronaval poursuit trois objectifs majeurs : affirmer la liberté de navigation dans les espaces maritimes stratégiques et conforter leur stabilité ; consolider les partenariats dans l’Indopacifique et enfin, renforcer l’interopérabilité avec ces derniers à travers des exercices d’envergure.
Une flexibilité en fonction des besoins
La force du GAN ? « Sa composition flexible qui lui permet de s’adapter à tous les théâtres d’opération, répond à brûle-pourpoint le contre-amiral Mallard, commandant de la force aéromaritime de réaction rapide (FRSTRIKEFOR pour French Strike Force), et Clemenceau 25 est l’occasion de renforcer son appréciation autonome de situation dans un environnement stratégique complexe. »
Modulable, le GAN change, non pas de couleur comme un caméléon, mais de forme en fonction des besoins de la mission. Le porte-avions qui accueille l’état-major est ainsi escorté d’un sous-marin nucléaire d’attaque, de bâtiments de lutte sous la mer et de défense aérienne et d’un bâtiment ravitailleur. Il porte un groupe aérien embarqué (GAé) composé des Rafale Marine, des E-2C Hawkeye et des hélicoptères Dauphin et Caïman avec le soutien d’un avion de patrouille maritime (Atlantique 2) basé à terre. « C’est un groupe cohérent, poursuit l’amiral Mallard, maintenu et agrégé autour de son capital ship, le porte-avions. » Auquel se joignent des escorteurs étrangers. La mission a été planifiée selon une logique de partenariats. Ainsi avec les opérations en Méditerranée, les exercices La Pérouse 25, Pacific Steller, puis Varuna et les différentes escales, le GAN français a travaillé avec plus d’une quinzaine de pays : Australie, Canada, états-Unis, égypte, Grèce, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Malaisie, Maroc, Philippines, Royaume-Uni, Singapour, Sri-Lanka, Vietnam, Djibouti, etc.
Après l’océan Indien, le GAN a poursuivi sa mission vers l’Extrême-Orient, en Asie du Sud-est. Du 12 au 17 février, une frégate multi-missions et un bâtiment ravitailleur de forces (BRF) ont fait escale à Okinawa au Japon. Partenaire stratégique de la France depuis 30 ans, le Japon accueille régulièrement des bâtiments de la Marine nationale comme ce fut le cas de la Bretagne en 2024 lorsque la frégate a effectué sa relève d’équipage à Yokosuka en pleine mission opérationnelle. Après sa participation à l’exercice trilatéral Pacific Steller, du 8 au 18 février 2025, aux côtés des États-Unis et du Japon, le GAN s’est arrêté pour la première fois aux Philippines les 21 et 24 février entre les ports de Subic Bay et de Manille.
Ces étapes inédites (1re fois qu’un BRF fait escale en Australie, à Singapour, au Japon et aux Philippines, et pour le porte-avions aux Philippines et en Indonésie) pour un déploiement du GAN permettent à la France de développer ses points d’appuis logistiques dans le Pacifique, assurant ainsi son autonomie loin de la métropole dans la conduite de missions de défense de ses citoyens et de ses intérêts.
Un large spectre de missions

Connaître et anticiper : grâce à ses nombreux capteurs de renseignement.
Prévenir : par sa simple présence dans une zone de crise, le GAN permet d’affirmer le soutien politique de la France.
Influencer : le GAN pèse politiquement grâce à son potentiel de projection
de puissance.
Protéger : le territoire national, en interdisant ou réglementant l’accès à une zone hauturière ou littorale. Protéger nos lignes de communications maritimes.
Intervenir : outil privilégié de projection de puissance, le GAN est capable d’intervenir tôt dans les crises : frappes sur des objectifs en profondeur, soutien aux forces à terre, compréhension du théâtre, commandement tactique, etc.
Dissuader : le GAN peut mettre en œuvre l’arme nucléaire aéroportée avec une montée en puissance ostensible et graduelle.