Clemenceau 25 : le soleil se lève à l’Est
Publié le 03/04/2025
Le groupe aéronaval a appareillé de Toulon le 28 novembre 2024 pour un périple de 40 000 nautiques jusque dans le Pacifique. Un déploiement qui réaffirme la capacité du GAN à durer à la mer

Lorsque les mouchoirs colorés des familles de marins s’agitent pour saluer le départ du porte-avions Charles de Gaulle et de ses escorteurs depuis le port de Toulon le 28 novembre 2024, la situation géopolitique internationale est tout sauf anodine. En Ukraine, les Russes enregistrent, après 1 000 jours de combat, leur plus forte progression depuis deux ans et demi, et l’investiture imminente du nouveau président des états-Unis Donald Trump fait peser une nouvelle incertitude sur l’avenir du conflit et les forces en présence. En Syrie, où des Rafale Marine, des Hawkeye et des navires de surfaces, ont été envoyés pour des missions d’appréciation autonome de situation dans le cadre de l’opération Chammal, le régime de Bachar El Assad est officiellement renversé le 8 décembre. Le Proche-Orient danse toujours sur des charbons ardents, avec une menace directe de tirs des Houthistes sur le groupe aéronaval tandis que l’Indopacifique bruisse de rivalités de plus en plus sonores.
Dans ce contexte épineux, la démonstration de projection, de puissance et de supériorité navale du GAN s’annonce impérative. Avec la mission Clemenceau 25, le groupe aéronaval poursuit trois objectifs majeurs : affirmer la liberté de navigation dans les espaces maritimes stratégiques et conforter leur stabilité ; consolider les partenariats dans l’Indopacifique et enfin, renforcer l’interopérabilité avec ces derniers à travers des exercices d’envergure.
Une flexibilité en fonction des besoins
La force du GAN ? « Sa composition flexible qui lui permet de s’adapter à tous les théâtres d’opération, répond à brûle-pourpoint le contre-amiral Mallard, commandant de la force aéromaritime de réaction rapide (FRSTRIKEFOR pour French Strike Force), et Clemenceau 25 est l’occasion de renforcer son appréciation autonome de situation dans un environnement stratégique complexe. »
Modulable, le GAN change, non pas de couleur comme un caméléon, mais de forme en fonction des besoins de la mission. Le porte-avions qui accueille l’état-major est ainsi escorté d’un sous-marin nucléaire d’attaque, de bâtiments de lutte sous la mer et de défense aérienne et d’un bâtiment ravitailleur. Il porte un groupe aérien embarqué (GAé) composé des Rafale Marine, des E-2C Hawkeye et des hélicoptères Dauphin et Caïman avec le soutien d’un avion de patrouille maritime (Atlantique 2) basé à terre. « C’est un groupe cohérent, poursuit l’amiral Mallard, maintenu et agrégé autour de son capital ship, le porte-avions. » Auquel se joignent des escorteurs étrangers. La mission a été planifiée selon une logique de partenariats. Ainsi avec les opérations en Méditerranée, les exercices La Pérouse 25, Pacific Steller, puis Varuna et les différentes escales, le GAN français a travaillé avec plus d’une quinzaine de pays : Australie, Canada, états-Unis, égypte, Grèce, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Malaisie, Maroc, Philippines, Royaume-Uni, Singapour, Sri-Lanka, Vietnam, Djibouti, etc.
Après l’océan Indien, le GAN a poursuivi sa mission vers l’Extrême-Orient, en Asie du Sud-est. Du 12 au 17 février, une frégate multi-missions et un bâtiment ravitailleur de forces (BRF) ont fait escale à Okinawa au Japon. Partenaire stratégique de la France depuis 30 ans, le Japon accueille régulièrement des bâtiments de la Marine nationale comme ce fut le cas de la Bretagne en 2024 lorsque la frégate a effectué sa relève d’équipage à Yokosuka en pleine mission opérationnelle. Après sa participation à l’exercice trilatéral Pacific Steller, du 8 au 18 février 2025, aux côtés des États-Unis et du Japon, le GAN s’est arrêté pour la première fois aux Philippines les 21 et 24 février entre les ports de Subic Bay et de Manille.
Ces étapes inédites (1re fois qu’un BRF fait escale en Australie, à Singapour, au Japon et aux Philippines, et pour le porte-avions aux Philippines et en Indonésie) pour un déploiement du GAN permettent à la France de développer ses points d’appuis logistiques dans le Pacifique, assurant ainsi son autonomie loin de la métropole dans la conduite de missions de défense de ses citoyens et de ses intérêts.
Un large spectre de missions

Connaître et anticiper : grâce à ses nombreux capteurs de renseignement.
Prévenir : par sa simple présence dans une zone de crise, le GAN permet d’affirmer le soutien politique de la France.
Influencer : le GAN pèse politiquement grâce à son potentiel de projection
de puissance.
Protéger : le territoire national, en interdisant ou réglementant l’accès à une zone hauturière ou littorale. Protéger nos lignes de communications maritimes.
Intervenir : outil privilégié de projection de puissance, le GAN est capable d’intervenir tôt dans les crises : frappes sur des objectifs en profondeur, soutien aux forces à terre, compréhension du théâtre, commandement tactique, etc.
Dissuader : le GAN peut mettre en œuvre l’arme nucléaire aéroportée avec une montée en puissance ostensible et graduelle.