Léa G., photographe

Publié le 15/04/2025

Auteur : Nathalie Six

Cette experte énergie au ministère des Armées est aussi photographe indépendante. Elle a embarqué plusieurs jours sur le porte-avions durant la mission Clemenceau.

Spécialiste des enjeux globaux, de l’industrie de défense et de l’évolution de la conflictualité au sein de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), Léa travaille à l’intersection de l'art et des sciences sociales. En parallèle de son travail au ministère des Armées, elle utilise la photographie argentique pour poser son regard au quotidien lors de nombreux voyages et rencontres. En 2020, elle a ainsi travaillé sur une série photographique avec des athlètes de haut niveau, tel que Enzo Lefort, dont le sujet était « Le corps en tant qu'instrument de travail ». Ses photos ont été exposées avec Analog Sport à Paris. En 2022, Argentik Mag publie sa série photographique A Lifetime of Realness sur la gentrification à Harlem, et en 2023, Athletica Mag partage son travail avec Marie Patouillet, championne du monde et olympique de paracyclisme.

Cols bleus : Depuis combien de temps travaillez-vous à la direction générale des relations internationales (DGRIS) ?

Léa G. : Diplômée d’une licence en géographie et d’un master en géopolitique, je travaille à la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) depuis décembre 2019. Je suis cheffe de la section « Enjeux globaux, industrie de défense et évolution de la conflictualité » et responsable du portefeuille sécurité énergétique. J’assure l'analyse prospective et le suivi des enjeux énergétiques et de défense. Je travaille notamment sur la sécurité énergétique européenne et française, les rivalités de puissances pour le contrôle des ressources énergétiques, des flux et des filières industrielles, ainsi que sur la transition énergétique. Je pilote également l’Observatoire sécurité des flux et des matières énergétiques du ministère des Armées.

C B. : Pourquoi avez-vous embarqué sur le porte-avions Charles de Gaulle lors de la mission Clemenceau 25 ?

L. G. : J’ai eu l’opportunité d’embarquer sur le porte-avions en Méditerranée dans le cadre de mes missions à la DGRIS, en tant que spécialiste des questions énergétiques. Cette expérience s’est révélée particulièrement enrichissante, notamment pour approfondir ma compréhension du fonctionnement du groupe aéronaval (GAN) dans ses dimensions opérationnelles, techniques et stratégiques, ainsi que de ses interactions avec nos alliés (Italie, Grèce, États-Unis). Avec mon collègue Nicolas R.F., spécialiste des rivalités de puissance en Méditerranée orientale à la DGRIS, nous avons pu rencontrer les différents corps de métiers présents sur le porte-avions et mieux saisir les interactions entre les personnels de pont d’envol, les pilotes, les équipes de maintenance, de chaufferie, de propulsion et l’état-major. Nous avons également pu apporter notre expertise sur les enjeux énergétiques et stratégiques en Méditerranée à plusieurs reprises. Le besoin d’analyse sur la situation en Syrie, à la suite de la chute de Bachar-el-Assad le 8 décembre 2024, nous a conduits à réaliser une présentation à l’état-major du GAN sur les jeux d’acteurs en Syrie et les enjeux énergétiques entre l’Iran et la Turquie.

 

 

C. B. : Vous avez aussi été autorisée à réaliser des photos à bord dont certaines sont publiées dans le numéro d’avril du magazine Cols bleus (n°3125), dans la rubrique portfolio : poursuivez-vous votre activité de photographe en parallèle de vos analyses pour la DGRIS ?

L. G. : En parallèle de mon travail au ministère des Armées, j’exerce en tant que photographe freelance depuis plusieurs années. La photographie me permet d’appréhender et d’interpréter le monde sous un prisme différent. J’ai notamment documenté le phénomène de gentrification à Harlem, suivi des athlètes de haut niveau dans leur préparation olympique et réalisé des portraits pour des magazines, tels que Le Monde Mag et Le Nouvel Obs. Emmener mon appareil photo argentique lors de de cette mission m’a paru naturel et m’a permis de travailler sur un projet photographique liant les deux univers dans lesquels j’évolue. J’ai intitulé cette série de photos “Wave off” : ces deux mots résonnent comme un ordre pour dégager le pont d’envol. Je choisis de porter mon regard sur l’orchestre humain, qui avec une précision quasi-mécanique, rythme le ballet des avions. En pleine Méditerranée, j’ai capturé sur le pont d'envol, les « chiens jaunes » les hommes en « bleus », ceux en « vert ».. et d’autres personnels, lors de la mission Clemenceau 25.

Dans un environnement assourdissant, les quarts et les gestes s’enchaînent, les catapultages des Rafale se succèdent, du matin au soir, ajustant chaque mouvement aux conditions météorologiques changeantes. Je n’ai été là que 72 heures avec l’équipage, mais les 2 000 marins, eux, vivent ensemble à bord pendant plus de cinq mois. Ces photos témoignent de l’atmosphère unique et de l’intensité du quotidien à bord du Charles, avec un prisme très personnel.

Léa G., photographe