Les enjeux maritimes de la Guyane
Publié le 11/03/2025
Territoire ultramarin situé à 8 000 km de la rade de Brest, la Guyane présente de nombreuses singularités géographiques, culturelles et sécuritaires. Son espace maritime délimité par les estuaires des fleuves Oyapock et Maroni est riche d’enjeux et de défis.

Recouverte à 95 % par la forêt amazonienne, la Guyane est le plus grand département français avec une superficie totale de 83 846 km², soit l’équivalent du Portugal. Bordé à l’Est et au Sud par le Brésil et à l’Ouest par le Suriname, cet immense territoire s’étire le long d’un littoral de 378 km. Principalement composée d’une mangrove mouvante au gré des saisons, sa façade maritime offre à cette terre de France en Amérique du Sud une zone économique exclusive (ZEE) de 131 506 km². Un vaste espace auquel il faut encore ajouter 72 000 km², correspondant à l’extension du plateau continental, qui permet depuis 2015 à notre pays de disposer de droits souverains pour l’exploration et l’exploitation des potentielles ressources naturelles situées dans les grands fonds et leurs sous-sols. L’économie bleue représente 1,5 % du PIB guyanais et 1,7 % des emplois. Quant au port de Dégrad-des-Cannes, situé sur le fleuve Mahury, il est le principal vecteur pour les échanges commerciaux, tandis que 99 % du fret annuel transite par le Grand Port maritime (GPM), 23e port français en tonnage de marchandises.
« Ce qui n’est pas surveillé est visité, ce qui est visité est pillé et ce qui est pillé finit toujours par être contesté. », avait déclaré l'amiral Christophe Prazuck. Face à ce constat, les services de l’État en Guyane et la Marine nationale coopèrent étroitement. Si la mission de protection du Centre spatial guyanais à Kourou, d’où décollent les fusées Ariane VI, assurée dans le cadre de l’opération Titan par les Forces armées en Guyane (FAG), est la plus connue du grand public, le rôle de la Marine ne s’arrête pas là. C’est même la fusée qui cache la forêt. L’Amérique du Sud est en effet l’un des plus gros bassins d’extraction d’or avec près de 20 % de la production mondiale concentrée dans les Andes, le Sud-est du bassin amazonien et le plateau des Guyanes, dont fait partie la Guyane française. Depuis les années 1990, l’orpaillage illégal est la cause d’un désastre écologique car le mercure, massivement utilisé pour séparer l’or du minerai, détruit les cours d’eau, les forêts et empoisonne les populations. En raison de l’augmentation des contrôles réalisés dans le transport aérien et de la modification vers le sud des itinéraires empruntés par les passeurs, la problématique du trafic de drogue par voie maritime dans la région devrait s’accroître considérablement dans les années à venir. Enfin, la découverte récente de plusieurs gisements de pétrole au large du Suriname voisin et ses conséquences sont aussi observées avec attention. Cette potentielle manne pétrolière pourrait malheureusement engendrer des effets déstabilisateurs, depuis un renforcement du risque de brigandage et de piraterie, jusqu’à l’apparition de tensions interétatiques.

Pêche illégale
Autre mission permanente d’envergure de la Marine nationale : la lutte contre la pêche illégale (LCPI). Abondantes en ressources halieutiques, les côtes guyanaises font encore trop souvent l’objet de campagnes de pêche illégale, avec de graves conséquences environnementales, économiques et sécuritaires. à l’Ouest, des pêcheurs surinamais effectuent des incursions profondes. à l’Est, à la frontière maritime près du fleuve Oyapock, des tapouilles brésiliennes s’opposent très fréquemment aux contrôles réalisés dans le cadre de la mission de police des pêches. Et, plus au large, des ligneurs vénézuéliens se sont spécialisés dans la pêche du vivaneau.
Maintenir la souveraineté de la France
Que ce soit dans le cadre d’opérations sous la responsabilité du préfet ou de missions commandées par le général commandant supérieur des FAG, tous les acteurs partagent un triple objectif : maintenir la souveraineté de la France sur ses eaux, protéger l’environnement et la biodiversité et lutter contre les trafics illicites. L’État peut s’appuyer sur des moyens principalement localisés à proximité de Cayenne, comme dans la base navale de Dégrad- des-Cannes. Dans ses installations, deux patrouilleurs Antilles- Guyane, bâtiments récents spécialement pensés pour le milieu guyanais et ses opérations, une vedette côtière de surveillance maritime (VCSM) de la gendarmerie maritime et une embarcation remonte-filets, la Caouanne, sont opérationnels. Plus à l’Ouest, à Kourou, une autre VCSM et un bâtiment des douanes complètent le dispositif. Ces moyens navals et nautiques sont aussi épaulés par plusieurs aéronefs, principalement ceux de l’armée de l’Air et de l’Espace, qui apportent une allonge certaine dans la détection et l’identification des contacts en mer. Sans oublier le système TRIMARAN, doté d’une capacité de surveillance par satellite. L’espace maritime en Guyane apparaît ainsi comme une zone intégrant des enjeux régionaux spécifiques qui dépassent les simples problématiques frontalières des frontières et pourraient être appréhendés par un dialogue interrégional renforcé.