Maîtrise des fonds marins : à quoi servent les missions Calliope ?
Publié le 06/01/2025
Mystérieux, hostiles, fascinants, les fonds marins demeurent méconnus mais suscitent l’intérêt des grandes puissances, devenant le théâtre d’une nouvelle compétition internationale. Depuis 2022, les missions Calliope participent à la montée en puissance des capacités de la Marine française en matière de maîtrise et d’intervention dans les fonds marins.

Au-delà de 1 000 mètres de profondeur, la lumière ne passe plus : il fait nuit noire. À la surface, le temps est clair et l’équipage du bâtiment de soutien et d’assistance affrété (BSAA) Jason procède aux dernières vérifications avant la plongée du ROV (remotely operated vehicle). La check-list avant la plongée permet de vérifier l’intégralité du système (centrale hydraulique, ROV, TMS 1, commande de contrôle, outils de positionnement et calibrage…), rien n’est laissé au hasard, la préparation de la plongée dure entre une à deux heures jusqu’à la mise à l’eau du robot. Plusieurs tonnes se balancent au bout du câble appelé électroporteur : l’opération est délicate. La TMS qui retient le ROV est bientôt submergée par les flots et s’enfonce lentement vers l’obscurité des abîmes. À bord du Jason, le pilote et le copilote suivent la progression sur leurs écrans.
Il s’agit de la deuxième mission Calliope mettant en œuvre ce type de ROV cette année. L’objectif est triple, en plus de l’intérêt opérationnel : poursuivre l’évolution du système, développer les compétences des équipages de la Marine et capitaliser sur les retours d’expérience de la mise en œuvre du ROV de TVO 2. Quarante mètres avant de toucher le fond, le pilote libère le ROV de sa TMS. Retenu par une « laisse » appelée Tether 3, le robot sous-marin continue son évolution vers une épave, posée sur le sable. Il inspecte la carcasse rouillée d’un pétrolier datant de 1969. « L’approche d’une épave est particulière parce que le ROV est filoguidé, et requiert donc une grande dextérité des pilotes. Si vous bloquez la laisse du véhicule, vous bloquez le robot à 2 000 mètres de profondeur et là, personne ne pourra l’y récupérer rapidement », explique l’enseigne de vaisseau (EV1) Romain, chef de détachement de la partie ROV au groupe d’intervention sous la mer (GISMER). Il poursuit : « La procédure d’urgence si on est pris sur une épave et qu’on ne peut pas se désengager, c’est d’occasionner une rupture de l’ombilical et laisser le ROV sur le fond pour libérer le bâtiment porteur qui se maintient en positionnement dynamique au-dessus de la cible à investiguer. Cela impliquera d’engager ultérieurement un autre moyen capable d’opérer à cette profondeur pour récupérer le ROV. »

À 3 000 mètres de profondeur, la pression est 300 fois supérieure à celle de la surface, rendant l’exploration sous-marine difficile. « Seulement 2 à 3 % des fonds marins sont cartographiés au mètre près, on connaît mieux l’environnement spatial que la mer », rappelle l’EV1 Romain. « C’est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s’il ne finira pas par elle ! », proclamait le capitaine Nemo, dans l’oeuvre de Jules Verne. 154 années se sont écoulées depuis la publication de Vingt Mille Lieues sous les mers et le développement technologique a permis de surpasser certaines difficultés de cet environnement où les enjeux scientifiques, économiques et politiques sont nombreux. Les missions Calliope permettent la montée en puissance des capacités mises en oeuvre par la Marine en matière de maîtrise et d’intervention dans les fonds marins dont l’importance stratégique ne cesse de croître.
