Détroit de Lombok, mer de Célèbes, mer des Philippines, Manille, mer de Chine méridionale… Pour la première fois, ces noms sont venus noircir les lignes du journal de bord du Charles de Gaulle, engagé avec le groupe aéronaval dans la mission Clemenceau 25, au nom malicieusement continental. Jamais le porte-avions et son groupe n’avaient en effet opéré autant à l’Est, au-delà de Singapour et des îles indonésiennes, donnant, le temps d’une mission, tout son sens au concept d’espace Indopacifique.
La Marine nationale présente aux 5e Jeux mondiaux militaires d’hiver
Publié le 19/03/2025
La cinquième édition des Jeux mondiaux militaires d’hiver se déroulera du 23 au 30 mars 2025 à Lucerne en Suisse. L’équipe de France militaire composée de 67 athlètes, dont 12 militaires blessés et para sportifs de haut niveau de la Défense participera aux épreuves dans 13 disciplines.

42 personnels d’encadrement, dont des entraîneurs militaires du Centre national des sports de la Défense, des cadres de la fédération française de ski et du personnel du Service de santé des armées complètent la délégation française.
Les athlètes s’affronteront sur les sites d’Engelberg pour les courses alpines, Andermatt et Goms pour les disciplines nordiques, Wädenswil pour l’escalade et Emmen pour le cross-country.
1 393 athlètes issus de 43 nations membres du Conseil international du sport miliaire (CISM) participeront à cet événement sportif. Le CISM est un organisme créé en 1948 qui regroupe 141 pays d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Europe. Sa devise est l’Amitié par le sport.
Ils aiment Cols bleus... et ils le disent !
Publié le 24/03/2025

ISABELLE AUTISSIER
Première femme navigatrice à avoir accompli un tour du monde en solitaire, cette aventurière fait aussi partie du corps des écrivains de Marine. Passionnément engagée dans la défense de l’environnement - elle est encore présidente d’honneur de l’association WWF. Elle a rapporté de ses expéditions dans l’Arctique et l’Antarctique des romans magnifiques comme L’amant de Patagonie (Grasset, Prix Maurice-Genevoix 2012) et Soudain, seuls (Stock, 2015, porté à l’écran par Thomas Bidegain avec Gilles Lellouche et Mélanie Thierry).
Ewan LEBOURDAIS
Photographe, entré dans la famille des Peintres de la Marine depuis 2021, il est aussi réserviste citoyen. Il signe la couverture de ce numéro.

Comment avez-vous connu Cols bleus ?
Ewan LEBOURDAIS : Je suis tombé sur une pile du magazine chez un ami, l’historien Jean-Marie Kowalski ! Cela m’a passionné ! Il enseigne à l’École navale et il conserve toute une collection de Cols bleus.
C’est une de vos photos qui a été choisie pour faire la couverture de ce numéro anniversaire, que représente-t-elle ?
E. L. : Mon cahier des charges était le suivant : inclure un élément rappelant les origines du journal qui a été fondé à la Libération à la fin de la Deuxième Guerre mondiale – le pavillon de beaupré avec la croix de Lorraine ; représenter la jeunesse pour symboliser l’avenir du journal et de la Marine nationale – avec le marin qui regarde l’horizon – et incarner la flotte dans son ensemble sans trop désigner un bateau plutôt qu’un autre. Ici, il s’agit de la goélette Étoile mais on ne la voit pas vraiment. La photo a été prise sur un fond nuageux, elle est suffisamment mystérieuse, pour laisser libre court à l’imagination.
Ce n’est pas la première fois que vous faites la couverture de Cols bleus…
E. L. : Non, en effet ! J’ai eu la chance que l’une de mes photos ait été aussi choisie pour la 500e patrouille d’un sous-marin lanceur d’engins (SNLE) dans le n° 3072, en octobre 2018. Je m’étais rendu sur l’île Longue avec la ministre des Armées Florence Parly.
Un bon souvenir que vous conservez de Cols bleus ?
E. L. : Il y a exactement dix ans, la rédaction de Cols bleus me faisait l’honneur d’un portrait centré sur mes activités de réserviste citoyen de l’époque : un programme voile avec l’École navale et le rayonnement par la photographie d’art. Le rêve de devenir Peintre officiel de la Marine était déjà dans mon esprit depuis deux ans. Me voir en tenue de lieutenant de vaisseau posant à côté d’une photographie d’art du Mutin est à la fois un excellent souvenir et un marqueur temporel fort offert par le magazine.
PIERRE GAGNAIRE
Le chef triplement étoilé cumule en réalité 13 macarons au Guide Michelin depuis ses débuts. De Paris à Séoul, en passant par Tokyo et Dubaï, Pierre Gagnaire incarne l’image de la grande cuisine française dans le monde entier. Il est aussi réserviste citoyen de la Marine.

Tibo InShape
Youtubeur francophone le plus suivi dans le monde, notamment connu pour ses vidéos dans le domaine de la musculation, il comptabilise près de 26 millions d’abonnés sur sa chaîne Youtube. En 2024, il a embarqué sur le porte-avions Charles de Gaulle.
Hommage au peintre de la Marine Michel King
Publié le 13/03/2025
De ses 14 ans à ses 94 ans, Michel King a dédié sa vie à la peinture. Le seinomarin, graveur et lithographe, est nommé peintre de la Marine en 1973, après une scolarité à l'Ecole nationale supérieure des arts décoratifs à Paris. Spécialiste de la peinture à l'huile, de l'aquarelle, mais également de la gravure taille-douce et de la lithographie, ses œuvres seront exposées en France, mais aussi au Japon, en Corée du Sud, aux Etats-Unis et en Suisse. Avec son décès, la Marine perd l'un de ses plus anciens et prolifiques peintre officiel. Le Contre-amiral (2S) François Bellec lui rend hommage à travers une lettre.

Cher Michel,
Cela faisait juste un demi-siècle que nous nous connaissions, appartenant aux promotions 1974 et 1975 des Peintres officiels de la Marine avant la fusion en 1981 des Peintres officiels des Armées. Nos camarades de promotion François Baboulet, Robert Yan, Gaston Sébire, Jean-Pierre Alaux ont depuis longtemps reposé leurs pinceaux. Nous avons partagé avec eux des Salons de la Marine, des escales inspirées en bord de mer, de joyeux Chiens de mer dans les cales du Musée national de la Marine. Et nous deux, un livre sur la pêche en Bretagne élaboré dans ton atelier.
Et puis aussi la Nationale. Derrière François Baboulet, président emblématique de la Société Nationale des Beaux-Arts, qui m’en a confié en 2004 la présidence que je t’ai transmise en 2012, des POM ont présidé pendant plus d’un demi-siècle la plus ancienne société d’artistes, émancipée en 1862 de la tyrannie hagiographique du Salon officiel. Nous avons partagé avec Isabelle les frissons des budgets pharamineux de notre salon annuel, et les angoisses diplomatiques des passages en douane des envois de nos exposants du monde entier. Au Carrousel du Louvre, la fête bruissante des vernissages élégants. Et autour de la rupture festive du tonneau de saké de Kojiro Akagi, les remises des Prix Puvis de Chavannes en honneur d’un de nos fondateurs et des Prix Eugène-Louis Gillot, avec l’accord et le partenariat de la Marine Nationale, des premiers signes à de futurs confrères. Gillot, un de nos sociétaires brillant impressionniste, nommé POM en 1921, mort trop tôt pour matérialiser les Beaux-Arts de la mer précurseurs symboliques de notre APOM.
Tu as rénové le Salon de la SNBA en Salon des Beaux-Arts, dépaysé à l‘Orangerie du Sénat, et tu as initié le projet courageux mais fondamental pour sa pérennité financière d’ériger la SNBA en fondation.
Cher Michel, nous avons fait un long chemin d’amitié, de complicité tout au long duquel j’ai admiré ton talent, ta modestie de maître, l’acuité de ton regard sur les gestes de la vie, ton engagement, ta générosité, ton humour pétillant et ta poésie sensible et douce. Tu étais, comme l’avait été François Baboulet, un doyen naturel d’apparence immortelle. Doyen, c’est une maladie de vieillesse incurable, contagieuse, dont malheureusement l’issue est fatale.
Merci, cher Michel, d’avoir été "The King", de tout ce que tu as apporté à l’art, à la vie artistique et à la compréhension de la mer, à l’esprit des Peintres officiels de la Marine et à la pérennité de la Société Nationale des Beaux-Arts, à tous tes amis et à tes admirateurs.
Et puis, comme un clin d’œil, je t’avais refilé les budgets migraineux de la SNBA, tu m’as passé en douce ton statut contagieux de doyen. Alors, à bientôt – sans rien qui presse - Michel. dans les étoiles… de mer.
François

« Surfaces », un film sur les missions de la Marine nationale
Publié le 31/03/2025
Depuis 2023, la Marine nationale a pris l’habitude de présenter au printemps ses capacités aux auditeurs de l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN) par le biais d’un film. Après un premier opus consacré aux marins (Au cœur de la Marine), et un second (Grand large, Haute tension) davantage centré sur l’analyse géopolitique du monde et des zones de crise, le film 2025, intitulé Surfaces, se concentre sur les missions de la Marine et les unités qui les conduisent.

Réalisé par l’ECPAD (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense) à partir de séquences filmées cette année lors d’embarquements dans des unités de la Marine, Surfaces entraîne son public dans toutes les dimensions dans lesquelles elle opère : les fonds marins avec les sous-marins nucléaires lanceur d’engins et d’attaque, la surface au travers de frégates de défense aérienne, multi-missions et de surveillance, le ciel avec le groupe aérien embarqué sur le porte-avions Charles de Gaulle et les détachements hélicoptères des frégates, mais également la terre ferme et la frange littorale avec les forces spéciales Mer !
Cet enchaînement fluide, agrémenté d’entretiens ciselés avec des marins embarqués et de fins connaisseurs de la Marine, permet de parcourir l’ensemble du spectre de ses missions, de l’action de l’État en mer à la dissuasion. Un film à retrouver sur la chaine Youtube de la Marine nationale !
La Pérouse 25 : sécuriser les principaux détroits indonésiens
Publié le 03/04/2025
Du 16 au 24 janvier, le GAN a participé à l’exercice La Pérouse 25 aux côtés de huit nations riveraines de l’Indopacifique.

Exercice phare de la mission Clemenceau 25, la cinquième édition de La Pérouse s’est d’abord déroulée dans le détroit de Malacca – où transitent chaque année 85 000 navires, soit un tiers du commerce mondial. Treize unités de neuf marines partenaires ont participé à une série d’entraînements impliquant le groupe aéronaval français, le destroyer australien HMAS Hobart, le patrouilleur hauturier britannique HMS Spey, la frégate canadienne HMCS Ottawa, l’USS Savannah, la frégate indienne Mumbaï, la frégate indonésienne Raden Eddy Martadinata, la frégate malaisienne Lekir et son hélicoptère embarqué, ainsi que le bâtiment Gagah Samudera et le patrouilleur singapourien Independence. L’Indonésie a aussi assuré le point d’appui à terre, depuis l’île de Java, des avions de patrouille maritime (Atlantique 2 du GAN et Poséidon indien).
Du 16 au 18 janvier, la première phase de l’exercice multinational a mis en scène la frégate de défense aérienne française et des navires malaisiens et singapouriens. Un des navires jouait le rôle d’un bâtiment suspecté de trafics illicites et les autres devaient l’arraisonner. Plus loin, dans le détroit de La Sonde, Britanniques, Canadiens, Indiens et Français ont travaillé sur leurs procédures en matière de sécurisation maritime avant de s’exercer à l’appontage et au décollage de leurs hélicoptères lors de phases de cross deck. Le destroyer HMAS Hobart a rejoint l’exercice en face du détroit de Lombok et a été approvisionné par le bâtiment ravitailleur de forces Jacques Chevallier. Une première avec un bâtiment australien
Sécurité maritime, stabilité régionale et liberté de navigation
Tout au long de l’exercice, un Atlantique 2 (ATL2) et un Poséidon indien ont survolé quotidiennement les trois détroits. Ayant embarqué des observateurs indonésiens, l’ATL2 a partagé les informations recueillies lors des vols avec les marines impliquées dans l’exercice par le biais du système de communication IORIS. Il est disponible en source ouverte pour faciliter le partage d’information entre les différentes unités et coordonner les opérations de sauvetage. « C’est la première fois que nous collaborions avec certaines nations, souligne le contre-amiral Jacques Mallard, commandant du GAN. Nous devions nous faire connaître des partenaires dans la zone et apprendre à travailler ensemble pour renforcer l’interopérabilité. » Son développement garantit la capacité à pouvoir agir immédiatement et collectivement en cas de crise.
Pendant ces neuf jours d’exercice, les treize unités ont démontré qu’elles étaient capables d’opérer ensemble dans un même espace afin d’assurer la sûreté maritime des trois grands détroits indonésiens exposés à de nombreux dangers : trafics illicites, risques de collisions, catastrophes naturelles...
Data hubs embarqués : à l’aube d’une évolution majeure pour les opérations aéromaritimes
Publié le 03/04/2025
Depuis sa première expérimentation durant une mission autonome de la FREMM Provence en 2024, l’intégration d’un data hub embarqué (DHE) s’est élargie au GAN à l’occasion de la mission Clemenceau 25.

L’état-major du GAN et le centre de service de la donnée et de l’intelligence artificielle Marine (CSDIA-M) misent sur les data hubs embarqués (DHE) lors du déploiement opérationnel Clemenceau 25 afin de rendre les données plus facilement et plus rapidement exploitables pour étoffer la connaissance multi-champs et multi-milieux (M2MC). L’exploitation des informations tactiques recueillies sur les systèmes classifiés s’effectue principalement grâce à des outils de data-visualisation en pointe. Ils permettent de faciliter l’accès aux informations pour augmenter la connaissance des différentes zones traversées par le groupe aéronaval. Ce déploiement est également une opportunité pour collecter une masse de données suffisante en vue de développer de nouveaux cas d’usage centrés sur la donnée et intégrant des algorithmes d’intelligence artificielle.
Le CSDIA-M a développé un écosystème applicatif, permettant une analyse en temps réel de la situation tactique qui offre à l’opérateur, ainsi qu’à l’ensemble des marins d’un Task group (pas seulement ceux présents au central opérations), de gagner en efficacité dans leur prise de décision.
Le GAN, en collaboration directe et constante avec le CSDIA-M, augmente le périmètre des données et des fonctionnalités accessibles sur le data hub en fonction des besoins opérationnels et les ressources humaines disponibles.
Les DHE sont utilisés tant dans les domaines opérationnels que techniques. En plus d’améliorer les performances tactiques du GAN, ils permettent donc de mieux analyser des signaux faibles et anticiper des maintenances correctives.
Le CSDIA-M a développé les DHE et les a déployés. Il en assure un soutien quotidien. à bord, en plus des marins qui se sont rapidement appropriés les outils disponibles, des réservistes opérationnels, data scientists, de la FRS NUM (flottille de réserve spécialisé Numérique), exploitent également les données collectées au profit du GAN. L’AMIAD a également embarqué dans l’aventure pour développer des cas d’usage répondant aux besoins des forces.
Ce premier GAN data-centré vise à maintenir l’avantage tactique en conservant l’ascendant informationnel du groupe. Déployée en force constituée loin et longtemps, interconnectée, cette flotte de DHE fournit un retour d’expérience technico-opérationnel très précieux. Il oriente également les réflexions capacitaires sur les architectures numériques qui équiperont les futures unités de la Marine.
Trois questions au capitaine de frégate Laurent, chef data analyst du groupe aéronaval
Publié le 03/04/2025

Comment les bâtiments ont-ils travaillé ensemble avec leurs DHE ?
Capitaine de frégate Laurent : Les unités équipées de DHE ont travaillé en commun en partageant leurs données de situation tactique. Ainsi, même hors de portée des liaisons de données tactiques, cela leur garantissait de continuer à évaluer la situation autour des autres bâtiments de la force. Afin de démultiplier les effets de l’expérimentation DHE durant la mission Clemenceau 25, chacun a travaillé sur des sujets différents (ingestion de nouvelles sources de données, data-visualisation, codage, IA), mais la base – la donnée, son volume, sa masse – était la même pour tous. Pour manipuler de tels volumes, il faut les découper en morceaux. Cela est rendu possible grâce au code informatique partagé par les bâtiments. Tous ces partages, comme la réutilisation de codes et de bonnes pratiques, ont été permis grâce à l’ensemble des logiciels installés sur le DHE permettant le traitement des données, le codage et la visualisation.
Quelles sont les informations récoltées ?
CF L. : Elles sont multiples. Les données brutes rassemblent les données de situation tactique produites par les systèmes de direction de combat, ou directement par les capteurs. Ensuite, nous croisons les données externes avec les données de situation tactique pour mieux comprendre notre environnement opérationnel. Par exemple : AIS, données des aéronefs (RFM, ATL2, NH90), météo et environnement. Enfin, nous avons les données produites par les algorithmes que les data scientists ont développés et le retour d’expérience.
Sur le GAN 25, la récolte de la data a-t-elle servi à une prise de décision sur un exercice en particulier ?
CF L. : Non, mais elle a servi à l’élaboration de nos manœuvres tactiques, par exemple pour franchir le détroit de Bab El Mandeb.
Combien de data scientists ont-ils embarqué ?
CF L. : Sur la totalité de la mission, 17 réservistes, sept marins et cinq experts de l’Agence ministérielle pour l’intelligence artificielle de Défense sont venus renforcer ponctuellement les équipes du GAN.
[Cols bleus n° 3125] Une mission Clemenceau hors norme
Au sommaire : une rencontre avec l'aspirant Clément, contrôleur aérien, un article sur les liaisons de données tactiques, le portrait du second maître Céline, navigateur timonier et illustratrice lors de Clemenceau 25, une immersion dans la saison 2 de Cœurs Noirs, les enjeux maritimes du canal du Mozambique et les rubriques "Agenda", "Histoire" et "A l'heure du dégagé" pour connaître l'actualité culturelle de la mer et des marins.

Léa G., photographe
Publié le 04/04/2025





Dans le sillage d'Eve-Lise Blanc-Deleuze
Publié le 22/04/2025
Son surnom « Madame Nintendo » lui colle à la peau depuis qu’elle a lancé en France la marque Nintendo en faisant grimper son chiffre d’affaires de 0 à 2 milliards d’euros. Sa carrière se poursuit ensuite dans de grands groupes médias : Canal+ multimédia (directeur général), le groupe Lagardère (directeur général adjoint des activités de Télévision interactive), la Chaîne parlementaire (secrétaire générale) puis à France Télé numérique où elle a piloté le passage à la télévision tout numérique.

Depuis, elle navigue dans le milieu du cinéma comme un poisson dans l’eau. Dans son bureau décoré avec les affiches Cœurs noirs, dont la saison 2 va sortir, Sentinelles, Le Bureau des légendes ou Le Chant du loup, elle tient la barre de la Mission cinéma du ministère des Armées depuis 2019, à laquelle elle a ajouté les industries créatives.
Dans quel but a été créée la Mission cinéma et industries créatives (MCIC) ?
Eve-Lise Blanc-Deleuze : La Mission a été créée en 2016 au sein de la Délégation à l’information et à la communication de la Défense, afin de favoriser la création et le développement de projets de films, séries, jeux vidéo et bandes dessinées en lien avec la Défense. Le but est de contribuer au rayonnement des armées.
à votre arrivée, quelle était votre feuille de route ?
E-L B. D. : élargir les compétences de la Mission cinéma aux autres créateurs de contenus de divertissement. Quand je suis arrivée, je me suis appuyée sur mon carnet d’adresses personnel pour étoffer le réseau des producteurs et des diffuseurs susceptibles de travailler avec les armées et de les sensibiliser à nos sujets et nos enjeux. Le scénariste c’est le créa, celui qui a les idées, mais il ne peut rien faire sans un producteur, qui est en charge de réunir les fonds pour permettre le développement du programme, ni sans diffuseur. Cinq ans plus tard, le résultat est là puisque nous sommes de mieux en mieux considérés. Nous collaborons aujourd’hui avec la plupart des gros producteurs français : le groupe Mediawan, qui couvre 100 % du marché, Tétra, Mandarin, Quad Production, et des personnalités comme Dimitri Rassam (le Comte de Monte-Cristo, les Trois Mousquetaires). Il vient de créer un fonds avec Pathé et va sortir en juin un nouveau film, Treize jours, treize nuits, sur l’opération Apagan à Kaboul, lorsque l’Afghanistan est tombée aux mains des Talibans le 15 août 2021. Aujourd’hui encore, le secteur du cinéma occupe à peu près 70 % de notre temps.
Quel est l’intérêt de la Mission cinéma pour le ministère des Armées ?
E-L B. D. : Les Français adorent leurs armées : 80 % d’entre eux déclarent avoir une très bonne ou une bonne image de leurs armées (source : sondage mensuel pour le MINARM). En revanche, quand on creuse, ils n’ont aucune idée de comment cela fonctionne. La fiction est un outil de soft power extrêmement puissant. Elle permet de faire passer de multiples messages, faire découvrir un univers méconnu. Au cinéma, ce n’est pas l’Institution qui parle mais le réalisateur.
Quelle est l’image des armées dans le milieu artistique ?
E-L B. D. : Dans le domaine de la culture, il existe une défiance vis-à-vis des militaires encore très forte, alors que c’est un terreau fascinant et exceptionnel. Ce sentiment antimilitariste chez les scénaristes est en train d’évoluer. Les producteurs et les diffuseurs sont plus ouverts.
Comment faire pour provoquer des rencontres entre scénaristes, producteurs et diffuseurs d’un côté et militaires de l’autre ?
E-L B. D. : Nous travaillons beaucoup en amont, en organisant des opérations découvertes. Accompagner des artistes sur le terrain pour rencontrer des spécialistes pouvant inspirer ou illustrer un sujet en cours d’écriture. Cela a été le cas sur le porte-hélicoptères amphibie Mistral pendant 48 heures, où ils avaient assisté à un entraînement de débarquement. Idem sur le Comcyber à Rennes. à court terme, j’aimerais réitérer l’expérience sur l’enjeu des fonds marins. En interne, la Mission cinéma a un rôle de conseil : expliquer qu’une fiction ou un documentaire ne peut pas être une œuvre de propagande. Exit la censure, il faut laisser aux artistes une totale liberté de création. Si j’utilise une métaphore, je dirais qu’un train qui arrive à l’heure ne fait pas une bonne histoire, en revanche un train qui déraille, c’est beaucoup plus intéressant.
Êtes-vous êtes suffisamment présents dans la bande dessinée ?
E-L B. D. : Dans la bande dessinée de genre militaire classique, oui mais c’est une niche déjà acquise. Nous cherchons plutôt à toucher le grand public. C’est le cas avec Les Galons de la BD (123 ouvrages reçus cette année). En parallèle, nous sommes en train de monter des accords de partenariats avec des écoles de manga (à Angoulême et Toulouse) pour toucher de jeunes auteurs et les biberonner à nos sujets militaires. L’idée de créer des pépinières de jeunes auteurs se retrouve dans l’audiovisuel : la MCIC travaille avec «La Grande Fabrique de l’image» (appel à projets ouvert aux écoles de cinéma européennes).
Quels sont les nouveaux secteurs qui vous permettent de rayonner ?
E-L B. D. : Tout d’abord, le e-sport qui touche 12 millions de Français. Notre équipe interarmées joue sur LOL (League of Legends), un jeu de stratégie assez proche de ce que l’on retrouve dans le monde militaire. Cela montre au public que les militaires partagent les mêmes centres d’intérêt avec eux, renforçant le lien armées-nation. Le Webtoon, de la bande dessinée style manga, adaptée aux écrans de téléphones portables : un secteur en pleine ébullition, similaire à celui du marché du manga il y a 25 ans. Le ministère s’y investit avec l’ECPAD.
Bio express
1988-1995 Responsable Marketing puis directrice de la communication chez Nintendo
1995-2000 Directeur général de Canal + Multimédia
2001-2002 Directeur général adjoint des activités de Télévision Interactive chez Lagardère Active
2003-2008 Secrétaire générale de La Chaîne parlementaire, LCP- Assemblée nationale
2008-2013 Directeur délégué (Expert transition numérique) chez France Télé Numérique
2013-2019 Directeur chez ZALIS et Senior advisor chez Grant Thorntorn Executive (activités de conseil en stratégie)
2017-2021 Présidente de la commission recherches et innovations en audiovisuel et multimédia du Conseil national du cinéma
Juin 2019 Chef de la Mission cinéma et industries créatives au ministère des Armées (DICoD)