Sous-marins nucléaire d’attaque : le maintien en condition opérationnelle « lourd »

Publié le 18/06/2025

Auteur : Nathalie Six

6 000 tonnes, 1 million de composants, 8 millions d’heures de production par sous-marin nucléaire d'attaque (SNA). Des chiffres qui donnent le tournis et qui nécessitent un programme lourd de maintien en condition opérationnelle (MCO) des SNA de type Suffren.

Le SNA reste un des systèmes les plus complexes créé par l’Homme. En plongée, propulsé par une chaufferie nucléaire dans un espace confiné, le sous-marin se déplace et remplit des missions opérationnelles en toute discrétion et autonomie. L’erreur n’est pas permise. Pas moins de trois ingénieurs responsables du bâtiment (deux officiers de Marine et un ingénieur de l’armement) veillent sur le programme MCO des SNA de type Suffren : « Nous préparons, exécutons et réceptionnons les arrêts techniques des sous-marins nucléaires », explique l’un des trois responsables de cette activité, le capitaine de corvette (CC) Arnaud.

Interlocuteur privilégié du commandant du sous-marin et du commandant adjoint navire, il coordonne les différentes maîtrises d’œuvre afin de réaliser l’arrêt technique, gère les besoins logistiques, y compris lorsque les sous-marins sont en opération et établit le Plan de maintenance majeur et intermédiaire (PMMI). L’objectif principal est de maîtriser en permanence le fameux triptyque « coûts/délais/qualités ». Le contrat SNA 25 s’élève à un peu moins d’un milliard d’euros sur quatre ans. Un exercice de haute voltige où le moindre écart est exclu dès lors que l’argent du contribuable français est engagé. « Le marché SNA faisant exemption au marché de la commande publique, le concepteur du SNA (Naval Group) est le seul titulaire du contrat de MCO. Par ailleurs, étant la seule entreprise à détenir le savoir industriel de conception en France, Naval Group reste notre partenaire privilégié. » Cependant, si l’industriel réalise le MCO, la Marine reste seule responsable du suivi de sa bonne exécution.

Chi va piano va sano e lontano *. Ce proverbe italien trouve une illustration parfaite avec la flotte, qui, pour augmenter la durée de vie de ses bâtiments de combats, s’appuie sur des pauses régulières entre deux phases de missions opérationnelles. L’arrêt technique a deux objectifs : réinjecter du potentiel à l’unité, selon une cadence prévue à l’avance, et améliorer, modifier ou réparer les systèmes embarqués à la suite d’une avarie inopinée. Afin de réguler les passages au bassin, sans mettre en souffrance les capacités organisationnelles des industriels, une planification à long terme (Plan de maintenance majeur et intermédiaire, PMMI) est définie. Pour un sous-marin d’attaque (SNA) de type Rubis, on compte deux arrêts techniques de cinq semaines par an ; pour les SNA de type Suffren, un arrêt technique par an d’une durée de dix semaines. Cela représente 36 arrêts techniques et trois arrêts techniques majeurs d’un an et demi tous les dix ans. Le cadre est fixé par le plan de maintenance élaboré avec l’industriel Naval Group et son sous-traitant Technicatome pour la chaufferie nucléaire. Dans quelques années, avec cinq Suffren en cycle opérationnel, il faudra agencer 50 semaines d’arrêt technique sur une année… qui n’en compte que 52, avec seulement deux bassins à Toulon (zone de Missiessy) et un troisième à venir en 2030. Un formidable jeu de Tetris à grande échelle.

*Qui va doucement, va sainement et loin.

PAROLE D'INDUSTRIEL

Hugues Martin, directeur des réacteurs de défense de TechnicAtome

Entretien des chaufferies nucléaires

"En qualité de concepteur, TechnicAtome a d’abord un rôle d’expertise. Nous instruisons les événements techniques, tenons à jour la documentation et veillons au bon vieillissement des installations. À ce titre, nous conseillons la Marine dans les dispositions à prendre en cas d’avarie ou de difficultés d’exploitation. Notre expertise nous amène à réaliser des interventions à bord, même si ce n’est pas systématique, d’autres acteurs dont les marins eux-mêmes réalisant la majeure partie des opérations courantes d’entretien. À la mer, les marins doivent pouvoir réaliser les opérations de maintenance de premier niveau en totale autonomie, ce qui suppose des dispositions particulières d’architecture (moyens de diagnostic embarqués, redondances fonctionnelles…). Quand le SNA revient à quai, c’est l’effervescence. Les équipes industrielles et l'équipage réalisent les tests périodiques dans des créneaux restreints d’immobilisation au port. Tous les dix ans, lors des arrêts techniques majeurs, les cœurs nucléaires des sous-marins sont déchargés pour permettre une inspection poussée de la chaufferie (contrôle de la santé des soudures, dépose des équipements principaux pour remise à niveau, et traitement d’obsolescences par exemple). Il faut disposer autour du réacteur tous les moyens industriels (ateliers d’intervention, moyens d’accès, moyens de levage…) et tous les outillages nécessaires aux interventions. Pour décharger le cœur nucléaire, un niveau d’eau est reconstitué à bord pour protéger les opérateurs et permettre les manutentions du combustible, ce qui nécessite plusieurs centaines d’outillages spécifiques que le sous-marin n’emporte évidemment pas en mission. »