Cyclone Chido : les marins au secours de Mayotte 

Publié le 05/02/2025

Auteur : La Rédaction

14 décembre 2024, le cyclone Chido laisse derrière lui une île ravagée. Le bilan humanitaire et matériel est très lourd : 39 morts, plus de 2 500 blessés et des milliers de sans-abris. Infrastructures détruites, manque d’eau, d’électricité, écoles fermées… Face à l’urgence de la situation, les armées françaises se mobilisent pour venir en aide à la population. La Marine nationale est en première ligne.

A Mayotte, c’est un paysage de désolation : aéroport endommagé, mer jonchée de déchets, montagnes de déchets dans les rues, odeurs de poubelle et pauvreté de la population. Rapidement coupée du monde, après le passage du cyclone tropical, l’île a besoin d’une assistance humanitaire mais aussi technique pour permettre à l’État comme aux associations d’apporter leur aide à la population.

Première urgence : la sécurisation des approches maritimes. Des moyens nautiques et aériens sont immédiatement mis à disposition.

Un paysage dévasté

« Après le passage du cyclone, nous avons été le premier navire à pouvoir approcher de la zone et naviguer dans le lagon, se souvient le second maître Adrien, timonier à bord de la frégate de surveillance (FS) Floréal. L’hélicoptère du bord nous a envoyé les premières images, elles témoignaient d’une désolation totale. Les bouées de chenal manquaient et un grand nombre d’épaves et de débris rendaient la navigation dangereuse. Avec le semi-rigide, nous avons pu nous approcher des côtes, je me n’attendais pas à voir des paysages aussi ravagés. La plupart des bateaux n’étaient plus que des épaves, la végétation avait été arrachée sans parler des habitations et des bidonvilles dont il ne restait plus que quelques tôles. Des photos aériennes des épaves et du réseau routier ont complété le bilan dressé et retransmis aux administrations civiles et entités militaires nombreuses afin de pouvoir intervenir sur l’île. »

Les premiers relevés hydrographiques associés à de multiples plongées se révèlent une mine d’informations et conduisent le commandant à prendre plusieurs décisions rapides. Tout d’abord, mouiller devant le port de Longoni et assurer la navigabilité du chenal. Lors de la vérification de l’état des coffres, des câbles cycloniques sont découverts, ils pendaient dans l’eau après avoir cédé sous l’énorme tension générée par les vagues et le vent, donnant une idée de la violence du cyclone et de l’ampleur du chantier qui les attendait. L’accès au port en était de fait perturbé et dangereux pour les bateaux qui allaient accoster dans les jours suivants. 

Ravitaillement des forces militaires à Mayotte

En parallèle des populations, les forces militaires à terre ont aussi besoin d’être ravitaillées pour être engagées directement dans l’aide et le secours à la population mahoraise. Ce soutien logistique primordial s’organise rapidement depuis le Floréal.

De l’eau douce produite par le bord ainsi que des dizaines de packs d’eau sont distribués, complétés par près d’une tonne de vivres, la quasi-totalité de l’essence du bord et du gasoil.

Deuxième phase : déblaiement et réhabilitation

Le 15 décembre, alors que le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) Champlain était en mission depuis le mois de novembre, ce dernier a fait un « touch and go » à La Réunion pour récupérer 6 containers  avec de l’eau, des vivres et du matériel. De l’eau a ainsi pu être transportée dans les coins les plus reculés de Mayotte. L’équipage au complet a participé aux actions de déblaiement et au dégagement des accès maritimes permettant notamment la reprise des liaisons entre Petite-Terre et Grande-Terre. La réintégration du plus grand nombre d’élèves dans leurs écoles étant la priorité, les marins du patrouilleur Le Malin, ont quant à eux, œuvré à la reconstruction du collège Bouéni M’titi. Défi relevé au regard de la situation, grâce aux capacités logistiques mises en place par la base navale de Mayotte pour assurer l’acheminement et la livraison de fret. A leurs côtés, le bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM) a missionné plusieurs détachements successifs d'une quinzaine de personnes. Au total, et après plusieurs rotations, 63 d'entre eux ont œuvré sur place avec 15 tonnes de matériel apporté depuis la métropole. Après des reconnaissances techniques approfondies et en lien avec les autorités municipales, les chantiers ont débuté. La réintégration du plus grand nombre d’élèves dans leurs écoles était la priorité. Engagés au cœur de la zone la plus impactée par le cyclone où de nombreux bâtiments ont été détruits ou abîmés, ils ont ainsi participé à un retour à la normale le plus rapidement possible, principalement en sécurisant des bâtiments publics (écoles, collèges, lycées, mairies, services communaux, etc.) et stratégiques.

Une reconstruction main dans la main avec les Mahorais

Le but affiché des forces est de reconstruire les infrastructures détruites en réutilisant le matériel sur place en symbiose avec les Mahorais.

L’ingéniosité des marins est l’une des clés du succès de la mission : en associant le bois, les tôles et les poutres récupérés après l’ouragan, ainsi que le matériel de charpentier disponible, la charpente d'une école sur la commune de Mtsahara et la toiture d’un centre de documentation ont pu être réparées entièrement. « Par exemple, sur la commune de Mtsahara, la toiture du centre de documentation a été récupérée en lien avec le maire au profit de la reconstruction de la charpente d'une école sur cette commune. Ces aspects matériels sont importants mais rien n’aurait pu se faire sans les capacités RH spécifiques présentes dans le détachement : CACES nacelle, permis super lourd, charpentiers, etc » explique un marin-pompier. « Le maire d'une commune nous a avoué ne plus reconnaître son territoire, confie un autre marin-pompier. Certains Mahorais ont été blessés et font parfois face à la dure perte d'un proche. Ils sont malgré tout très résilients et œuvrent tous à la reconstruction de leur territoire. Ils sont accueillants et reconnaissants de nos actions. »

La composante médicale du détachement constituée d'un médecin militaire et de cinq infirmiers assure en plus des missions de soutien sanitaire en opérations, des permanences dans un dispensaire mobile "médi-bus" au profit de la population de M'tsangamouji. Aucun médecin n'était venu sur la commune depuis le passage du cyclone.

La sécurité et les communications

En parallèle, un détachement de sécurisation de la gendarmerie maritime de l’Atlantique chargé d’apporter son aide dans le cadre de la reprise de service des forces de sécurité sur l’île a soulagé les gendarmes maritimes présents sur place qui assuraient quant à eux les travaux d’identification des épaves sur Mamoudzou. Les gendarmes maritimes ayant subi de nombreuses pertes de matériels nautiques, l’arrivée de renfort du groupement de plongeurs démineurs (GPD) de l’Atlantique s’est avérée une aide précieuse. Le premier maître Alexandre, plongeur démineur au GPD Atlantique explique que dès leur arrivée « 14 jours après le passage du cyclone, sous une chaleur étouffante », ils se sont « attaqués de front à plusieurs chantiers et notamment l’extraction du littoral des vedettes côtières de surveillance maritime Odet et Verdon. Les plongées nous ont permis de mener plusieurs expertises dont celles des coffres Marine nationale, de mettre en place un mouillage au profit des embarcations rapides de la base navale et de colmater une brèche sur une citerne échouée. Plus de 40 heures de plongées ont été nécessaires pour réussir à libérer les cales de Mamoudzou et 30 heures pour remettre en conditions opérationnelles le ponton de la base navale. »

 

Les moyens de communication et de détection en mauvais état voire inexistants ont été suppléés par l’arrivée sur place de guetteurs sémaphoristes, mis à disposition par le commandement de la Manche et de la mer du Nord. Leur expertise a renforcé la sécurisation des approches maritimes en installant un sémaphore mobile. Mais un sémaphore mobile, ça sert à quoi ? « C’est un véhicule aménagé qui par ses capacités de relais temporaire a permis une mise en œuvre ponctuelle et très localisée de moyens de détection et de communication. », explique un guetteur sémaphoriste. « Rapidement deux guetteurs qualifiés pour la mise en œuvre de drone (TOPDAC), ont pu renforcer les expertises des moyens étatiques sur place et évaluer les conséquences immédiates du passage du cyclone dans des endroits peu accessibles et assurer ainsi une reconnaissance précise du linéaire côtier ».

Et après…

Depuis le 6 janvier, une équipe de 4 hydrographes du service hydrographique national français est déployée avec leur matériel et ce jusqu’au mois de février afin de sécuriser les voies maritimes dans le lagon et vérifier les profondeurs des voies de navigation. Le cyclone a en effet eu pour conséquence la modification des fonds marins. Un détachement du BMPM et des plongeurs démineurs de l’Atlantique est toujours présent sur place pour continuer à œuvrer aux côtés des Mahorais. La reconstruction sera longue, la Marine nationale sera très certainement de nouveau sollicitée pour mener des missions d’aide à la population avec les bâtiments stationnés à La Réunion.

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