Ils aiment Cols bleus... et ils le disent !
Publié le 26/02/2025
Chefs d’état-major, anciens directeurs de la publication, matelot, quartier-maître, réservistes opérationnels ou citoyens, invités d’un jour ou contributeurs réguliers, les marins d’hier et d’aujourd’hui témoignent de leur lien affectif et professionnel avec le magazine de la Marine nationale. 80 ans d’information continue, d’aventures navales, d’histoires maritimes et d’actualité autour de et sur la Marine et le monde de la mer.

Chef d’état-major de la Marine, l’amiral Nicolas Vaujour
"Depuis 1945, Cols bleus accompagne l’histoire de la Marine. Il inspire l’esprit d’équipage.
A ses débuts, une époque où la communication était éloignée de la passion des réseaux sociaux, le journal entretenait un lien essentiel entre les marins. Dès la fin de la guerre et au cours des conflits qui se sont succédés, Cols bleus a renforcé la cohésion de la Marine. Les journalistes qui l’ont fondé sont restés des reporters de « guerre navale » jusqu’au début des années 1960.
Aujourd’hui encore, à travers une variété de thèmes, de témoignages, de récits et d’images, Cols bleus renforce ce sentiment d’appartenance à une grande communauté : la Marine nationale. Au fil des décennies, j’ai observé l’évolution de son format, de sa maquette, de sa fréquence. Son lectorat également a évolué, puisqu’il est maintenant distribué dans les lycées, et les classes « enjeux maritimes » ou de défense.
La Marine s’est adaptée aux changements du monde, à l’intensité des opérations, associée à sa mémoire vivante : Cols bleus. Une chose n’a jamais changé. La mission du magazine est toujours de refléter la vie des marins, à bord des bâtiments, des sous-marins, des aéronefs, des escouades de fusiliers et commandos, dans les bases et les ports. Voir son unité en photo dans ses pages est toujours une véritable fierté. Cela permet aussi d’animer les discussions de l’équipage, et de lancer quelques clins d’œil amicaux ! "
Contre-amiral Bertrand Dumoulin
Directeur de la publication de 2016 à 2019, le contre-amiral Bertrand Dumoulin retrace son histoire avec Cols bleus.

Votre premier souvenir avec Cols bleus ?
Contre-amiral Bertrand Dumoulin : J’étais fistot à la baille, je l’ai découvert en attendant mon tour pour passer à la visite médicale.
Quelle était l’image de Cols bleus quand vous êtes entré dans la Marine ?
C.A. B. D. : C’était déjà la revue des marins qu’on trouvait dans tous les carrés (officiers, officiers mariniers) et cafétéria équipage, celle qui vous donne le sentiment et la fierté d’appartenir à une communauté.
Étiez-vous un lecteur assidu de Cols bleus ?
C.A. B. D. : Non, j’étais plutôt un lecteur épisodique mais lorsque j’ai pris le commandant de mon premier bâtiment, un patrouilleur (P400), j’ai lancé le défi suivant à l’équipage : que La Gracieuse soit l’unité dont on parle le plus dans Cols bleus. Grâce à quelques éléments moteurs, tout le monde s’est pris au jeu et nous avons été publiés plusieurs fois, à la grande fierté de l’équipage. J’ai même entendu un commandant de frégate s’étonner qu’on parle plus dans Cols bleus d’un P400 que de son fier vaisseau !
Votre regard sur Cols bleus a-t-il changé lorsque vous êtes arrivé au SIRPA ?
C.A. D. : J’ai surtout compris que Cols bleus était bel et bien lu car, j’avais très vite un retour des articles et thématiques abordés. Et le pire, à éviter à tout prix, était l’oubli malheureux… Un « amiralscope » incomplet et vous receviez très vite un coup de téléphone de la personne concernée à qui il fallait offrir, en compensation, une tribune dans le numéro suivant !
Une chose que vous avez apprise et qui vous a surpris sur le magazine Cols bleus en devenant chef du SIRPA ?
C.A. D. : J’ai trouvé une formidable équipe très (trop) resserrée, composée pour moitié d’aspirants, tous passionnés et qui ne manquaient pas d’idées pour valoriser les marins et l’activité de la Marine. Il fallait certes relire attentivement les articles car on ne peut pas exiger d’un ou d’une aspirant qu’il ait une vision globale de la Marine mais le résultat était, à chaque fois, de très grande qualité.
Un Cols bleus qui vous a marqué ?
C.A. D. : Le numéro d’avril 2017 était très particulier car il présentait la situation de la Marine française en avril 1917 avec les mêmes rubriques qu’aujourd’hui : un numéro qui a fait « transpirer » le service historique de la Défense (SHD) qui nous a bien aidés. Imaginez seulement la réaction du correspondant DPMM du SIRPA quand, pour préparer ce beau numéro, on lui a posé des questions concernant le personnel de… 1917 ! Un numéro qui restera dans les annales.
Avez-vous une anecdote particulière à nous partager sur le magazine ?
C.A. D. : En me renseignant, j’ai découvert que de nombreux marins, plutôt anciens, abonnaient pour Noël leurs filleuls ou, pour les plus âgés, leurs petits enfants à Cols bleus. Excellente idée !
Quel souvenir gardez-vous des éditos à écrire ?
C.A. D. : Un édito réussi, c’est un édito qui donne envie de lire le reste du magazine.
Amiral (2S) Bernard Rogel
L’amiral Bernard Rogel a été le chef d’état-major de la Marine de 2011 à 2016.

"Cols bleus, c’est une histoire indissociable de celle de ma vie. Cols bleus, c’est d’abord un condensé de rêves d’enfant brestois qui dévorait avec gourmandise l’hebdomadaire de la Marine française et en découpait patiemment les photographies pour les ranger religieusement, en compagnie des cartes postales de Marius Bar et d’Iris, dans un cahier d’écolier bleu qui ne m’a jamais quitté.
Cols bleus c’est aussi le journal de la Marine et sports nautiques que je lisais en 1970, en rentrant en seconde au Collège naval, bien décidé à devenir marin, et encouragé dans mes études par tous ses articles, relatant la force d’une marine renouvelée : Le porte-hélicoptères Jeanne d’arc, les porte-avions Foch et Clemenceau, la montée en puissance de la Force océanique stratégique…
Cols bleus c’est le journal de la marine et des arsenaux des années 80 et l’initiation aux médias des jeunes enseignes qui devaient à chaque escale relater leurs aventures navales afin d’alimenter, dans la rubrique « sur toutes les mers », le rêve des uns et la connaissance maritime des autres. Ce fut pour moi des articles sur une escale à Dinard sur Le Normand et une autre à Valence sur le La Praya, premiers essais littéraires publics rangés précieusement dans un album photo, vestiges d’une période particulièrement heureuse, celle des premiers pas opérationnels…
Cols bleus, c’est le magazine de la Marine et de la mer des années 2000, alors que je finissais mon troisième commandement de sous-marin, dans lequel s’imbriquaient harmonieusement des rubriques maritimes, le moniteur de la flotte annonçant promotions et mutation, des portraits de marins de toute origine, et une fois par mois en dernière page, les œuvres sublimes de nos peintres de la Marine, témoins talentueux du mélange imprescriptible de la mer et de l’art…
Cols bleus, c’est le magazine de la Marine des années 2010, dans lequel, en tant que CEMM, j’exposais mon plan Horizon Marine 2025 qui devait nous permettre de préparer, au milieu d’un coup de vent budgétaire, la marine d’aujourd’hui. Ce n’était pas « la voix du Parti » mais bien l’idée de manœuvre d’un chef à son équipage pour obtenir la nécessaire adhésion de tous, suivie d’un point régulier sur notre navigation parsemée d’embûches. J’y parlais de beaux projets, Frégate de Défense et d’Intervention, Suffren, Bâtiments Ravitailleurs de Forces et de soutien, patrouilleurs outremer, tous devenus aujourd’hui des réalités…
Cols bleus, c’est enfin le mensuel et le site internet que je continue à lire avec passion aujourd’hui, en deuxième section, et dans lequel je peux admirer les prouesses de notre belle marine et de ses vaillants équipages. C’est une pincée de sel lointain qui accompagne le crépuscule d’une vie maritime…
Que tous ceux qui ont contribué et contribuent encore à sa réalisation en soient sincèrement remerciés.
Bon 80e anniversaire à notre toujours jeune compagnon de navigation, en lui souhaitant évidemment « bon vent et bonne mer »."
Contre-amiral (2S) Éric Lavault
Directeur de la publication de 2019 à 2022

Quand avez-vous découvert Cols bleus ?
Contre-amiral Éric Lavault : À l’École navale car il était dans tous les postes.
Quelle était la réputation de Cols bleus quand vous êtes entré dans la Marine ?
C.A. É. L. : Sa terminologie était et reste probablement: « Le journal du parti ». La magie de ce magazine est que l’on s’apercevrait de son importance si jamais il disparaissait.
Quel lecteur de Cols bleus étiez-vous ?
C.A. É. L. : J’étais un lecteur lambda de Cols bleus comme tous les marins. On le parcourt, on s’arrête sur les photos et on lit ce qui nous intéresse, probablement comme n’importe quel journal. L’océan est beau et offre de splendides images. Cols bleus donne l’occasion de les admirer et de voyager.
Votre regard sur Cols bleus a-t-il changé lorsque vous êtes arrivé au SIRPA ?
C.A. É. L. : Sur le fond, mon regard n’a pas changé, d’ailleurs j’aurais trouvé cela bien présomptueux de ma part de révolutionner une revue dans laquelle toutes les équipes du SIRPA qui se sont succédé avaient mis leur patte. J’ai fait quelques retouches, on a ajouté la blague en BD « Le Saviez-vous ? » sur une idée de Philippe Brichaut (secrétaire de rédaction, NDLR). Il est nécessaire de préserver l’humour dans cette revue ; l’humour fait partie du quotidien des marins.
Une chose que vous a surpris sur le magazine Cols bleus en devenant directeur de la publication ?
C.A. É. L. : Le processus de conception du magazine extrêmement rigoureux, qui exige beaucoup de travail, et la liberté que j’avais. Je n’ai jamais été censuré.
Un article qui vous a marqué ?
C.A. É. L. : L’interview d’Ursula Pacaud-Meindl une allemande arrivée en France après la guerre. Son travail d’ingénieur au sein du laboratoire acoustique de la Direction des constructions et armes navales a grandement contribué à l’essor des performances de nos sonars, elle a été considérée comme la mère des oreilles d’or. L’excellence de la Marine dans ce domaine lui est en partie due. Son témoignage fut émouvant parce qu’elle était excessivement humble. Nous avions réalisé une interview d’elle pour ses 100 ans. Elle est depuis décédée.
Une anecdote à partager sur le magazine ?
C.A. É. L. : Lors d’une visite des locaux de Ouest France, j’avais découvert un stock de dix énormes rouleaux de papier d’impression. Le directeur du journal avait pris la décision, après les événements de mai 68, de réaliser ce stockage afin de ne jamais devoir à nouveau interrompre l’impression, quelles que soient les circonstances. Nous avons interrompu Cols bleus durant la covid, et a posteriori, si c’était à refaire, je ferais tout pour ne pas l’interrompre.
Quel souvenir gardez-vous des éditos à écrire ?
C.A. É. L. : Un moment de pression et de plaisir, j’étais content quand je les avais achevés. Je les rédigeais souvent dans le train, le temps d’un voyage. J’aimais les anticiper pour y réfléchir, faire un peu de recherches, puis je le testais sur deux ou trois amis.
Un message à transmettre ?
C.A. É. L. : Cols bleus doit être l’alliance de la modernité et de la tradition pour qu’il marche sur deux jambes. Il doit parler du matelot à l’amiral.