Narcotrafic, lutte en haute mer

Publié le 01/08/2023

Auteur : La Rédaction

Cannabis, cocaïne, héroïne, amphétamines, les trafiquants usent de toutes les stratégies pour faire transiter de la drogue des zones de production vers les réseaux de distribution. En Méditerranée ou aux Antilles, dans les océans Indien et Atlantique, ils recourent largement aux voies maritimes pour acheminer leur marchandise. Quels sont les moyens de lutte mis en place par la Marine ?

Les 445 kg de cocaïne saisis par l'équipage du Ventôse sont débarqués à Fort-de-France

Au coeur d'une opération NARCOPS

Le Ventôse  en action

La Marine engage ses moyens hauturiers dans la lutte contre les trafics de stupéfiants. Déployés depuis les ports de métropole ou d’outre-mer, eux seuls permettent les inter­ceptions en haute mer. Embarquez à bord de la frégate de surveillance (FS) Ventôse lors de l’intervention conduite le 10 février 2023 dans la mer des Caraïbes sur un caboteur grenadien.

Une embarcation suspecte ?

Tout part d’une information transmise par un service de renseignement français. Ce 9 février 2023, un navire suspecté de trafic de drogue vient de quitter l’île de Grenade. Il se dirige vers Saint-Martin. « Nous sommes d’autant plus attentifs car nous sommes là pour proté­ger nos territoires des flux illicites », souligne le capitaine de frégate Côme, chef de la division opération du centre opérationnel des forces françaises aux Antilles (Centops FAA) qui planifie et coordonne l’activité de l’ensemble des moyens de la Marine dans la zone. Dans le cadre de cette mission particulière d’action de l’État en mer (AEM) qu’est la lutte contre le trafic de stupéfiants par voie maritime, la Marine opère aux côtés de nombreux autres acteurs : Police, Gendarmerie, Douanes et Justice. Lorsqu’elle est déployée dans le cadre de l’opération Carib Royal, la FS Ventôse est le meilleur moyen pour intervenir, car elle béné­ficie d’une grande capacité à durer sur zone et dispose d’un détachement commando à bord. Pour cette opération, un Falcon 50 est égale­ment envoyé en renfort à Fort-de-France Il permet de relocaliser l’embarcation suspecte en toute discrétion : « La présence des moyens maritimes et aériens permet à la France d’in­tervenir sur l’ensemble des Antilles, aux côtés des alliés de la région », assure le commissaire de première classe Maxime, membre de la division AEM. L’embarcation suspecte, le voi­lier Minerva, est repéré au sud des îles Vierges américaines.

Dans le même temps, une réunion interser­vices regroupe les membres de la division AEM et du Centops des FAA, l’office antistupéfiants (OFAST) et les services de renseignements, afin de définir un mode opératoire et d’ini­tier les demandes nécessaires pour monter à bord du Minerva. L’opération est dirigée par le commandant de la zone maritime (CZM) en tant qu’adjoint du délégué du gouvernement pour l’action de l’État en mer (DDGAEM) de la zone maritime Antilles. L’embarcation bat­tant pavillon grenadien, la France peut selon l’article 17 de la convention des Nations unies contre les trafics illicites de 1988, communé­ment appelée convention de Vienne, demander l’autorisation à l’État du pavillon de prendre des mesures appropriées à l’égard de ce navire (monter à bord, le visiter ou encore initier une procédure judiciaire si un trafic illicite est découvert). « Nous participons à la lutte contre les trafics de stupéfiants pour limiter la dissé­mination de grandes quantités de drogues qui pourraient arriver chez nous (Ndlr : en Marti­nique) pour ensuite transiter vers l’Europe. C’est ce que nous appelons la “stratégie du bouclier” » explique le membre de la division AEM.

Le voilier Minerva est repéré de nuit
Le voilier Minerva est repéré de nuit
Définir la tactique d'intervention

Dès le lendemain, les autorisations sont obtenues avec l’abandon de la compétence juridictionnelle de l’État du pavillon : l’État de Grenade autorise la France à aborder l’embarcation et à mener les éventuelles poursuites judiciaires. En fin de journée, le capitaine de frégate Matthieu Ruf, comman­dant du Ventôse, reçoit l’ordre de localiser le navire Minerva. Ce caboteur à voile avance à une allure de 10 nœuds. L’objectif est de le sur­prendre pour éviter que ses membres d’équi­page ne jettent la drogue à la mer. C’est alors au tour de la frégate d’entrer en jeu : « Ces interventions nécessitent d’avoir une vision tactique sur place pour pouvoir prendre les rela­tive du commandant du navire », explique le commandant. Une fois l’idée de manœuvre tactique élaborée, puis validée par le Cen­tops FAA, le Falcon 50 est déployé pour relo­caliser le caboteur. Moins d’une heure après, les commandos, à bord de l’embarcation de transport rapide de commandos (Etraco) se dirigent depuis le Ventôse vers le navire sus­pect. Évoluant de nuit et par mer formée, ils sont guidés par l’hélicoptère Panther de la fré­gate. Le dispositif est prêt à intervenir. Le feu vert est donné par le CZM.

Durant toute l’intervention, le commandant du Ventôse reste en contact avec le Centops FAA pour rendre compte de tout imprévu : « Je dois fournir à l’autorité décisionnelle le plus d’informations possible. » Des comptes rendus de situation sont alors transmis en perma­nence par le commandant adjoint opérations. (COMOPS) qui assiste le commandant dans la conduite des opérations.

En quelques minutes, les commandos montent à bord de l’embarcation. L’effet de surprise est complet pour les quatre membres d’équipage du petit voilier Minerva, pourtant prêts à lar­guer leur cargaison grâce à un système de sacs lestés par du sable et des pierres, reliés par du bout (cordages) et disposés sur les passes du voilier. Une enquête de pavillon approfondie est effectuée par le chef de l’équipe de visite et le commissaire du Ventôse. Ce dernier procède ensuite à un contrôle de la documentation du bord (liste d’équipage, manifeste, etc.). Dix-neuf ballots sont trouvés sur les ponts exté­rieurs du navire. Ils contiennent de la poudre blanche. Ces derniers sont testés positifs à la cocaïne, l’infraction est donc constatée. On passe alors d’une phase administrative, où des moyens sont déployés suite à un renseigne­ment, à une phase pré-judiciaire, en attendant la remise aux autorités judiciaires à quai et le placement de l’équipage en garde à vue.

Des ballots de drogue découverts à bord
Retour à quai

La décision est prise de dérouter le Minerva vers Fort-de-France pour remettre le navire, la cargaison et les membres d’équipage aux autorités judiciaires françaises. Les condi­tions de mer se dégradant progressivement, le transfert s’effectuera le lendemain. Les quatre membres d’équipage ainsi que leur cargai­son rejoignent le Ventôse mais le Minerva, endommagé par une voie d’eau, chavire au sud-ouest de la Guadeloupe. Une fois à terre, les présumés narcotrafiquants sont remis au parquet de Fort-de-France et placés sous le régime de la garde à vue. Au total, 445 kilo­grammes de cocaïne ont été saisis par les marins du Ventôse.

Le Minerva est remorqué vers Fort-de-France mais une voie d'eau va provoquer son naufrage