Le point de vue des marines alliées (2/2)

Publié le 22/04/2025

Auteur : La rédaction

Le groupe aéronaval est un formidable agrégateur de forces, nationales et multinationales. Lors de son déploiement, il a intégré des unités issues de 19 marines partenaires et alliées. Cols bleus a rencontré plusieurs marins étrangers.

Marine danoise : capitaine de corvette Peter, le "Viking" de la Provence

Affecté aujourd’hui sur la frégate de lutte anti-aérienne danoise Iver Huitfeldt, stationnée à la base navale de Korsør, le capitaine de corvette Peter a été intégré au groupe aéronaval (GAN) pendant cinq semaines en 2022 à bord de la frégate multi-missions Provence. Il revient sur cette expérience.

« J’ai été rattaché à la Force de réaction rapide (FRSTRIKEFOR) pendant quatre mois avant et pendant le déploiement au bureau N3, opérations de l’état-major. Mon rôle était de confronter nos méthodes de lutte anti-sous-marine à celles de la Marine française et de participer à la planification de la mission. À bord de la Provence, j’ai pu observer les méthodes de luttes anti-sous-marines françaises avec la mise en œuvre du binôme frégate-hélicoptère. Ma mission s’inscrivait dans le cadre du souhait de la Marine danoise de voir ses unités se joindre à l’avenir au GAN français et d’y tenir un rôle. L’importance de la capacité de projection de puissance d’un groupe aéronaval est tout à fait claire pour nous et en faire partie est dans notre intérêt, en particulier depuis la guerre en Ukraine et face à la menace russe. Mon propre déploiement m’a permis de mieux comprendre la planification tactique puis transmettre la culture militaire française. C’est un plus pour nous car les navires français sont aujourd’hui plus souvent présents en mer Baltique. Renforcer notre interopérabilité est donc primordial. J’ai enfin beaucoup appris pendant mon détachement au sein de la FRSTRIKEFOR en ce qui concerne le travail d’état-major. Votre façon d’analyser les problèmes et de présenter des solutions au décideur était particulièrement intéressante comme la capacité à travailler et réfléchir de façon indépendante. Nous, marins danois, sommes plus habitués à ne le faire que dans le cadre de l’OTAN. À bord de la Provence j’ai parfois été surpris des similitudes entre nos procédures. Par exemple, outre la langue, vos briefings hélicoptères auraient pu être effectués à bord d’un bâtiment danois. À l’inverse d’autres procédures, comme la gestion des sinistres, sont complétement différentes des nôtres. Lors de mon premier exercice de poste de combat sur la Provence, j’étais au central opération. Un incendie a été simulé et de la fumée a envahi le local. Je m’attendais à ce que nous l’évacuions. J’ai été surpris de voir tout le personnel mettre son masque à gaz et poursuivre sa tâche. Je fais souvent référence à ces expériences auprès de mes camarades danois afin de gagner en efficacité. »

Marine espagnole : lieutenant de vaisseau Pedro Dodero Vázquez

Contrôleur de défense aérienne affecté au groupe aérien embarqué de la Flotte des aéronefs. Il a participé au groupe aéronaval (GAN) comme contrôleur aérien sur le Charles de Gaulle de fin janvier à mi-avril 2022.

En quoi a consisté cette coopération franco-espagnole ?

LV Pedro DODERO VÁZQUEZ : Ma participation a commencé avec la frégate espagnole Almirante Juan de Borbon avant d’être hélitreuillé sur le Charles de Gaulle. Nous avons été intégrés avec le personnel français, en particulier avec les contrôleurs aériens dans leurs missions de formation pendant le déploiement du GAN. Nous avons également été impliqués sur le navire en tant que membre de l’équipage, en apprenant de leurs méthodes de travail et d’opération. Cela a été une expérience personnelle exceptionnelle pour rencontrer de nombreux marins et découvrir le mode de fonctionnement de la Marine française. Nous sommes tous membres de l’OTAN, et disposons de procédures et de méthodes standardisées mais chaque pays a ses particularités dans sa façon de travailler, d’opérer et s’organiser. J’ai pu voir des exercices et des entraînements sur le porte-avions Charles de Gaulle avec sa catapulte, avec le Rafale Marine et le Hawkeye, que nous n’avons pas dans la marine espagnole. Nous avons le Juan Carlos I avec le Harrier AV8B qui effectue les tirs verticaux à bord du navire, étant l’une des rares marines dotées de cette capacité.

Comment décririez-vous la coopération entre les marines espagnole et française ?

LV P. D. V. : La coopération entre la Armada et la Marine nationale est très bonne, car nous sommes habitués aux exercices conjoints. Dès que cela est possible, nous les invitons à participer à nos exercices et nous sommes fréquemment invités aux leurs. En fin de compte, plus on coopère, plus la coopération s’améliore. De plus, nous avons avons gardé de bonnes relations avec les contrôleurs français qui nous ont invités dans leur unité de Brest et à Landivisiau.

Marine allemande : capitaine de frégate Michael Adam

Familier de la Marine française, le CF Michael Adam a effectué sa formation d’officier à l’École navale (promotion EN 2007). Il est aujourd’hui chargé des relations avec les États- Unis, la France, Israël, la Norvège et les pays de la baltique au bureau relations internationales de l’état- major de la Marine allemande.

 

Entre novembre 2022 et mars 2023, vous avez été affecté à la cellule N5 de l’état-major embarqué du groupe aéronaval lors de la mission Antares. Quel moment vous a particulièrement marqué ?

CF. Michael ADAM: Le moment le plus fort, d’un point de vue opérationnel, fut le retour en Méditerranée dans un contexte de tensions croissantes à la frontière de l’Ukraine, juste après le terrible tremblement de terre en Turquie. Toutes les forces présentes sur zone, le groupe de surface de l’OTAN SNMG1 plusieurs groupes amphibie et aéronavals européens et américains, sont parvenus à se coordonner malgré un préavis très faible, pour préparer la sortie de Suez du Charles de Gaulle et montrer une posture résolue face à l’agression russe qui se poursuivait en Ukraine.

Comment décririez-vous la coopération entre les marines allemande et française ?

CF. M. A. : La coopération est marquée par une grande confiance mutuelle. Nos processus sont très proches, ce qui facilite le travail. J’aimerais bien que nous travaillions plus fréquemment ensemble. Nos deux marines font face aux mêmes défis, alors nous gagnerions à saisir chaque occasion, aussi inopinée soit-elle.

Marine portugaise : l’intégration du Bartolomeu Dias au GAN en 2024

En 2024, le navire de la République du Portugal Bartolomeau Dias a été intégré au groupe aéronaval (GAN) français pour la mission AKILA. L’enseigne de vaisseau Carlota, officier de communication de la marine portugaise, revient sur ces 45 jours d’intense activité.

« Pour le Bartolomeu Dias, la mission était d’escorter et de soutenir chaque opération menée par le porte-avions Charles de Gaulle. Cela a permis à notre équipage de se former, de s’entraîner et de se préparer à l’ensemble du spectre des missions dévolues à une frégate polyvalente au sein d’un GAN. Nous avons aussi pu, à cette occasion améliorer notre interopérabilité avec les navires français et alliés. Plusieurs exercices sont venus ponctuer la mission : Neptune Strike 24 en Méditerranée orientale, Mare Aperto et Polaris en Méditerranée centrale. Par le nombre et la nature des séries d’entraînements menés tout au long de ces 45 jours de mission, ce déploiement a apporté des opportunités de formation et d’apprentissage uniques qui ont contribué de manière significative à améliorer la capacité du navire à opérer en mer. Cela a contribué à renforcer les liens de coopération, tant en termes de relations diplomatiques que militaires, entre le Portugal et la France, et à renforcer la cohésion de l’OTAN dans son ensemble. »