La pyrotechnie de Toulon, une minutie de chaque instant

Le bureau ingénierie métier est l’un des ateliers de la pyrotechnie de Toulon. Dans un grand hangar, quatre personnes travaillent à la création d’outils pour l’établissement principal des munitions (EPMu) Méditerranée et la base navale. Récemment, sur le quai Milhaud 7, qui accueillera le prochain porte-avions, des flotteurs devaient être démantelés. « Entre le risque pollution et la présence potentielle de munitions, impossible de les déplacer. Nous avons créé une sorte de cabane pour protéger l’environnement et éviter la dispersion des particules d’aérogommage », explique Pascal qui travaille ici depuis 26 ans. Au total, 140 m3 de mousse et une vingtaine de tapes contenant des joints amiantés on été traités.

Au complexe de visite des munitions, les téléphones sont bannis car les ondes peuvent faire déclencher les explosifs. Ici, le personnel réalise la visite qualitative et quantitative des munitions. Autrement dit, ils veillent à leur sécurité, à leur stockage et à leur performance. De 5,56 à 100 mm, tous les calibres sont concernés, même les grenades à main et les chandelles à oxygène destinées aux sous-marins. À l’image, Sylvie réalise des tests sur un gramme d’explosif primaire, hautement sensible, à l’intérieur d’un masque balistique.

Le système d’allumage à tube permet d’initier la charge propulsive d’une cartouche de 100 mm. Les lots périmés sont détruits. Les 50 cm de mèche lente brûlent lentement, puis, c’est un vif embrasement ! Par ailleurs, des batteries de tests sont réalisées grâce à des machines créées par des élèves de l’école d’ingénieur SEATECH : « C’est le cas de la maquette pour tester les fumigènes. La solution proposée retient 90 % des fumées et laisse passer uniquement la dose nécessaire pour vérifier le bon fonctionnement du système », précise Stéphane, en charge de la maintenance des munitions classiques.

Dans un autre hangar, on trouve des mines défensives, comme celle utilisée pour l’essai de choc sur le Courbet (février 2025), et des mines offensives pour les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA). Celles à barreau magnétique y sont préréglées afin d’exploser en fonction du signal magnétique de la cible. Dans cet atelier, les civils s’occupent également de la maintenance des mines et des munitions de contre-minage utilisées par les plongeurs-démineurs. Les munitions « actives », utiles à la destruction d’une mine, y sont contrôlées.

Direction l’atelier Exocet. C’est ici que sont démontés et remontés les missiles MM40. Tous les 36 mois, une révision s’impose. En une semaine, le missile est contrôlé et réparé. Un gain en souplesse par rapport à une maintenance chez l’industriel. La munition passe entre les mains des électroniciens puis des pyrotechniciens. Des stimuli sont envoyés pour simuler des phases de vol et vérifier que tous les paramètres sont conformes.

Gestion des stocks, délivrance de matériel, planification, remise en état des caisses à munitions et expédition de matériels vers d’autres sites, sont les principales missions du magasin de l’EPMu. Il gère un grand hangar de rechanges et de fournitures sans matières pyrotechniques. « Une sorte de Castorama » avec plus de 37 850 références. Un peu plus loin, le vrombissement d’une machine résonne dans le hangar : la broyeuse à métaux. Elle est utilisée pour dénaturer les étuis des balles et obus pour recycler le métal.

Pour approvisionner les unités toulonnaises, avoir un stock de munitions à proximité est un avantage. Avec plus de 2 000 références, c’est « une épicerie fine ». Neuf igloos (appelés ainsi pour leur forme), sept cavernes et 16 magasins aériens composent le parc de stockage. Les missiles et les torpilles sont entreposés dans les igloos et déplacés à l’aide de chariots-élévateurs, soit vers des barges, pour être amenés par la mer sur les navires, soit vers des camions lorsque le transport s’effectue par voie routière. Le personnel est chargé du repérage et du positionnement des caisses de munitions en prévision des transports et des maintenances. Une expertise mise à profit lors de la mission Clemenceau 25 : missiles air-air, missiles anti-aériens, torpilles, bombes, et des miliers d’obus ont été livrés au groupe aéronaval avant son départ.

Un peu plus à l’est, la zone de défense hautement sensible. Entourée de verdure, une route se dessine entre deux parois rocheuses. Là, apparaissent des cavernes creusées à même la roche, l’air y est sec et frais pour protéger les munitions. Au nombre de neuf, ces tunnels, dont deux ont été détruits pendant la Seconde Guerre mondiale, ont été créés en 1920. Anecdote : c’est ici qu’une partie des pièces et billets en euros a été stockée en 2001 avant la mise en circulation de la nouvelle monnaie.

Le site de Tourris, vaste de 220 hectares, est situé à 15 km de Toulon. 26 personnes sont en charge de la maintenance et de la logistique opérationnelle de ce stock complémentaire de 2 000 tonnes. Comme un quart des civils présents, Caroline, chef de la logistique, est un ancien marin, une « boum ». « On connaît les munitions et les besoins des unités », explique-t-elle. Un atout lorsqu’un problème survient. Récemment, une frégate confiait à l’atelier un missile Aster 30. Celui- ci, mal positionné dans son équipement logistique et de manutention, ne pouvait pas être transporté. « Nous avons donc réfléchi à un mode opératoire pour le repositionner sans à-coup. La solution proposée dans son équipement logistique et de manutention, était de le faire pivoter d’un quart de tour », détaille Olivier, à la maintenance depuis 25 ans. Déjà pourvu de 31 magasins actifs – dont neuf igloos et 18 magasins semi-enterrés – le site de Tourris a encore vocation à s’agrandir. Le besoin en munitions enfle, de nouveaux igloos et ateliers devraient sortir de terre.