Service national d’hydrographie et d’océanographie : mission connaissance des fonds-marins

Publié le 01/12/2023

Auteur : La Rédaction

Créé en 1720 pour assurer la sécurité des marins, le Shom est l’organisme de référence dans l’étude et la production de données physiques marines. De Brest à Tahiti, les équipes hydro-océanographiques parcourent les océans pour collecter des données qui serviront in fine les forces armées, les navigateurs et les acteurs de l’économie bleue.

Parcourant les mers, le bâtiment hydro-océanographique (BHO) Beautemps-Beaupré effectue des levés afin de récolter plusieurs types de données océaniques. À l’aide d’un sondeur multifaisceaux, le bateau balaye le fond de l’océan en émettant un signal acoustique. Lorsque l’onde rencontre un obstacle, elle est renvoyée vers la surface - ce qui permet de calculer à quelle profondeur se situe le fond de l’océan. Bathymétrie, salinité, température de l’eau ou encore oxygène dissout, de nombreux paramètres sont scrutés pour mieux comprendre les phénomènes océaniques. À bord, des officiers, ingénieurs hydrographes et des officiers-mariniers de spécialité hydrographe, travaillent à la collecte et au traitement de ces données. Elles seront ensuite utilisées pour créer et mettre à jour des cartes marines, des instructions nautiques, mais également des modèles de courant, de vagues, etc. destinés à alimenter les prévisions météo-océaniques.

Ces produits permettent de « garantir la liberté d’action des forces armées et d’assurer la sécurité de la navigation dans les espaces maritimes sous juridiction française », explique Pierre-Yves Dupuy, directeur des missions institutionnelles et des relations internationales du Shom. Plus de 550 personnes contribuent à cette mission générale de connaissance de l’océan. Par ailleurs, l’organisme collabore étroitement avec les acteurs de l’économie bleue, dont le Ministère de la transition énergétique. Il réalise notamment des travaux de reconnaissance environnementale dans les zones pressenties pour accueillir des parcs éoliens en mer ou des levés topo-bathymétriques par avion sur les zones littorales.

Un environnement de travail en constante évolution

En plus du BHO, pour récupérer ces précieuses informations, la Marine met à disposition du Shom des bâtiments hydrographiques (BH) : Borda, Laplace et Lapérouse. S’ajoutent à cet équipement, le Louis Hénin, un baliseur du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, et le Pourquoi pas ?, un navire de la flotte océanographique française opérée par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer). Le Shom a accès ainsi à des matériels scientifiques complémentaires, que l’institut utilise dans ses missions de recherche pour la compréhension et la protection des océans et des écosystèmes marins. Constituée de plusieurs navires allant de la vedette côtière au navire hauturier, la flotte océanique française met en œuvre des drones allant jusqu’à 6 000 mètres de profondeur, idéal pour les recherches menées dans les abysses. Une zone de recherche immense en constante évolution en raison des changements climatiques et dont la compréhension doit être encore améliorée. « Nous connaissons mieux la surface de la lune que les fonds océaniques », précise Pierre-Yves Dupuy.

Plusieurs campagnes hydro-océanographiques sont conduites chaque année. Si la tâche est immense, certaines zones nécessitent en outre d’être régulièrement hydrographiées – c’est notamment le cas des dunes du détroit du Pas-de-Calais qui se déplacent et constituent un danger pour la navigation. Le changement climatique augmente la nécessité de revisite des zones. Cette année, en plus du Pas-de-Calais, la mer d’Iroise, la mer Celtique, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte, mais aussi la Mauritanie, la Côte d’Ivoire et Madagascar ont fait l’objet de levés destinés à garantir la sécurité de tous les navires pendant leurs déplacements. Toutefois, l’hydrographie et la sécurité de la navigation ne sont pas les uniques motifs de campagne pour le Shom. Suite au lancement d’un satellite destiné à récolter des données océanographiques, une équipe scientifique s’est rendue sous sa trace en Méditerranée occidentale afin de vérifier que les mesures faites depuis l’espace étaient conformes à celles réalisées en mer. En plus des capteurs embarqués, le Shom s’appuie sur un réseau d’une cinquantaine de marégraphes pour la mesure des hauteurs d’eau et le calcul des marées. Les données de ces marégraphes alimentent de nombreux travaux dont ceux du GIEC ou encore les alertes tsunami du CENALT (Centre national d'alerte aux tsunamis).

L’importance d’une donnée de bonne qualité

De la maîtrise de l’environnement découle la supériorité opérationnelle. Et pour en assurer la maîtrise, le préalable est de connaître cet environnement sur le plan physique afin d’en prévoir les évolutions. 98% des données numériques transitent par les fonds marins. Le développement exponentiel des flux couplé à l’essor de nouvelles technologies (dont l’IA) encourage l’installation de nouveaux câbles. On en dénombre 450 à ce jour, soit 1,3 millions de kilomètres (33 fois le tour de la Terre), posés sur les fonds marins. D’où l’importance de connaître ce milieu pour faire face aux menaces asymétriques et protéger ces structures et les ressources présentes. Les produits d’environnement et les prévisions fournis par le Shom contribuent aux opérations navales dans toutes les zones d’intérêt de la défense.

Les données produites sont réputées pour être particulièrement qualitatives. Elles sont vérifiées, recalculées par différents moyens et qualifiées. Les produits et services du Shom sont la référence pour la description de l’environnement physique marin. « Aujourd'hui, ces données sont plus précieuses que jamais car ce sont les fondations d’une prise de décision éclairée par les états-majors. »

Le programme capacité hydrographique et océanographique du futur

L’objectif de ce programme d’armement est de renouveler les capacités hydrographiques et océanographiques du Shom, avec en perspective le retrait du service actif des bâtiments hydrographiques de seconde classe : Lapérouse, Laplace et Borda. Ainsi, deux BH de nouvelle génération à doubles équipages sont attendus, et des drones (sous-marins, aérien et de surface) envisagés. Depuis 2021, de nombreuses expérimentations ont été réalisées avec les systèmes de drones de surface DRIX, les AUV (Autonomous Underwater Vehicle) HUGHIN, ULYX qui ont plongé jusqu’à 6 000 mètres de profondeur ou encore l’UAV (véhicule aérien sans humain à bord) S-100.

CHOF vise à améliorer la précision et la qualité des données transmises qui permettront de connaître l’espace maritime pour mieux le maîtriser encore. « Nous avons un vrai besoin de maîtrise de l’environnement des fonds marins, sur toute la gamme de profondeur qu’on peut trouver : des petits fonds pour l’amphibie jusqu’aux grands fonds pour la navigation sous-marine », assure l’ingénieur en chef Denis, chargé de mission pour le CHOF.

Lancé en 2019, ce programme cherche également à réduire le temps de mise à disposition de l’information acquise sur le terrain vers l’utilisateur en accélérant le traitement de la donnée. Aujourd’hui, pour faire les levées nécessaires à la production de cartes par exemple et détenir la connaissance du milieu, les chercheurs ont besoin de 40 ans. L’objectif est de réduire ce temps de moitié.