Mission Jeanne d'Arc 2024 : journal de bord d’une jeune officier

Publié le 01/07/2024

Auteur : La rédaction

La mission Jeanne d’Arc, déploiement opérationnel de longue durée autour du monde, permet à la France d’assurer sa présence dans son domaine maritime ultramarin et dans des zones d’intérêt stratégique majeur. Elle offre aussi un cadre de formation concret, réaliste et de qualité aux officiers-élèves embarqués. Récit du dernier déploiement en date par une jeune officier embarquée à bord du Tonnerre. Deux mois d’aventure humaine et professionnelle.

19 février 2024 

J’embarque pour la première fois à bord d’un porte-hélicoptères amphibie où je m’apprête à servir en tant que conseiller communication du commandant du groupe Jeanne d’Arc 2024. Au programme : formation des officiers-élèves, opérations et coopération avec les marines partenaires (Brésil, Argentine, Chili, Pérou, Colombie et Etats-Unis).

6 mars 

Peu après notre escale au Cap-Vert, nous recevons l’information qu’un voilier suspecté de transporter de la drogue va croiser notre route. Toutes les communications sont coupées et l’équipage est sur le qui-vive. La réussite de la mission en dépend. Après plus de sept heures d’opération, le résultat s’affiche sous nos yeux: 895 kg de cocaïne saisis, qui, grâce à notre intervention, ne finiront pas sur les réseaux de distribution à terre. Malgré des conditions dégradées, je ne perds pas ma motivation car TF1 veut le sujet pour son prochain journal télévisé : une belle récompense !

9 mars

La traversée de l’Atlantique se poursuit et je découvre un peu plus chaque jour l’esprit d’équipage. Nous nous dirigeons à présent vers la Guyane, notre prochaine escale. Les officiers-élèves sont attendus pour effectuer une manœuvre tactique d’infanterie et d’aguerrissement (MTIA) sur plusieurs jours. La presse locale est invitée et je dois encore résoudre quelques détails techniques… rapidement car nous sommes censés arriver demain. à 22 heures, tout est chamboulé. Le commandant annonce à la diffusion générale : « à la suite de l’évolution de la situation en Haïti, le groupe Jeanne d’Arc est dérouté pour conduire une opération d’aide au départ volontaire des ressortissants français résidant sur ce territoire ». Un sentiment d’excitation mêlé à de l’appréhension me submerge. Il faut se reconfigurer intégralement.

27 mars 

Déjà trois jours que nous sommes en baie d’Haïti pour accueillir à bord des bâtiments du task group, les ressortissants français souhaitant quitter le territoire haïtien. Je parviens à envoyer des photos et des vidéos, ainsi que quelques brèves et compte-rendus, informations nécessaires pour témoigner de nos actions. Les nuits sont courtes pour tout l’équipage. 72 heures plus tard, la fin de l’opération est annoncée.

30 mars 

Nous revenons à quai en Martinique. Le rythme ne nous permet pas d’en être pleinement conscients, mais nous venons de prendre part à une opération unique qui donne sens à notre engagement militaire. Au moment du départ, nous souhaitons bon courage aux ressortissants dont certaines histoires m’ont touchée : comme ce couple devenu grands-parents dans la nuit ou cette dame âgée qui a décidé de quitter Haïti en voyant une de nos photos lors d’un reportage à la télévision, qui montrait le personnel médical présent à bord.

Sandra, une franco-haïtienne, m’a laissé un message particulièrement émouvant sur mon carnet de bord : « Il y a des circonstances dans la vie qui sont fortes, mais il y a des rencontres qui sont encore plus fortes car elles soulagent la tristesse des premières. Merci d’avoir été là, merci pour ton humanité ! ».

Lors de ces moments difficiles, j’ai vu la bienveillance de l’équipage. Quelques semaines après mon retour je réalise combien la détermination, l’empathie ou la résilience ont participées à la réussite des missions, de surcroît dans le contexte géopolitique actuel.