Ils aiment Cols bleus...et ils le disent !
Publié le 04/03/2025
Thomas Pesquet
Pilote à l’ESA (agence spatiale européenne), Thomas Pesquet a été le dixième astronaute français à partir dans l’espace et il est devenu le 4 octobre 2021, le quatrième Européen et le premier Français à prendre le commandement de la Station spatiale internationale. Réserviste de l’armée de l’Air et de l’Espace, il a déjà embarqué sur plusieurs bâtiments de la Marine nationale.
Connaissez-vous le magazine Cols bleus ?
Thomas Pesquet : Oui et je l’ai parcouru à bord de L’Astrolabe, pendant les cinq jours que dure la traversée vers la Terre Adélie : elle est sans connexion à Internet, ce qui invite à la lecture des nombreux ouvrages de la bibliothèque de bord !
Quelle est votre rubrique préférée ? Avez-vous appris quelque chose sur la Marine que vous ne connaissiez pas ?
T. P. : J’affectionne la rubrique « Immersion », qui couvre toujours son sujet de près. J’ai appris énormément grâce à Cols bleus, entre données factuelles, histoires personnelles et anecdotes historiques. Je me rappelle notamment de l’article sur l’île de Cézembre, interdite d’accès pendant des dizaines d’années et finalement déminée par la Marine.
Quel est votre meilleur souvenir à bord de L’Astrolabe ?
T. P. : Le premier jour, au départ de la station Dumont d’Urville. Alors que nous assistions au briefing sécurité au pont inférieur, nous avons commencé à entendre (et même ressentir physiquement) les chocs sourds de la banquise contre la coque, et leur glissement des deux côtés de l’étrave ! Je me rappellerai toujours ce bruit un peu répétitif et hypnotique qui a rythmé mes premières heures en mer dans le Grand Sud. Puis, une fois le briefing terminé, le spectacle en passerelle était magnifique, entre la banquise morcelée que nous fendions, et les icebergs gigantesques au loin, jusqu’à la sortie des glaces.
Avez-vous un autre projet de collaboration avec la Marine nationale ?
T. P. : J’ai eu la chance inouïe d’embarquer à bord d’un sous-marin nucléaire d’attaque, de L’Astrolabe, et de visiter un sous-marin nucléaire lanceur d’engins en cale sèche, mais pour le pilote que je suis, le rêve ultime reste d’embarquer sur le porte-avions et voir les aéronefs décoller en pleine mer. Peut-être aurai-je la chance de vivre cette expérience !
Stéphane Dugast, écrivain et explorateur, reporter, puis rédacteur en chef de Cols bleus de 1999 à 2017

Rien ne me prédestinait à embarquer sur les bateaux gris. Jusqu’à mon service militaire, je tournais obstinément le dos à l’océan.
Matelot sans spécialité, j’ai été affecté comme « rédacteur » en février 1999 à Cols bleus alors un hebdomadaire. J’étais pompon rouge à Paris, au 2 rue royale, à l’État-major de la Marine, l’EMM, avec vue imprenable sur la place de la Concorde, le palais Bourbon et la Seine. Correcteur, maquettiste, livreur de la « morasse » (une version encore non aboutie du jour en cours de validation), chroniqueur littéraire, musical et cinéma, intervieweur… J’ai multiplié les casquettes.
Avec la fin du service national, devenu reporter civil, j’ai dès lors pu multiplier les embarquements dans les unités à terre comme en mer. De mes premiers pas hésitants sur le porte-avions Charles de Gaulle (alors en essais dans le golfe de Gascogne) à une patrouille d’un mois sur le SNA Émeraude équipage rouge et des navigations mouvementées dans les Terres australes et antarctiques françaises (Taaf) à bord de la FS Floréal, j’ai vécu bien des missions dont j’ai témoigné avec des mots et des images dans les colonnes de Cols bleus devenu un mensuel.
Sans fascination, ni complaisance, j’ai raconté la vie embarquée, les missions, l’esprit d’équipage, les appareillages, les Gunex, Securex, Macopex, Ram, les accostages… Bidel, pavois, bidou, baille, pékin… Mon vocabulaire s’est enrichi, ma plume s’est également ciselée au cours de ces 17 ans d’expériences au long cours.
L’appellation réductrice de « journal du parti » que ne manquait jamais de m’asséner certains marins, me froissait, quand je débarquais dans leurs unités. Cols bleus est plus que cela, il est le reflet d’une Marine militaire moderne et un medium qui jette des passerelles entre la mer et la terre, les marins d’active, les anciens, les sphères d’influence et le grand public. Puisse Cols bleus,
ce vaillant octogénaire, continuer de grandir à l’heure des algorithmes, de l’intelligence artificielle et du tout-écran.
Jean-Luc Coatalem

Ecrivain de Marine depuis 2021, ce grand reporter – il a codirigé la rédaction du magazine Géo pendant vingt ans – et voyageur au long cours, a aussi publié deux dizaines de livres. Il a reçu le prix Femina Essai et le Prix de la Langue française 2017 pour Mes pas vont ailleurs (Stock, 2017), longue lettre adressée à Victor Segalen, officier de marine breton, et écrivain-voyageur comme lui. Tous deux partagent une passion pour l’Asie et le peintre Paul Gauguin… qui fut, un temps, on ne le sait pas assez, dans la marine marchande.
La Marine et vous, c’est une histoire qui a démarré quand ?
Jean-Luc Coatalem : J’ai un tropisme maritime fort : je suis breton, brestois, et issu d’une famille d’officiers. Mes ancêtres travaillaient déjà à l’arsenal de Brest. Encore aujourd’hui, ma famille a un penty proche de l’île Longue et lorsque je vais volontiers me baigner du côté de Camaret ou, à la cale du Fret, on en aperçoit les structures. J’ai développé un appétit pour tout ce qui touche aux voyages, les terres vierges, et donc à la mer. J’ai un souvenir extraordinaire d’une navigation en Antarctique, sur un ancien brise-glaces russe, comme d’une descente, au Québec, du Saint-Laurent avec pour terminus le Labrador.
Comment avez-vous connu Cols bleus ?
T. P. : J’ai fait mon service militaire à l’établissement cinématographique et photographique des Armées (ECPA) où l’on recevait Cols bleus et je me suis mis à le lire. Je trouve toujours du plaisir à découvrir les photos de qualité, et le format est agréable. Bien sûr, la tonalité générale est un peu « officielle », je perçois rapidement un certain discours, mais celui-ci est nécessaire et répond à une demande.
Parlez-nous d’une expérience vécue avec la Marine nationale
T. P. : En tant qu’écrivain de Marine, je participe à un projet de livre collectif – avec neuf autres écrivains de Marine. J’ai eu la chance de pouvoir choisir le type de
bâtiment sur lequel j’ai embarqué pour écrire mon texte : j’ai ainsi été lors d’une mission d’entraînement sur deux porte-hélicoptères, le Mistral (en 2023) et le Dixmude (en 2024) en Méditerranée. Nous avons carte blanche : l’idée de l’ouvrage est de raconter notre immersion dans un milieu militaire.
Pourquoi avez-vous choisi un PHA ?
T. P. : C’est un bateau « complet », un vrai couteau suisse. Il est opérationnel sur les mers, a une capacité de projection dans les airs, sur terre avec des véhicules et des troupes embarqués, et il possède même une vocation humanitaire, comme on l’a vu près de la bande de Gaza. Un PHA, c’est une tour de Babel et une petite ville flottante, j’y ai croisé des stagiaires de l’école de guerre, des officiers étrangers en coopération ou en stage d’observation, des pilotes en qualification. L’un d’entre eux avait lu et apprécié l’un de mes romans, La Part du fils. J’ai remarqué que beaucoup d’ officiers étaient férus de littérature. Sur un bateau de cette taille, il y a aussi de la place pour des discussions au carré. On a parlé engagement, tour du monde et littérature, quoi de mieux !?
Votre prochain embarquement ?
Embarquer sur un patrouilleur outre-mer en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie. L’Auguste Benebig est dans ma… ligne de mire.