Tempête Darragh : la Marine au secours d’un pétrolier
Publié le 13/12/2024
Dans la nuit du 7 au 8 décembre derniers, le navire remorqueur l’Abeille Bourbon, un hélicoptère de la Marine nationale et une équipe d’évaluation et d’intervention de Brest ont porté assistance au pétrolier Larus qui dérivait dangereusement vers les côtes, alors que faisait rage la tempête Darragh dans la baie de Saint-Brieuc.
« Je voyais la furie en bas, 50 nœuds de vent en rafale et les paquets de mer, c’était très impressionnant », raconte le premier maître (PM) Gaétan à propos de l’hélitreuillage qui lui a permis de porter assistance au pétrolier Larus.
Un hélicoptère envoyé en renfort
Quelques heures plus tôt, à Lanvéoc, il est 19h, quand le capitaine de frégate (CF) Frédéric, chef du détachement de secours, protection et intervention (SPI) de la flottille 32F reçoit un coup de téléphone. Un bâtiment de commerce ne tient plus son mouillage en baie de Saint-Brieuc, son ancre « chasse ». Suite à une avarie moteur, le navire est au mouillage depuis un mois, dans l’attente d’un remorqueur polonais qui doit le ramener dans un port pour pouvoir le dépanner. Le navire tarde à arriver à cause des conditions météorologiques dégradées. Affrétés par la Marine nationale, le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage (RIAS) L’Abeille Bourbon, dont la mission est d’assister les navires en difficulté, est en route vers le pétrolier. L’équipe SPI de la 32F passe en alerte renforcée. La soirée passe sans nouvel appel, les marins vont se coucher. À Brest, le PM Gaétan, commandant en second sur le chaland releveur d’ancrages Telenn Mor, est d’astreinte ce soir-là. À 1 heure du matin, le téléphone sonne des deux côtés de la rade. Les conditions météorologiques ont empêché L’Abeille de passer la remorque, l’équipe d’évaluation et d’intervention (EEI) de Brest et le détachement de la 32F sont engagés.
« À 1h30, on a eu un briefing succinct, c’était dans l’urgence parce que le bateau chassait. On est monté dans l’hélicoptère à 2 heures du matin, on a eu 32 minutes de transit jusqu’à la zone de travail », explique le PM Gaétan. « Le vent soufflait à 100/110 kilomètres/heure, il y avait une bonne mer 6. Il faisait nuit noire, on était équipés de jumelles à vision nocturne. On a récupéré le commandant en second de L’Abeille Bourbon, qui faisait partie de l’équipe EEI. On s’est ensuite dirigé vers le bâtiment qui était en difficulté, où on a déposé par treuillage les trois équipiers ainsi que leur matériel », complète le CF Frédéric qui pilotait l’hélicoptère au moment de l’opération.
Trois hommes hélitreuillés
Habitué à faire du remorquage de haute mer, le PM Gaétan connaît la mauvaise mer mais c’est la première fois qu’il est hélitreuillé « Quand on est au bout du filin, c’est impressionnant mais l’équipage de l’hélicoptère était très professionnel. Le pilote était super calme ça nous a rassuré pendant le vol, quand il parlait on voyait la furie dehors, mais il gardait un ton posé. »
Le pilote d’hélicoptère explique : « Il y avait beaucoup de vent, des turbulences et le bateau bougeait énormément. On ne s’entraîne pas avec des conditions comme ça, car nos normes ne nous le permettent pas. C’est plus compliqué et technique pour nous, mais notre entraînement nous permet d’y aller sereinement. » De retour à la base d’aéronautique navale de Lanvéoc, l’équipage du H160 restera d’alerte toute la nuit, prêt à repartir pour une nouvelle opération.
Arrivée à bord, le travail de l’équipe EEI commence. Pas le temps de faire un briefing en passerelle, l’urgence est de passer la remorque pour qu’enfin le pétrolier arrête de dériver. Les marins s’activent sur la plage avant, mal configurée. La remorque pèse une tonne, le vent et la mer secouent la plateforme du bateau et compliquent la tâche des équipiers. Finalement à 5h30, après plusieurs heures de travail, la remorque est capelée et assurée. L’attelage débute son transit vers Brest.
Les trois marins sont reçus au carré par l’équipage géorgien du Larus qui leur offre du café et leur propose à manger. La pression redescend et malgré la barrière de la langue, un lien se tisse entre les deux équipages. Installé dans sa cabine, le PM Gaétan ne trouve pas le sommeil, dehors la tempête fait rage. Il se remémore : « Le bateau bougeait tellement, on marchait sur les murs, on a pris 45 degrés de gîte. Avec le second on pensait qu’on allait évacuer le bateau tellement il partait en vrac. » Ils se relaient pour aller « rafraîchir » la remorque, c’est-à-dire graisser l’acier pour éviter le frottement avec le chaumard et une rupture de la remorque. Le PM Gaétan explique : « On n’a pas pu le faire souvent car il y avait trop de mer, c’était dangereux, on risquait de partir à l’eau. »
À l’approche de Brest, les marins préparent le largage pour pouvoir « choquer » la remorque afin que l’Abeille la reprenne. Le vent souffle fort mais la mer s’est calmée. L’opération est rapide, le Larus mouille 5 maillons, l’équipe EEI largue la remorque avant de rentrer au port.
Le PM Gaétan confie « en garder un super souvenir, parce que la pression est redescendue. C’était une belle aventure humaine, dangereuse mais maîtrisée. Les gars de l’hélicoptère, l’Abeille, tout le monde a été super professionnel. »