Teriieroo a Teriierooiterai, figure tahitienne de la France Libre
Publié le 07/05/2025
En baptisant Teriieroo a Teriierooiterai l’un de ses patrouilleurs outre-mer, la Marine nationale a voulu rendre hommage aux Tahitiens qui s’étaient ralliés au général de Gaulle dès juin 1940. Ce compagnon de la Libération est l’un des nombreux Tahitiens à s’être engagés dans la résistance durant la Seconde Guerre mondiale.

« Nous arrivâmes ainsi à cette journée de confusion totale, sinon de panique, que fut le dimanche 23 juin 1940. […] Il était question d’une demande d’armistice, ce qui consternait les uns, et d’une décision de toutes les colonies de poursuivre la lutte, dont d’autres faisaient état. […] Provenant de source américaine, on parlait aussi de l’appel du général de Gaulle, le 18 juin », écrit Jean Chastenet de Gery, alors gouverneur de Tahiti en 1940, dans ses mémoires intitulés Les derniers jours de la Troisième République à Tahiti, 1938-1940.
Quelques jours plus tôt, depuis Londres, le général de Gaulle s’est adressé sur les ondes aux Français. Il refuse la capitulation de la France et appelle à continuer la guerre. Son appel est cependant resté inaudible pour les Tahitiens comme pour toute une partie des habitants des territoires situés dans le Pacifique.
Combattre à des milliers de kilomètres
À Tahiti, l’annonce de l’armistice électrise les foules. L’ombre de la Grande Guerre plane au fenua, de nombreux chefs coutumiers étant d’anciens poilus. Sur un millier d’engagés, 300 ont été tués. Les Tahitiens se sont battus pour la France en 1914-1918 : ils se battront à nouveau aujourd’hui. La fibre patriotique de Tahiti fait naître un climat de désobéissance civile. Lors d’un vote populaire, le général obtient 5 164 voix contre 18 pour le maréchal Pétain. Pourtant, « le général de Gaulle, on ne le connaît pas. Les Tahitiens choisissent d’abord de continuer la lutte aux côtés des Anglais », modère Jean- Christophe Shigetomi, auteur de Tamari’i Volontaires : les Tahitiens dans la Seconde Guerre mondiale, spécialiste des faits d’armes des Polynésiens depuis la fin du xixe siècle.
En effet, la situation géopolitique des Établissements français d’Océanie ne leur offre pas beaucoup d’issues. Bordée par l’Australie et la Nouvelle-Zélande à l’ouest, Hawaii au nord, l’archipel évolue dans un environnement anglo-saxon. Tahiti doit entretenir de bons rapports avec ses voisins pourvoyeurs de vivres : farine, sucre, huile, viande et savon sont importés de Nouvelle-Zélande et d’Australie.
Les intérêts à choisir le camp des Alliés sont aussi marqués par la forte influence anglo-saxonne sur l’archipel. La population est majoritairement protestante et les arbres généalogiques, fortement métissés : de nombreux Tahitiens ont des ancêtres anglophones. « D’un point de vue stratégique, les Alliés n’auraient pas pu voir ce bout de Pacifique tomber aux mains ennemies. La Nouvelle-Calédonie et Tahiti étaient prévues comme bases de repli stratégiques par les forces américaines », explique Jean-Christophe Shigetomi.
Le problème, c’est qu’à Tahiti, le gouverneur a les pleins pouvoirs et qu’il prône plutôt l’allégeance au gouvernement de Vichy. Aucune des figures gravitant autour du gouverneur ne semble capable d’adopter une position tranchée en faveur des Tahitiens. Face au parti pris des gens de pouvoir pour Vichy, les Tahitiens doivent chercher une figure de confiance, un metua, autour de qui se rallier en ces temps difficiles. L’un de ces chefs se nomme Teriieroo a Teriierooiterai.

Teriieroo a Teriierooiterai
Une voix chaude, forte et claire s’élève vers le ciel de Tahiti : « Aujourd’hui, toute la terre tahitienne s’anime, les esprits de la vallée et les esprits de la mer sont à nos côtés pour la lutte et les dieux farouches qui hantent les sommets de l’Aorai et de l’Orohena sont descendus vers nous pour nous soutenir dans la grande bataille. Jusqu’à la victoire, nous ne penserons plus qu’à la guerre. »
Instituteur de formation et chef du district de Papenoo, Teriieroo a Teriierooiterai (1875- 1952) est aussi un brillant orateur, qui parle pour et au nom des Tahitiens. Nommé au sein de la Chambre de l’agriculture en 1912, siégeant à l’Assemblée des délégations économiques et financières, il a contribué à améliorer de nombreux secteurs, dont l’agriculture de plantation et la construction.
Un chef coutumier compagnon de la Libération
Ses discours fédérateurs en font l’une des figures auxquelles se rallient les Tahitiens. Régulièrement reçu par le gouverneur avec d’autres notables tahitiens, il rejoint le groupe de Mamao qui oeuvre pour la France libre face aux pétainistes du comité français d’Océanie. Grâce à son influence sur les milieux indigènes de Tahiti, de nombreux Tahitiens s’enrôlent pour aller combattre en Europe dans les Forces françaises libres.
Pour ses services rendus à la France, il est fait compagnon de la Libération par le général de Gaulle, le 28 mai 1943, aux côtés d’autres figures tahitiennes marquantes.