Se former, se dépasser : le centre d’entraînement aux techniques d’incendie et de survie (CETIS)
Publié le 05/11/2024
Au nord de la cité phocéenne, un site de 4 000 mètres carrés est entièrement dédié à l’entraînement. Un lieu unique où marins-pompiers de Marseille mais aussi sapeurs-pompiers des service départementaux d’incendie et de secours (SDIS) littoraux, s’aguerrissent à la lutte contre les feux et aux techniques de survie en milieu extrême, dans des simulateurs plus vrais que nature.

Une carcasse de voiture se fait âprement mordre par des flammes jaune orangé de deux mètres – au bas mot – qui dégagent une fumée âcre. Derrière, résonnent les fenêtres béantes de l’immeuble voisin des voix, fortes et ordonnées et non des cris. La scène est déroutante par le calme qui règne alentour, car pas l’ombre d’un attroupement ni de sirène hurlante alertant sur le sinistre. Le film, surréaliste, se poursuit une rue plus loin : la passerelle d’un navire, sans coque, surgit face à l’horizon ; seule la partie au-dessus du pont est visible. Quatre hommes vêtus de combinaisons rouges et d’appareils respiratoires empruntent l’escalier qui mène à terre, en soutenant par les jambes et sous les aisselles un corps inanimé. La mer, qui manquait justement au décor, scintille au loin. Au bout d’un embarcadère où traîne un radeau de survie, une grue suspend non pas son vol, mais un lifeboat entièrement étanche, prêt à sauver des vies. Studios de cinéma ?
Perdu. Nous sommes au CETIS, le centre d’entraînement aux techniques d’incendie et de survie de Marseille. Si les bâtiments sont des simulateurs, leur reconstitution est quasi identique à la réalité. Le navire dispose d’un espace sous la ligne, imaginaire, de flottaison, avec compartiment moteur, cargaison et échappées. Un des appartements témoins de l’immeuble de quatre étages (160 m²) se visite : une chambre, un salon et une cuisine. Le seul détail qui perturbe est la couleur des murs, pisseuse enduite de suie, car le feu, lui, est bien réel. Surveillé en permanence lors des exercices grâce à des capteurs de sécurité, il est aussi totalement maîtrisé depuis un poste de contrôle. Face à ses écrans, le premier maître Geoffrey, responsable sécurité, relève les températures qui peuvent avoisiner les 300°C. En cas d’accident, il dispose d’un stop-flamme et peut lancer une procédure d’urgence avec extraction des fumées et arrêt du gaz. « La fumée noire que vous voyez s’échapper des pièces n’est pas toxique, nous rassure le chef du CETIS, le lieutenant de vaisseau Lucas. Elle a été recréée par le biais de générateurs de fumée synthétique non polluante, les eaux d’extinctions sont recyclées et traitées. »
« Ce matin, nous avons reçu des pompiers pour un stage IBNB (intervention à bord des navires et des bateaux) de niveau 1 pour une formation d’équipier, explique le chef du CETIS, en pointant du doigt le simulateur de navire en béton, armé d’énormes cheminées en acier. Nous avons simulé une intervention à bord d’un navire, en imaginant qu’un pompier a fait un malaise et a besoin d’assistance. » Les conditions de la mission sont tangibles : « La chaleur est intense et le cheminement pour retrouver la personne en détresse complexe. » En témoignent les visages rougis aux traits tirés et perlés de sueur qui apparaissent derrière les masques de protection. Ce sont des exercices très physiques qui nécessitent une bonne forme, et surtout, des techniques particulières pour prendre en charge le blessé. « Car, rappelle l’officier, la priorité pour un pompier, outre la lutte contre un incendie, est d’intervenir en toute sécurité et de se protéger. »
Trois questions au lieutenant de vaisseau (LV) Lucas, chef de centre du CETIS
Cols bleus : Qui le CETIS accueille-t-il ?
LV Lucas : Le centre entraîne d’abord les marins-pompiers de Marseille et les sapeurs-pompiers des service départementaux d’incendie et de secours (SDIS) littoraux. Il procure également des formations à des clients privés tels que des compagnies de transport maritime, conteneurs et croisiéristes vers le Maghreb et la Corse (friandes d’offrir à leurs agents des formations « survie en mer », et « incendie à bord des navires ») et enfin, à des élèves officiers de l’École de la marine marchande.
C. B. : Quels sont les domaines de formation que vous dispensez ?
LV L. : Nous prodiguons des formations dans trois grands domaines : celui de l’incendie urbain (feux de voiture, industriels, électriques, gaz, cave…), maritime (feux de navires IBNB de niveau 1, 2 et 3, chef d’équipe, d’agrès et de groupe) et de survie en mer (module crash d’hélicoptère en bassin). Le CETIS permet le maintien des acquis du personnel opérationnel tout au long de l’année et propose également des formations aux institutions extérieures et aux entreprises privées notamment du secteur maritime (compagnies commerciales, secteur de l’industrie off-shore). Ces formations s’adaptent aux besoins des sociétés souhaitant créer leur propre contenu.
C. B. : Quelle est la formation la plus difficile ?
LV L. : Le crash hélicoptère est la plus appréhendée. On doit être capable de se détacher et de s’extraire avec une perte totale de repères. Mais la formation la plus intense physiquement est l’IBNB 1 qui dure une semaine en général et s’adresse à des jeunes, entre 18 et 24 ans, et des sapeurs entre 22 et 30 ans.