Dans le sillage du... contre-amiral François Guichard
Publié le 05/03/2025
Il est le premier amiral chargé de la fonction « histoire ». Nommé le 1er juillet 2024, le contre- amiral François Guichard était auparavant commandant de la Marine en Nouvelle-Aquitaine. Rien ne le prédestinait à cumuler 28 000 heures de plongée, lui qui se rêvait dans ses jeunes années pilote d’avion, et a ensuite hésité entre l’École du Louvre et l’École navale. Ce sont finalement les grands fonds et la vie sous-marine qui le harponneront, au point d’écrire aujourd’hui des romans sur l’histoire des premiers submersibles. Ses deux passions se trouvent désormais réunies.

Amiral, êtes-vous le premier à endosser l’habit d’ALHIST ?
CONTRE-AMIRAL FRANÇOIS GUICHARD : Il n’y a pas eu d’amiral « histoire » auparavant. Cependant, la fonction existe depuis longtemps. Jusqu’en 2005, elle était incarnée par le service historique de la Marine (SHM). Le SHM a ensuite été un constituant du nouveau service historique de la Défense (SHD). Néanmoins, le SHM ne recouvrait pas toute la fonction « histoire ». Il y a un an, un conseiller « histoire », Philippe Vial, a été nommé auprès du chef d’état-major de la Marine (CEMM). C’est un universitaire, historien et réserviste citoyen. Le CEMM voulait y ajouter quelqu’un qui connaisse la Marine et ses besoins. Il peut ainsi s’appuyer sur deux jambes.
En quoi consiste votre fonction ?
CA F. G. : Avec l’appui du conseiller « histoire », je propose au CODIR de la Marine la vision stratégique et l’ambition de l’Institution en matière historique. Celle-ci s’exprime ensuite vers tous les organismes responsables de la fonction « histoire » du ministère (DMCA, SHD, musée de la Marine…) et aussi vers ceux qui portent une partie de cette fonction ou la font vivre à l’extérieur du ministère, qu’ils soient étatiques (enseignement supérieur et recherche, CNRS, Education nationale, ministère de la Culture…), institutionnels (Académie de Marine, Institut de France…) ou associatifs (Institut français de la Mer, Société française d’histoire maritime…). Mon rôle est de faire prendre en compte les besoins de la Marine par ces organismes. Il est aussi d’incarner la fonction « histoire » de la Marine, afin de mieux l’orienter, de mieux la coordonner pour que la Marine profite davantage de la qualité des travaux de ces organismes.
Sur qui vous appuyez-vous ?
CA F. G. : Je n’ai pas d’équipe dédiée. Je compte m’appuyer en premier lieu sur un conseil de la fonction « histoire » en cours de création. Il sera relativement restreint et le conseiller « histoire » en fera partie bien sûr. Et, vous l’avez compris, la fonction « histoire » s’appuie essentiellement sur tous les organismes que j’a cités précédemment. Dans ce contexte ALHIST a davantage un rôle de chef d’orchestre. Il bat le rythme, met en musique, mais ne joue pas d’instrument. Il écoute, demande un peu moins de cuivre, donne davantage de cordes, pour que l’ensemble soit harmonieux et satisfasse l’attente de la Marine en premier lieu.
Comment êtes-vous reçu auprès de ces services et institutions ?
CA F. G. : Par ceux rencontrés jusqu’ici, plutôt très très bien ! (rires) Ils sont très heureux de savoir que la fonction « histoire » de la Marine est désormais incarnée. Je dois aussi commencer par la faire connaître. Le premier comité de directeur élargi dédié à la fonction « histoire » de la Marine a eu lieu en juin dernier. Outre la création de la fonction d’ALHIST et les orientations que je viens de vous décrire ce CODIR élargi a d’ores et déjà décidé d’un nouveau mandat Marine pour les quatre prochaines années de façon à orienter la recherche et le traitement des archives sur les opérations récentes de la Marine en ouvrant l’étude au domaine interarmées et interallié.
Nous approchons des 400 ans de la Marine qui seront célébrés en 2026 : de grandes pages d’histoire !
CA F. G. : Oui, le CEMM a confié la préparation et l’organisation des 400 ans de la Marine à l’inspecteur général des armées – Marine, et ALHIST a naturellement été désigné membre du comité directeur de cet événement. Les 400 ans seront célébrés de janvier à octobre 2026. Nous célébrerons alors quatre siècles d’une Marine combattante et protectrice au service de l’Etat et de la nation : une belle occasion d’expliquer au plus grand nombre le rôle de la Marine, car ces célébrations seront aussi tournées vers l’avenir, dans une logique d'heritiers et de bâtisseurs. Ce sera la fête de tous les marins mais aussi celle de tous les Français que nous souhaitons embarquer dans des événements qui s’essaimeront sur tout le territoire et aboutiront à deux ou trois moments phares. Cela va mobiliser beaucoup de monde dans et hors de la Marine. Des projets très variés vont être lancés pour toucher un large public. Un label « 400 ans » sera créé… La communication sur ces célébrations est en train d’éclore pour y associer tous les marins.
Quel lien existe entre le monde militaire et l’histoire ?
CA F. G. : Ce lien est très fort, car traditionnellement, dans la réflexion stratégique, voire tactique, l’enseignement passe par l’histoire. Il faut connaître les événements, leur contexte, les protagonistes les ayant vécus ou influencés, pour s’en inspirer ou les critiquer, et se construire soi-même. L’histoire a la particularité d’être en même temps un objet scientifique et politique. S’il est suffisamment étayé, s’il est partagé par un grand nombre et qu’il est assumé, le roman national qu’est l’histoire contribue aux forces morales. Par exemple, célébrer la bataille de la Chesapeake revêt une grande importance dans le renforcement de celles-ci.
Que dites-vous aux jeunes qui montrent, pour certains, une désaffection pour la matière historique ?
CA F. G. : Beaucoup de gens prisent peu l’histoire et on hérite d’une génération que l’on n’a pas suffisamment su intéresser à l’histoire. Très certainement aussi, le virage des nouvelles technologies n’a pas su être pris correctement par les historiens. Ce n’est plus le cas. La barre se redresse. Il n’y a pas d’opposition entre les deux. En donnant mes conférences, je ressens même une nouvelle appétence pour cette matière. La difficulté réside souvent dans la forme. L’histoire est un travail scientifique qui nécessite des recherches, mais ensuite, la mise en valeur des travaux et leur synthèse pour les rendre accessibles au plus grand nombre reste difficile pour le spécialiste. Lorsqu’on y parvient, on se rend compte combien l’histoire de la Marine est belle et riche, combien elle est vivante et moderne, combien elle nous apprend et donne du sens. L’histoire de la Marine c’est avant tout l’histoire des marins.
Bio express

1989 : Il entre à l’École navale
2001-2002 : Commandant du patrouilleur La Glorieuse
2006-2009 : Commandant du sous- marin nucléaire d’attaque Améthyste
2013-2014 : Commandant du sous-marin nucléaire lanceur d’engin Le Terrible
2014-2018 : état-major de la Marine
2018-2022 : état-major des armées
2022-2024 : Commandant de la Marine en Nouvelle-Aquitaine
2022 : Sortie de Premières plongées (Editions Locus Solus)
2024 : Sortie de Premières armes – L’appel du large (Editions Locus Solus)