Organisation du traité de l’Atlantique nord : rôle et missions du commandement maritime interallié
Publié le 08/10/2024
L’activation des plans de défense de l’OTAN à la suite de l’attaque russe en Ukraine a conduit les armées françaises à une augmentation significative de leur contribution maritime aux opérations de l’OTAN pour renforcer sa posture de dissuasion et de défense.

Le 24 février 2022, l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie a été un électrochoc au sein de l’Europe. La réponse des Alliés a été immédiate avec l’activation le jour même des plans de défense de l’OTAN conférant au commandant suprême allié en Europe (SACEUR) l’autorité nécessaire au déploiement des éléments d’alerte de sa force de réaction. Pour la première fois, les forces navales permanentes ont été activées pour constituer la force opérationnelle maritime à haut niveau de préparation. L’OTAN a montré, au travers de ses activités navales, sa détermination et sa crédibilité à protéger les populations de ses pays membres, soit près d’un milliard de citoyens. Dans ce but l’Alliance a intensifié ses activités militaires dans toutes ses zones géographiques (présence accrue de porte-avions et de sous-marins classiques et nucléaires alliés en mer de Norvège, en Adriatique et en Méditerranée) ainsi que dans tous les milieux (cyber, espace, informationnel) et dans tous les domaines fonctionnels. Amarré à Northwood, au Royaume-Uni, le commandement maritime interallié de l’OTAN (MARCOM) est l’état-major responsable de la planification et de la conduite des opérations maritimes de l’Alliance. MARCOM est commandé par le Vice admiral britannique Mike Utley, secondé par le vice-amiral d’escadre Didier Maleterre.
Relevant directement du Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (en anglais SHAPE), le commandement maritime interallié conduit les opérations maritimes de l’Alliance. Sa zone de responsabilité comprend cinq théâtres maritimes, que sont l’Arctique, l’Atlantique Nord, la mer Baltique, la Méditerranée et la mer Noire.

Par délégation du SACEUR, MARCOM assure le contrôle opérationnel des forces navales permanentes de l’OTAN (SNF), des avions de patrouille maritime et des sous-marins dont le commandement est confié à l’OTAN. Les SNF sont composées par les navires des pays alliés et organisées en deux groupes de frégates (SNMG) et deux groupes de bâtiments de guerre des mines (SNMCMG). MARCOM a aussi la responsabilité de coordonner l’activité opérationnelle des 27 marines, soit de l’ordre de 100 navires en moyenne chaque jour, sur l’ensemble des 5 théâtres.
Trois structures intégrées à son état-major lui permettent d’exercer ses responsabilités de commandement. Le COMSURFNATO coordonne l’activité aéromaritime de théâtre et commande les forces navales permanentes (SNF) ; le COMSUBNATO est chargé de la gestion de la navigation sous-marine (NAVSOUM) et du contrôle opérationnel des sous-marins alliés confiés à l’OTAN ; le COMMARAIR supervise la coordination de l’activité aérienne avec AIRCOM et assure le contrôle opérationnel des avions de patrouille maritime confiés à l’OTAN.

Dans le sillage du vice-amiral d’escadre Didier Maleterre, commandant adjoint du commandement stratégique maritime de l’OTAN

Cols bleus : Comment MARCOM se coordonne avec les marines alliées ?
Vice-amiral d’escadre Didier Maleterre : Au cours du Sommet de Washington en juillet 2024, les chefs d’état ont validé le nouveau modèle de commandement (le C2) de l’OTAN. Dans ce nouveau modèle, MARCOM assure trois fonctions majeures dès le temps de paix : Maritime Theater Component Commander (MTCC) – conseiller maritime principal de SACEUR ; Combined Force Maritime Component Commander (CFMCC) – commandement et/ ou coordination des forces aéromaritimes participant aux missions de l’OTAN ; Maritime Component Commander (MCC) – commandant de composante maritime dès l’activation des plans de défense, au profit des 3 JFC (JFCNF, JFCNP et JFCBS) qui se répartissent la couverture géographique de la zone sous responsabilité de SACEUR. En outre, les nations arment à tour de rôle les fonctions de CTF (Commander Task force), sous l’autorité de MARCOM, pour renforcer la structure du C2 Maritime au niveau tactique et apporter une expertise régionale. Pour la première fois de leur histoire, le commandant en chef pour la Méditerranée en 2025 et le commandant en chef pour l’Atlantique en 2027, assumeront en temps de crise le commandement tactique des forces maritimes mises à la disposition de l’OTAN en soutien du MARCOM.
Cols bleus : Quelle est la contribution de la Marine au sein des forces navales de l’OTAN ?
VAE D. M. : La Marine nationale a toujours contribué aux forces navales de l’OTAN dans chacune des composantes. Encore davantage depuis février 2022, MARCOM bénéficie d’une grande flexibilité opérationnelle lui autorisant de manœuvrer ses Task Groups (forces navales constituées par plusieurs unités marines alliées) face aux forces maritimes russes. Les directives du chef d’état-major des armées, conseillé par le chef d’état-major de la Marine, se sont traduites par une augmentation significative de la contribution française aux missions opérationnelles de l’OTAN : frégates, chasseurs de mines et ATL2 passent régulièrement sous la bannière de l’Alliance pour des missions spécifiques de surveillance maritime et ASM. Quant aux sous-marins nucléaires d’attaque, ils sont régulièrement placés en soutien des missions opérationnelles de l’OTAN en Méditerranée et contribuent à l’établissement de la situation navale. Par ailleurs, nos sous-marins d’attaque peuvent être placés sous contrôle opérationnel de l’OTAN lorsqu’ils sont intégrés au groupe aéronaval. Les forces navales placées sous le contrôle opérationnel de l’OTAN offrent ainsi à l’Alliance une capacité maritime crédible et agile. Elles constituent une force multinationale de dissuasion capable de réagir rapidement dans la gestion de crise, de contribuer à la coopération en matière de sécurité avec les partenaires, et de participer à la sûreté maritime.
C. B. : Quel est votre éclairage sur la mutation de la conflictualité dans le domaine maritime ?
VAE D. M. : L’emploi désinhibé d’un spectre large d’armement, allant des drones armés aux missiles balistiques en passant par des batteries côtières de missiles antinavires, et la montée en puissance de l’hybridité (menace cyber, attaque physique des flux d’informations, énergétiques et économiques) ont contribué depuis 2022 à la déstabilisation de la sécurité globale en mer. Ainsi, depuis fin 2023, 60 % du trafic de la mer Rouge passe désormais par le cap de Bonne Espérance : c’est une évolution structurelle majeure du commerce maritime mondial. Nous suivons également la montée en puissance des armements drones et des potentielles menaces hybrides vis à vis des infrastructures de surface, mais aussi sous- marines. MARCOM héberge ainsi depuis fin mai un centre de coordination entre les Alliés pour la sécurité des infrastructures sous-marines, correspondant privilégié du coordinateur central pour la maîtrise des fonds marins de l’EMM. La coordination pour la sécurité des infrastructures critiques sous-marines est capitale et tout aussi essentielle que la liberté de navigation sur les axes maritimes clés.