Contre-amiral Guillaume Pinget

Publié le 05/04/2025

Auteur : La Rédaction

Le commandant supérieur des forces armées en Polynésie française et commandant de la zone maritime pacifique est également un acteur majeur de l’action de l’État en mer dans cette zone.

Amiral, quels sont les grands enjeux de la zone de l’océan Pacifique ?

CA G. P. : Le Pacifique est devenu le centre de gravité du monde et les grands défis y sont multiples. En Polynésie et en Océanie, les principales préoccupations des populations sont les risques liés aux changements climatiques. Le nord du Pacifique est plutôt dominé par les tensions entre la Chine et les États-Unis ce qui structure les relations des états de la zone. Les contentieux entre les États de l’Indopacifique en mer de Chine méridionale génèrent des tensions sur fond de crise économique et d’enjeux de puissance. La Russie est aussi un acteur important dans le Pacifique, car son influence s’étend jusque dans le nord de la zone.

Comment l’arrivée du groupe aéronaval (GAN) a-t-elle été préparée ?

CA G. P. : Pour mon état-major, l’arrivée de 3 000 marins constituait un magnifique défi du point de vue de leur intégration dans la zone maritime et sur le théâtre d’opération. Lors de la planification de la mission, nous avons réfléchi avec le Centre de planification et de conduite des opérations et l’état-major du GAN aux pays avec lesquels nous allions coopérer, quels seraient les principaux points d’efforts et effets à produire. La présence du GAN est l’aboutissement d’un travail entrepris depuis la mission Marianne d’un sous-marin nucléaire d'attaque en 2021, et poursuivi avec les déploiements des frégates Lorraine puis Bretagne en 2023 et 2024.

Quels liens entretenons-nous avec les nations riveraines du Pacifique ?

CA G. P. : Les 31 partenaires et pays avec lesquels je suis chargé des relations militaires ont tous des particularités ou des préoccupations différentes. L’enjeu est de réussir à développer nos partenariats avec chacun de ces pays en nous adaptant à leurs préoccupations tout en préservant nos intérêts. Nos principaux alliés et partenaires sont les États-Unis, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. Nous avons également des partenaires asiatiques plus ou moins anciens comme la Corée du Sud, le Japon, la Malaisie et Singapour. Enfin, nous collaborons de plus en plus avec l’Indonésie, les Philippines, le Vietnam ou encore les États insulaires du Pacifique. Nous recherchons des interactions avec chacun d’eux afin de renforcer notre coopération de défense dans toutes les composantes des armées et notre interopérabilité.

C’est la première fois que le GAN se déploie aussi loin aussi longtemps, pour quelles raisons ?

CA G. P. : Nous sommes la seule nation européenne riveraine du Pacifique avec trois territoires dans la zone, et jusqu’à sept si l’on regarde tout l'Indopacifique. D’un point de vue opérationnel, avant Clemenceau 25, nous coopérions déjà de façon satisfaisante avec les forces navales américaines, dans la zone euro-atlantique et centrale [Méditerranée et ouest de l’océan Indien, NDLR]. En revanche, nous n’avions pas encore atteint ce niveau d’interopérabilité avec les forces de l’Indopacifique (3e et 7e flottes). Ce déploiement permet de franchir un seuil sur ce théâtre d’opérations. L’objectif a été atteint et l’exercice Pacific Steller en est une parfaite illustration.

La présence du GAN envoie un message fort aux compétiteurs, lequel ?

CA G. P. : Celui de notre engagement dans la zone en tant que nation riveraine, notre volonté de coopérer avec eux au service d’un Indopacifique ouvert, libre et respectueux du droit international et de toutes les souverainetés. Ce message s’adresse aussi à la communauté internationale.

La présence de la Marine dans cette zone maritime est-elle amenée à se renforcer ?

CA G. P. : Nous connaissons actuellement une remontée en puissance dans les forces de souveraineté pour agir depuis nos outre-mers dans l’espace que je qualifierais d’Asie-Pacifique. Depuis quelques années, nous prévoyons des déploiements de navires basés en métropole, pour renforcer les coopérations et appuyer nos moyens permanents dans la zone. Je travaille actuellement avec l’état-major de la Marine pour préparer la suite du GAN et identifier les prochaines opportunités ou besoins de déploiement. J’ai ainsi à l’esprit le déploiement la mission Jeanne d’Arc pour l’année 2026, qui est susceptible d’évoluer dans le Pacifique.