Direction générale de l'armement et état-major de la Marine : l’innovation au service de la Marine de demain

Publié le 08/10/2024

Auteur : Philippe Brichaut

De nombreux dispositifs visent à stimuler et accélérer l’innovation capacitaire pour mieux se préparer au combat de demain. Discussion à bâtons rompus entre l’ingénieur général de 1ère classe de l’armement (IGA1) Patrick Aufort, directeur de l’agence de l’innovation de défense, et l’ingénieur général de 2e classe des études et techniques d’armement (IGETA2) Frédéric Petit, conseiller armement et innovation et adjoint du sous-chef d’état-major Plans/ programmes de l’état-major de la Marine.

Cols bleus : Qu’est-ce que l’agence de l’innovation de défense (AID) ?

IGA1 Patrick Aufort : Un service rattaché au délégué général pour l’armement créé en 2018 avec l’idée qu’il fallait donner une impulsion supplémentaire à l’innovation pour tenir compte de l’évolution des domaines de conflictualité, de l’accélération de l’arrivée des technologies de rupture et du foisonnement des innovations. L’AID a trois missions principales : préparer les technologies pour nos futurs programmes, détecter les innovations du secteur civil afin de les utiliser ou de s’en prévenir, et enfin en imaginant les technologies de demain, éviter aux armées françaises de se faire surprendre. Trois missions réalisées en gardant à l’esprit que l’innovation ne doit pas rester un prototype qui prend la poussière dans un hangar. Raison pour laquelle nous travaillons aussi sur ce que nous appelons le « passage à l’échelle », c’est-à-dire aller du prototype à l’équipement de série, sans oublier son soutien et sa maintenance.

C. B. : Comment l’AID interagit avec la Marine ?

IGETA2 Frédéric Petit : Dans le sillage de la création de l’AID, la Marine s’est dotée d’un pôle dédié à l’innovation au sein de l’état-major : le « Marine l@b » qui s’appuie sur des relais au sein des autorités organiques et autorités territoriales (lire aussi page 20). Que ce soit en autonomie ou en liaison avec nos centres d’expertise et la DGA, ces Labs sont force de proposition en matière d’expérimentation de solutions innovantes, et favorisent l’émergence et la concrétisation des idées de terrain. C’est l’innovation participative. La Marine travaille en étroite collaboration avec les équipes de l’AID, notamment dans la recherche de la meilleure démarche pour financer des projets et se rapprocher des acteurs industriels nationaux si besoin (PME, start-ups). Parallèlement, en 2022, la démarche Perseus consistant à permettre aux industriels de venir tester leurs dispositifs dans des conditions réelles au sein des forces a été initiée. Son intérêt : raccourcir la boucle entre l’idée et son utilisation par les marins.

IGA1 P. A. : 10 % des agents qui constituent nos équipes sont des officiers d’échange issus des armées. Au sein de notre division innovation ouverte, nous avons deux marins. Ils sont essentiels car issus des forces et peuvent tout de suite comprendre l’usage que la Marine pourrait faire d’une innovation. C’est un élément fondamental dans le lien Marine/AID.

C. B. : Où se trouve principalement l’innovation ? Chez les marins via l’innovation participative ou dans les bureaux recherches et développement des industriels ?

IGA1 P. A. : Je pense qu’il ne faut surtout pas les opposer. Ils ont des visions et des origines complémentaires et ne répondent pas aux mêmes besoins. Il n’y a rien de mieux qu’un marin pour identifier un frein à un problème de terrain et trouver la solution, mais apporter une technologie vraiment nouvelle, c’est le rôle des bureaux d’études. On a besoin des deux et on arrive à très bien les marier. Tous les ans, nous remettons des prix aux innovateurs des armées. Le 8 octobre prochain, nous remettrons ceux de l’Audace, ici à Balard. Des innovateurs de la Marine ont de bonnes chances d’être récompensés.

Le comité « de Broglie »

Créé en 2019, ce comité dédié à l’innovation ouverte et participative réunit les référents innovation de chacune des autorités, directions et services de la Marine, du CEPA/10S, du CEPN ainsi qu’un représentant de l’agence innovation défense (AID). Il est chargé d’évaluer et de suivre, à chaque jalon, les idées puis les projets d’innovation remontés par les unités pour décider de la suite à donner ainsi que des supports et moyens octroyés et en particulier ceux détenus par les labs. Cette instance doit son nom à Maurice de Broglie, ancien élève de l’École navale, à qui l’amirauté confiera la mission d’installer la TSF – alors à ses débuts – sur les navires. Maurice de Broglie est le frère ainé de Louis, lauréat du prix Nobel de physique en 1929.