Paris, ville marraine du porte-avions Charles de Gaulle
Publié le 19/09/2025
À l’occasion des Journées européennes du patrimoine, Cols bleus a rencontré le chef du protocole de la Ville de Paris. Laurent Bellini raconte le lien très fort qui unit la capitale et le Charles de Gaulle.
Chef du protocole à la Ville de Paris, Laurent Bellini est l’homme qui orchestre les grandes cérémonies républicaines, les commémorations et la plupart des temps forts qui rythment la vie trépidante de la première municipalité de France. Passionné par le monde maritime et la Marine nationale en particulier c’est aussi lui qui veille sur le partenariat qui unit depuis bientôt 25 ans le Charles-de-Gaulle et la ville-lumière.
Cols bleus : Depuis quand Paris est-elle la ville marraine du porte-avions Charles de Gaulle ?
Laurent Bellini : Paris est devenue ville-marraine du fleuron de la Marine nationale le 9 octobre 2001, date à laquelle l’acte solennel de parrainage a été signé par Bertrand Delanoë, alors maire de la capitale, et le capitaine de vaisseau Richard Laborde, commandant du bateau à l’époque. D’une manière générale, le parrainage d’une unité militaire par une ville n’est pas un acte anodin. C’est un engagement à créer, entretenir et enrichir des liens particuliers qui doit faire l’objet d’une délibération votée à l’unanimité par le conseil municipal. C’est aussi un véritable outil de création, de maintien et de renforcement du lien extrêmement fort que notre armée doit avoir avec la Nation.
Pourtant Paris n’est pas une ville maritime.
Laurent Bellini : On pourrait en effet s’interroger sur le fait que Paris n’a pas d’autres rivages à offrir que les berges de la Seine et que la possibilité de recevoir un jour le porte-avions au pied de la tour Eiffel est hautement improbable ! Pourtant cette alliance entre la ville-capitale et le vaisseau amiral de la Marine est tout simplement une évidence. Par ailleurs, au-delà du symbole, le principe général des villes marraines n’impose aucune proximité géographique. On aurait pu bien-sûr imaginer que la Mairie parraine la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Mais un tel rapprochement n’aurait rien apporté plus que la relation déjà très privilégiée que les parisiennes et les parisiens ont avec « leur » sapeurs-pompiers.
L’alliance entre la ville-capitale et le vaisseau amiral de la Marine est tout simplement une évidence
Comment cette relation particulière se traduit-elle ?
Laurent Bellini : Depuis près de 25 ans, de nombreux événements et initiatives ont vu le jour. Mais c’est depuis 2014, avec le souhait de la maire de Paris d’aller encore plus loin que nous avons décidé de mettre en place un programme annuel qui ponctue à la fois la vie des marins du « Grand Charles » et celle de la municipalité. Nous accueillons ainsi plusieurs fois par an des délégations de l’équipage autour de programmes mémoriels, historiques, culturels et ludiques. Nous mettons également en place chaque année un partenariat entre l’équipage et deux classes parisiennes (primaires ou secondaires). Une initiative qui fait naturellement écho à un parcours citoyen dans lequel on sensibilise les jeunes générations à la culture de la défense – et en particulier à celle de la Marine nationale. La Ville apporte aussi un soutien financier qui se manifeste de façons très diverses : inscription gratuite pour des membres de l’équipage au Marathon de Paris, des aides à la restauration de la salle de lecture à bord, ou bien encore au renouvellement du mobilier du carré du commandant par les étudiants de l’École Boulle.
Quels sont les temps forts de cette alliance ?
Laurent Bellini : En 25 ans, ils ont été très nombreux. Je pense notamment à l’inauguration de l’exposition de photos « A bord du porte-avions » qui présentait la vie embarquée et les différents métiers de l’équipage. Mais aussi la visite d’une délégation de marins au Château de Versailles. Je n’oublierai jamais l’émerveillement des touristes qui les regardaient passer en tenue dans la Galerie des Glaces, ni le moment de recueillement, devenu depuis une étape obligée, au Mont Valérien, où a été fusillé le lieutenant de vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves en 1941. Toujours dans cet esprit mémoriel, nous avons aussi organisé un voyage de marins et d’élèves parisiens à Colombey-les-deux-Eglises à l’occasion de la commémoration de la mort du Général de Gaulle. Je voudrais aussi rappeler à quel point l’organisation à bord d’un Comité de direction croisé entre le Secrétariat général de la Ville de Paris et le commandement du PAN a marqué les hauts fonctionnaires de la ville en matière, notamment, de savoir-faire et de gestion de crise.
Pour le 20e anniversaire du parrainage, nous avons créé un kit pédagogique sur le porte-avions qui a permis à 14 000 élèves de CM2 parisiens de découvrir son univers si particulier. Parmi les autres temps forts, nous pouvons aussi citer l’invitation d’une délégation de marins au Village Rugby pendant la dernière coupe du monde lors du match France/Italie, ou dans les jardins du Trocadéro pour un feu d’artifice du 14 juillet. Enfin, je pense aussi, bien entendu, à cet hommage si émouvant offert par l’équipage au lendemain de l’incendie de Notre-Dame de Paris, lorsqu’il s’est rassemblé sur le pont d’envol pour former la silhouette de la cathédrale, ou encore à cette immense croix de Lorraine humaine tracée à bord pour commémorer le 80e anniversaire de la Libération de la capitale.
Quelles sont les actions de la ville spécifiquement liées à ce partenariat hautement symbolique ?
Laurent Bellini : Pour rendre vivante et constructive notre relation, j’effectue une veille très active de l’actualité du bateau et de son équipage afin d’en informer la maire de Paris pour pouvoir y réagir le cas échéant. Je fais en sorte également d’être régulièrement en lien avec le commandant et son cabinet pour évoquer toutes les activités que l’on pourrait mettre en place. Côté porte-avions, c’est la même chose. Le commandant et l’équipage réagissent très souvent à l’actualité parisienne. Dans les moments de joie comme dans les grandes crises. Je songe en particulier à cette lettre adressée par le commandant à la Maire de Paris au lendemain des attentats du 13 novembre. Un document qu’elle garde précieusement « car elle est le symbole de l’engagement de ces hommes et de ces femmes qui ont mis toute leur énergie à défendre leurs concitoyens au moment où Paris venait d’être violemment frappée. » Chaque année, le temps d’un week-end, nous offrons aux primo-embarquants la possibilité de venir découvrir Paris, l’hôtel de ville, l’Arc de Triomphe, voire des lieux parfois plus insolites. Autant de façons de leur montrer par notre accueil tout l’attachement de la Ville à l’équipage et aux valeurs qui l’animent. Dans un même esprit, nous emmenons chaque année une quarantaine d’élèves à Toulon pour une visite immersive du porte-avions sous la conduite de membres de l’équipage. Trop peu de Parisiennes et de Parisiens le savent, mais leur ville est très présente à bord, puisque de nombreuses de coursives et croisement de couloirs portent des noms de rues de la Capitale. Ainsi en pleine mer ou à quai à Toulon, on peut facilement se donner ainsi rendez-vous rue de Vaugirard, ou place de l’Hôtel de Ville. De son côté, le porte-avions est toujours présent au cœur de l’Hôtel de Ville grâce à une maquette au 1/200 exposée lors de grandes occasions, notamment pour les Journées européennes du patrimoine
À votre avis, comment renforcer encore plus le lien armées-nation ?
Laurent Bellini : Renforcer – ou plutôt – renouveler le lien entre la Nation et son armée, entre les militaires et la jeunesse est un des enjeux majeurs des années à venir. L’actualité nous montre quotidiennement que les valeurs sur lesquelles repose notre société sont fragiles et font l’objet d’attaques régulières. Pour les défendre, il est important qu’une démocratie comme la nôtre puisse s’appuyer sur une armée solide et, dans le cas présent, d’une marine performante et engagée. Grâce à des actions ciblées de valorisation des métiers de la marine – et plus globalement de la défense nationale – à la mise à l’honneur de destins intemporels et d’histoires individuelles marquantes, je crois que l’engagement et l’abnégation des marins du porte-avions peuvent apparaissent comme des repères et des modèles pour les jeunes générations. À mon sens, partager l’esprit et la culture de défense ne signifie pas de se préparer à la guerre, mais permet de s’en préserver en maintenant une paix durable et en garantissant la sécurité du pays. La vision du Général de Gaulle sur la dissuasion nucléaire française en est une illustration. Renforcer, réécrire, renouveler le lien armée-nation, c’est créer des moments d’échanges, de découvertes, d’informations, de partage et de pédagogie entre les militaires- marins, aviateurs et terriens- et la population civile, afin que les uns puissent comprendre les actions des autres, les expliquer et les appréhender avec une forme de fierté. Toutes les actions qui seront menées en 2026 dans le cadre du 400e anniversaire de la naissance de la Marine, et à mon niveau, à l’occasion du 25e anniversaire du parrainage de la Ville de Paris avec le Porte-avions Charles de Gaulle, devront s’inscrire dans cet objectif, sans jamais hésiter à sortir des sentiers battus ni à s’adresser aux moins convaincus.