Marins de combats : l’esprit Chesapeake
Publié le 05/09/2025
Le 22 mars 1781, une flotte de vaisseaux français commandée par l’amiral de Grasse appareille de Brest. Objectif : rallier les Antilles pour fournir un appui aux Américains face aux Britanniques.

Un mois plus tard, la vingtaine de navires français arrive sur place et débarque des troupes qui vont s’engager dans le combat. Avec ce déploiement massif de navires et de soldats français, le ministre de la Marine, le maréchal de Castries, espère prendre le dessus sur les Anglais solidement implantés sur la zone d’opérations. De Grasse identifie une opportunité tactique à la baie de Chesapeake et convainc Washington d’y assiéger la garnison anglaise de Yorktown par un dispositif naval et terrestre.
Cette baie, hautement stratégique permet en effet aux Anglais d’accéder à la mer depuis leur garnison de Yorktown. C’est ainsi, que la flotte française arrive devant la Chesapeake le 30 août, et fait débarquer ses troupes au moment où survient la flotte de la Royal Navy et débute le débarquement de troupes et d’artillerie jusqu’à ce que survienne la Royal Navy le 5 septembre
Malgré l’urgence de l’appareillage, les équipages réduits par les manœuvres de débarquement et l’infériorité numérique (24 vaisseaux français contre 29 anglais), l’amiral de Grasse manœuvre habilement ses navires pour maintenir la ligne de bataille et assurer un feu nourri et efficace. Les Anglais sous les ordres de l’amiral Graves, tirent leurs premiers coups de canons en milieu d’après-midi. Les combats durent jusqu’à la fin de la journée, avec une extrême concentration du feu.
À 18h30, les Anglais rompent le combat et quittent la baie en sabordant le HMS Terrible. En face les Français restent prêts à reprendre le combat, mais reviennent se concentrer sur leur première mission de débarquement des troupes.
L’amiral de Grasse revient ainsi au mouillage dans la baie une semaine après cette journée décisive, le 11 septembre.
Innovation tactique, capacité d'adaptation et prise de risque
Sa supériorité en mer interdit non seulement le ravitaillement de Yorktown par les Anglais, mais encore le renforcement des troupes franco-américaines à terre et permet d’imposer la reddition de la ville. Un premier (grand) pas vers l’indépendance américaine. Quelques semaines plus tard, alors que ses hommes rentrent aux Antilles, l’amiral de Grasse se « considère infiniment heureux d’avoir été d’une quelconque aide aux États-Unis ».
Par cette bataille décisive, il a démontré l’essence même de la Marine française. Si la technique a beaucoup évolué, les leviers de la victoire demeurent : qualité de l’entraînement, innovation tactique, capacité d'adaptation, prise de décision rapide, coopération interarmées et interalliée, courage physique, force morale et unité des équipages dans l'adversité. Autant de qualités qui ont permis il y a presque 250 ans de changer le cours de l’Histoire et qui structurent encore aujourd’hui la Marine nationale.
Cet esprit « Chesapeake » se retrouve intact dans le plan stratégique 2024 « Marins de combats » du chef d’état-major de la Marine. « Une Marine de combat à vocation mondiale qui réussit en opérations », selon les mots de l’amiral Nicolas Vaujour. Un esprit qui perdure dans la volonté de bâtir une Marine « forte, résiliente et prête à faire face à l’imprévu, une Marine reconnue par ses partenaires et redoutée de ses adversaires ».
Pour en savoir plus sur la bataille de la Chesapeake...
Chesapeake - La victoire navale française qui changea le monde, de Jean-Christophe Chaumery
Éditions Pierre de Taillac, 24,90 €.