Marine Le Breton : « Dessiner le monde à l’écart du monde »

Publié le 01/07/2024

Auteur : EV1 Margaux Bronnec

Quatre années durant, la graphiste Marine le Breton s’est penchée sur sa table lumineuse pour dessiner à la pointe fine son premier livre Cartes Marines. Un ouvrage inclassable qui flirte avec les mondes de l’artisanat d’art et de la gravure, de la navigation et du patrimoine. 130 cartes enrichies de textes écrits par 50 collaborateurs racontent le littoral français de façon poétique et scientifique. À 48 ans, elle a reçu le prix Eugène-Louis Gillot de la Marine nationale en octobre 2022 lors du salon des beaux arts de Paris et rêve de devenir peintre officiel de la Marine.

Ouvrage Cartes Marines @ DR

Cols bleus : Comment avez-vous eu lidée de dessiner des cartes marines ?

M. L.B. : En marchant le long d’un sentier côtier dans le golfe du Morbihan, à Locmariaquer, je regardais la mer quand je me suis dit : «Plus personne ne dessine les traits de côte à la main». Mes premiers dessins datent de septembre 2019. Ma première carte fut celle des pertuis charentais car j’habite en face de l’Île-d’Aix, non loin de La Rochelle. Derrière ce projet, se profile l’idée d’une retraite personnelle : dessiner le monde à l’écart du monde. Puis jai été moi-même surprise de lengouement qui sest manifesté autour de mon travail.

C.B. : Quel est votre processus de création ?

M. L.B. : Les cartes du SHOM et de l’IGN sont ma base de travail. Je recalcule l’échelle afin de penser davantage la composition formelle et plastique du dessin et je m’affranchis de leur territorialité au profit de l’équilibre du dessin. Sur la table lumineuse je pose toutes mes limites et les zones à remplir. Ensuite, je commence le travail d’enrichissement où pendant quelques jours à plusieurs semaines, je brode trait après trait. Les axes, les routes, les densités sont des points de repère, mais ce qui prédomine ici, c’est le littoral, cette mince frontière entre la terre et les eaux et ces jeux avec les toponymies marines.

C.B. : Vous avez fait appel à des océanographes, libraires, ingénieurs ou écrivains, tel le chanteur Miossec qui signe la préface… pourquoi ?

M. L.B. : Je ne voulais pas publier un énième atlas. Aussi ai-je proposé l’ajout de textes personnels d’une cinquantaine de collaborateurs. Pour ces navigateurs, marins, géologues, artistes, la carte est un objet de vie ou de travail. Ils ont une vision particulière de la carte, souvent un souvenir d’enfance. Moi-même c’est mon père qui m’a éveillée à la cartographie, je le revois penché sur ses cartes de navigation.

C.B. : Comment envisagez-vous la suite ?

M. L.B. : Mon premier vœu est de continuer à dessiner et le second d’aller à la rencontre des gens. Ce travail ne fait sens qu’en le partageant. Si je croule sous les commandes, enfermée dans mon atelier, cela ne me correspondra pas. Mon œuvre se nourrit du vivant. Dans cette droite ligne, j’aimerais beaucoup embarquer sur un navire de la Marine nationale ou de la marine marchande et candidater au titre de peintre officiel de la Marine. Souvent, je dessine d’abord et seulement après je vais sur les territoires, or j’aimerais bien pouvoir mélanger les deux.

Carte de la Corse
Carte de la Corse