ALNUC - Maîtrise des risques : "Intégrer l’équipe de France du nucléaire"

Publié le 09/07/2025

Auteur : ASP Clémence de Carné

En 1999, le porte-avions Charles de Gaulle est armé pour ses premiers essais. Le jeune enseigne de vaisseau Sébastien Rosier fait partie de l’équipage en tant qu’ingénieur de quart atomicien.

Cette expérience forge en lui une solide connaissance technique du navire où il reviendra plus tard comme chef de service puis commandant-adjoint navire. Le contre-amiral (CA) Rosier occupe aujourd’hui les fonctions d’ALNUC. À ce titre, il coordonne les domaines de l’exploitation nucléaire, de la prévention, de l’environnement ainsi que celui de la sécurité classique afin de fixer la politique générale de la Marine. Défis capacitaires, futur porte-avions, maîtrise des risques, ALNUC répond au micro tendu par Cols bleus.

L’exploitation nucléaire est un domaine aussi bien civil que militaire, voyez-vous des défis communs à relever pour ces deux filières ?

Contre-amiral Sébastien Rosier  : Dans ces deux filières, il y a un enjeu de renouvellement important des capacités, tant dans le domaine des technologies que dans celui des ressources humaines. Le secteur du nucléaire civil affiche un besoin de recrutement correspondant à 100 000 emplois à pourvoir dans la décennie à venir. La Marine n’est pas en reste. Alors que le renouvellement des sous-marins nucléaires d’attaque se poursuit, ce sont les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de troisième génération et plus encore le porte-avions de nouvelle génération (PA-NG) qui constituent deux défis capacitaires majeurs pour la Marine. L’impératif est de constituer puis former un équipage pour le nouveau porte-avions. Il devra monter en puissance jusqu’à son admission au service actif alors que le Charles de Gaulle n’aura pas encore cessé son activité opérationnelle.

Le recrutement des futurs atomiciens se fait-il en particulier en prévision du PA-NG ?

CA. S. R. : Oui, les futurs experts de l’équipage d’armement du PA-NG sont recrutés dès à présent. En effet, l’acquisition progressive des compétences et de l’expérience nécessaires à l’exercice de fonctions telles que maître-adjoint, chimiste ou instrumentiste, prend du temps. Par ailleurs, le recrutement se poursuivra pour générer l’équipage d’armement avec des atomiciens de propulsion navale (APN) et les spécialistes de la maîtrise des risques nucléaires (MRN) de tous niveaux d’emploi. Pour avoir eu la chance de le vivre à bord du Charles de Gaulle à la fin des années 90, je peux vous assurer qu’être membre de ce futur équipage d’armement est une perspective humaine, technique et professionnelle constituant une aventure hors norme !

La filière NUC Marine est riche d’une grande diversité de métiers et de savoir-faire, dans quels domaines ? Quelles sont les voies d’accès ?

CA. S. R. : Devenir atomicien de propulsion navale ou spécialiste de la maîtrise des risques nucléaires constitue une garantie d’exercer un métier d’excellence, en équipage, dans des environnements exceptionnels, et pour remplir des missions qui ont du sens. La première filière est composée des opérateurs et spécialistes nécessaires à la conduite des chaufferies nucléaires embarquées. Dans une logique de progression de carrière, elle offre aux marins la possibilité d’exercer différents métiers et de progresser, avec des spécialisations possibles vers des métiers d’expertise tels que chimiste ou instrumentiste du contrôle-commande. Le recrutement est ouvert en interne au sein des équipages de la flotte, en particulier à tous les BAT (brevetés d'aptitude technique). Plus récemment, ce recrutement a été également ouvert aux candidats externes. Avec le bac en poche, il est possible de candidater à l’une des deux formations spécifiques proposées par l’École des applications militaires de l’énergie atomique. Certains diplômes de l’enseignement supérieur permettent aussi de s’engager pour devenir atomicien, en tant qu’officier marinier, ou officier.

Comment abordez-vous la maîtrise des risques en tant que responsable de la sécurité et la santé au travail ?

CA. S. R. : La maîtrise des risques repose sur des dispositions adaptées dans différents domaines technique, organisationnel, humain. Dans la Marine, où nous exploitons certes des réacteurs nucléaires, mais où nos marins sont également potentiellement confrontés à d’autres risques de nature industrielle lors des arrêts techniques, nous devons appendre et veiller en permanence à prendre en compte et gérer ces risques. Dans ce contexte, nous sommes particulièrement vigilants aux facteurs organisationnels et humains (FOH) qui demeurent la cause directe de trop nombreux incidents voire accidents. Mais compte tenu de son expérience dans le domaine des chantiers navals, la Marine s’appuie sur une solide culture de sûreté nucléaire et plus largement sur une culture de la sécurité industrielle. Cette culture constitue un patrimoine immatériel qu’il est important d’entretenir, en particulier à travers l’analyse objective et la diffusion large du retour d’expérience. Nos échanges réguliers avec nos partenaires industriels, au premier rang desquels les industriels de la construction et de la maintenance navale, mais aussi EDF par exemple, nous rapellent parfois à l’humilité face à l’imprévu. Ils montrent également notre excellence et notre maturité dans
ce domaine, si crucial, de la maîtrise des risques.

Quels sont les liens entre l’industrie nucléaire civil et la Marine ?

CA. S. R. : Les liens sont nombreux et permanents. Ils s’inscrivent d’abord dans l’action du service de soutien de la flotte SSF, qui assure le maintien en condition opérationnelle des bâtiments à propulsion nucléaire en s’appuyant sur des contrats avec les acteurs industriels.

Dans le cadre des programmes d’armement, ce sont les équipes « programmes » de l’état-major de la Marine qui œuvrent avec la DGA auprès des industriels.

Par ailleurs, les échanges entre la Marine nationale, le service technique (STXN – CEA, DGA marine) et l’industrie s’inscrivent également dans le temps long, tout d’abord avec EDF au sein d’un comité de direction du retour d’expérience dans tous les domaines (conception, exploitation, gestion de crise, etc.).

Plus récemment, une nouvelle dynamique d’échanges entre le ministère et l’industrie se développe au sein du groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (GIFEN). L’objectif est que les activités de défense soient prises en compte au sein de la dynamique de relance nationale du domaine nucléaire.