Se former au nucléaire, un savoir-faire inégalé
Publié le 10/07/2025
Depuis 1956, l’École des applications militaires de l’énergie atomique (EAMEA) forme chaque année des civils et des militaire dans le domaine du nucléaire. La formation exigeante et unique offre aux étudiants un savoir-faire reconnu à l’international.
« L’EAMEA est la porte d’entrée du nucléaire. Chaque personne qui exploitera une installation nucléaire doit y passer.» Le ton est donné par le commandant de l’école, le capitaine de vaisseau (CV) Yann Archinard. Créée pour répondre aux ambitions stratégiques de la France en matière de dissuasion, l’EAMEA forme l’ensemble du personnel intervenant sur des programmes nucléaires militaires. Matelot, amiral, infirmier, ingénieur civil et industriels, tous passent par cette école. En moyenne, 1 200 stagiaires de niveau bac +2 à bac +6 sont formés dans l’une des 50 spécialités, de la propulsion à l’armement en passant par la maîtrise des risques nucléaires : « Vous devez être spécialiste de la physique nucléaire, de la neutronique, mais aussi comprendre comment fonctionne la machine, pourquoi elle est ainsi conçue pour en assurer la maintenance et la sûreté », souligne le CV Archinard. L’EAMEA est la seule école à délivrer une formation dans les trois domaines en un même lieu. Après la formation théorique, les élèves s’entraînent sur simulateur et font leurs premières armes dans la conduite d’un réacteur.
Une école proche des industriels et exploitants nucléaires à Cherbourg
Diplômé de l’école des Mines de Saint-Étienne en « Génie des installations nucléaires » et après avoir passé quelques années dans l’industrie civile, l’enseigne de vaisseau de première classe Jean décide de rejoindre la Marine en 2021. « J’avais eu des échos positifs de l’école. Le personnel qui en sort est reconnu pour avoir une haute expérience et connaissance du domaine », explique-t-il. Le défi technique, le parcours engageant et son inclination pour la science de l’atome l’ont attiré dans cette voie. De spécialité énergie (ENERG), il poursuit depuis bientôt deux ans le cours d’ingénieur de quart dans le but d’accéder aux fonctions de chef de secteur à bord du porte-avions Charles de Gaulle.
Élève en deuxième année de BTS maintenance et production du nucléaire, Valentine, quant à elle, explique : « je souhaitais poursuivre mes études et entrer dans la Marine. Le BTS en partenariat avec la Marine alliait les deux puisqu'on est sous statut militaire dès la première année ». Une fois sa formation validée, elle pourra signer un nouveau contrat d’engagement de huit ans – dans les forces sous-marines – puis être admise rapidement au brevet supérieur, espère-t-elle.
Toujours dans un souci de proximité avec les acteurs historiques de la propulsion nucléaire, qu’ils soient étatiques (le Commissariat à l’énergie atomique) ou industriels (TechnicAtome), l'EAMEA dispose aussi d’une antenne à Cadarache dans le Sud de la France. Les stagiaires y réalisent une partie de leur formation pratique.
Paroles de marins
Maître principal Tristan, maître adjoint chaufferie avant sur le porte-avions Charles de Gaulle
«En huit ans sur le Charles, j’ai occupé plusieurs postes : opérateur réacteur puis rondier atomicien chaufferie. Je vérifiais le bon fonctionnement des installations dans la zone de sécurité nucléaire et supervisais la conduite de mon opérateur. Électrotechnicien de spécialité, je me suis spécialisé comme instrumentiste chaufferie. Je devais m’assurer que les différents capteurs qui entourent le réacteur ainsi que les systèmes automatisés fonctionnent correctement afin d'être en mesure d'effectuer un arrêt d'urgence.
Supervision et planification des travaux de maintenance des chaufferies dans leur ensemble et formation des équipes sont actuellement mes principales fonctions. Dernièrement, nous avons réalisé plusieurs décharges de vapeur pour vérifier que nous avions les débits nécessaires pour refroidir le réacteur en urgence. Le porteur doit être disponible à 100 % pour les différents systèmes nécessitant de la vapeur, comme la propulsion ou les catapultes. »
Lieutenant de vaisseau Juliette, chef du service propulsion sur SNLE
«Un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) est comparable à un village d'une centaine de personnes qui doivent se déplacer discrètement sous l'eau et être à la fois capable d'envoyer des missiles stratégiques dans l'espace. En tant que chef de service propulsion, je suis responsable de la mise en œuvre de la machine, de sa conduite, de son maintien en condition et des marins qui s’en occupent. La responsabilité de la propulsion commence dès le collecteur de sortie de la vapeur secondaire issue du compartiment réacteur. Cette vapeur motrice d’origine nucléaire est utilisée pour la propulsion normale et pour notre autonomie électrique. Le reste de la machine est dédié à notre manœuvrabilité et à la production d’eau. Je suis également ingénieur de quart. Je conduis la machine, le réacteur nucléaire, et l’usine électrique à la mer, appuyée par deux opérateurs spécialistes et deux rondiers, atomiciens également. C’est un milieu complet et polyvalent, qui sollicite des connaissances globales en physique et en sciences industrielles.»
Médecin principal Sébastien, médecin à bord d’un SNLE
«Je suis dans la Marine depuis septembre 2022. Durant l’internat de médecine générale, nous effectuons des stages et ayant en tête de faire médecin de Marine, j’ai choisi le service médical de l’ESNA à Toulon. J’ai été alors encadré par trois médecins exceptionnels qui restent encore des exemples pour moi. Leur formation, leurs compétences, le contexte des missions, tout m’attirait. Les infirmiers que j’ai pu rencontrer, qui sont en autonomie sur SNA, parlaient aussi avec enthousiasme de leur métier. Ils m’ont vraiment tous donné envie de les rejoindre. A bord du sous-marin, nous sommes trois dans l’équipe médicale : un médecin, un infirmier anesthésiste et un infirmier responsable des mesures des doses radioactives (grâce au dosimètre). Dans un premier temps, nous devons nous assurer que tout le monde est apte à évoluer dans un milieu très isolé avec des risques multiples. A bord, notre mission est de prendre soin de l’équipage (chirurgie, soins dentaires, radiologie, examens biologiques et également prise en charge psychologique) dans la limite de nos moyens. Nous devons aussi surveiller l’atmosphère, la qualité de l’eau et conseiller le commandement sur ces
domaines. »