Dans le sillage du... vice-amiral d’escadre Christophe Lucas

Publié le 04/08/2025

Auteur : Nathalie Six

Breveté pilote en 1993, ce marin du ciel a volé à bord d’Atlantique 2 (avion de patrouille maritime) jusqu’en 2006, l’année de fin de son commandement de la Flottille 23F. Il a encore servi l’aéronautique navale comme gestionnaire officiers « AERO » et plus tard comme commandant de la base de Lann-Bihoué.

À la tête de la préfecture maritime de la Méditerranée depuis un an, le vice-amiral d'escadre Christophe Lucas représente désormais l’État en mer sous les ordres du Premier ministre, et commande aussi une zone et un arrondissement maritime.

Pourquoi les compétences et l’étendue des responsabilités actuelles du préfet maritime ont-elles été renforcées en 2004 ?

Vice-amiral d’escadre Christophe Lucas : La fonction de préfet maritime a vu le jour sous le Consulat en avril 1800, dans la continuité de la création des préfets départementaux. L’apparition de cette fonction obéissait alors à une logique de concentration locale des pouvoirs, amorcée sous l’Ancien Régime. Correspondant du ministre de la Marine, le préfet maritime était alors chargé de la direction des services de l’arsenal et notamment de la sûreté des ports et de la protection des côtes. Les compétences et l’étendue des responsabilités du préfet maritime ont évolué depuis, en particulier à la suite du naufrage de l’Erika en 1999. La dernière évolution date ainsi de 2004 et a permis de moderniser et de renforcer la place des préfets maritimes, en leur conférant une autorité plus claire et adaptée aux défis contemporains.

On dit que le préfet maritime à trois casquettes ?

VAE C. L. : Le préfet maritime est un officier général de la Marine. Véritable préfet en mer, il cumule cette fonction civile avec ses attributions militaires de commandant de zone maritime (CZM) et de commandant d’arrondissement maritime (CAM). Au quotidien, j’exerce trois grandes responsabilités. Première casquette : celle de préfet maritime de la Méditerranée, c’est-à-dire de représentant de l’État en mer sous les ordres du secrétariat général de la mer qui relève directement du Premier ministre. Mes prérogatives s’exercent dans trois grands domaines : je suis « préfet de l’urgence en mer », préfet de police en mer et préfet gouverneur de l’espace marin. Mon périmètre s’exerce sur neuf départements, 2 000 km de côtes et 115 000 km² de Search and rescue region (opérations de recherche et de sauvetage).

Deuxième casquette : celle de commandant de zone maritime, c’est-à-dire de contrôleur opérationnel des moyens interarmées déployés en Méditerranée, sous l’autorité du chef d’état-major des armées. Ma mission consiste ici à garantir notre capacité d’action en Méditerranée. Il s’agit de surveiller, anticiper, et comprendre afin de protéger les intérêts de la France et intervenir lorsqu’ils sont en jeu. Troisième casquette enfin : celle de commandant d’arrondissement maritime, c’est-à- dire d’autorité territoriale de toutes unités de la Marine basées dans le quart sud-est de la France, y compris la Corse.

Dans la zone Méditerranée, quels sont les gros dossiers pour un Préfet maritime ?

VAE C. L. : La zone sous la responsabilité du « PREMAR » se caractérise par un trafic maritime important, une très forte fréquentation de la zone côtière et une diversification croissante de l’ensemble des activités (trafic maritime, éoliens, loisirs nautiques, exploitation, dronisation, etc.). Ces activités induisent un risque vis-à-vis de la sécurité en mer mais également une forte pression sur l’environnement et des problèmes de cohabitation des usages. Il s’agit d’anticiper et de gérer les crises, qu’elles soient environnementales, sécuritaires ou événementielles.

De quels moyens disposez-vous pour faire respecter la loi ?

VAE C. L. : Je dispose des moyens des différentes administrations concourant à l’action de l’État en mer : Marine nationale, Gendarmerie maritime et Gendarmerie départementale, Douane française, Affaires maritimes, moyens nautiques de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). En tout, 8 administrations, 70 moyens nautiques et 30 aéronefs, 19 sémaphores, 47 stations SNSM, le tout coordonné par le CROSS MED (La Garde et Corse) pour les opérations de surveillance et de sauvetage.

Quel bilan tirez-vous de l’UNOC 3 et le rôle du conseil maritime de façade méditerranée qui a été réuni récemment ?

VAE C. L. : Au-delà des annonces clés en faveur de la protection de l’océan, l’organisation de l’UNOC 3 revêtait un enjeu sécuritaire majeur. En tant que préfet maritime, la sécurité et la sûreté maritimes de cet événement étaient de ma responsabilité. Au bilan, je ne peux que me réjouir du bon déroulé de cet événement. La préfecture maritime est habituée à la mise en place de dispositifs de grande ampleur (arrivée de la Flamme olympique et site des Jeux Olympiques 2024, par exemple). Les entraînements réguliers permettent également d’avoir des procédures claires et rodées. Ces dispositifs, constitués en strates composées d’une trentaine d’embarcations, de la frégate au semi-rigide, et fort de 350 agents, s’appuient aussi sur les administrations concourant à l’action de l’État en mer.

En tant que préfet coordonnateur de façade (avec le préfet de la région Provence-Alpes Côte d’Azur), je suis enfin compétent en matière de planification de l’espace maritime en Méditerranée. Le rôle du Conseil maritime de façade (CMF) est d’émettre des recommandations sur l’utilisation, l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral et de la mer. À titre d’exemple, le dernier CMF de la façade a acté le développement, d’ici 2030, des trois parcs éoliens flottants commerciaux lancés en Méditerranée.

La Préfecture maritime Méditerranée a lancé en 1991 le prix Encre Marine, à ce jour le seul prix littéraire de la Marine nationale, dont vous êtes le président du jury. Êtes-vous un lecteur assidu ?

VAE C. L. : Je fais en sorte de l’être même si le temps me manque parfois. Je considère la lecture comme un outil essentiel : pour la réflexion, pour l’ouverture d’esprit, pour garder le lien avec l’histoire. Ma liste de lecture est éclectique. Je lis bien entendu des ouvrages centrés sur mes préoccupations professionnelles, d’essais géopolitiques ou de réflexions stratégiques mais aussi des récits ayant trait à la mer ou des romans. Un bon livre, c’est un cap que l’on suit avec plaisir ! l

Bio express

1988 : Entrée à l’École navale

2004-2006 : Commandant de la Flottille 23F de patrouille maritime

2010-2011 : Commandant de la frégate anti-sous-marine Georges Leygues

2011-2014 : Commandement de la base d’aéronautique navale de Lann-Bihoué

2018-2021 : Commandement de la Force maritime des fusiliers marins et commandos (ALFUSCO) et de la Marine à Lorient

2021 : Autorité de coordination pour les relations internationales de la Marine nationale (ALRI)

2022 : Directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie

2024 : Préfet maritime de la Méditerranée, commandant en chef de la zone et de l’arrondissement maritimes Méditerranée